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J'ai marié un pays

Un mois et demi plus tôt, nous étions allés à Kyoto afin de réserver nos deux kimonos. Si les choisir est emballant, les revêtir se révéla un évènement. Donc, dans le forfait: «réservation de kimonos de mariage» viennent les habilleuses, implicitement.
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C'était un jour d'hiver au Québec, mais là bas, c'était déjà le printemps depuis au moins un mois. Les bourgeons 2016 n'étaient plus de timides boutons verts comme ici. Les arbres semblaient tous rivaliser entre eux afin de savoir qui auraient les plus belles feuilles du printemps.

Quant à nous, moi et ma future épouse, nous espérions secrètement que le 18 mars les cerisiers seraient en fleurs une semaine plus tôt que prévu. Ce ne fut malheureusement pas le cas.

Je conduisais donc mes beaux-parents, ma future femme, mon nouveau-né et moi-même à bord de la «Honda Fit» familiale au «Shrine de Kashihara» situé à Nara qui fut la première capitale du Japon. Au menu, se familiariser avec les lieux, se vêtir de nos costumes d'apparat et m'entrainer à réciter les mots qui devraient officiellement sceller notre union.

Il ne fut pas très difficile de s'approprier cet endroit. Dès que j'eu franchi la première arche de bois, c'est comme si j'eu été aspiré par les esprits de ceux qui ont jadis bâti cet endroit. Moi qui ne suis ni religieux ni fan fini de culture japonaise, je me suis tout de suite senti happé par l'instant.

Un mois et demi plus tôt, nous étions allés à Kyoto afin de réserver nos deux kimonos. Si les choisir est emballant, les revêtir se révéla un évènement. Donc, dans le forfait: «réservation de kimonos de mariage» viennent les habilleuses, implicitement.

En effet, puisqu'il est impossible de s'habiller soi-même tant le souci du détail est de mise avec ces tenues traditionnelles. C'est donc sur une musique «house» plutôt inattendue et pas mal du tout, qu'elles nous ont séparés afin de nous affubler de nos tenues cérémonielles respectives.

Pendant que deux habilleuses s'acharnaient sur ma femme en devenir, la troisième s'affairait à garder sa rigueur toute japonaise face à mon déhanchement devenu incontrôlable dû à cette musique qui émoustille mes sens depuis plus de vingt ans. Elle s'activait tant bien que mal à faire de moi le plus beau de tous les gaijin (étranger en japonais).

Une fois parés de nos plus beaux atours, une session de photo nous attendait. Le concept était simple, nous n'avions qu'à déambuler sur ce site gigantesque construit par l'Empereur Meiji (1889) en l'honneur de Jimmu le fondateur présumé du Japon (-660). Ici et là nous feignions une prière ou un regard admiratif sous les cerisiers nus. Même si le ciel gris ne se prêtait guère à des photos idylliques, chaque cliché se révélait authentique.

C'est alors que le jeune «prêtre» nous fit signe d'entrer dans le temple. Une salle réservée à chaque famille nous attendait avant de pénétrer dans l'enceinte principale où j'allais prononcer les voeux nous liant à jamais. Les amies de ma blonde, ses parents et son frère se sont alors retrouvés dans la même pièce, me laissant seul dans l'autre avec ce texte japonais que je peinais toujours à apprendre par coeur.

Lorsque l'appel fut donné afin de nous présenter devant les esprits de ce temple, je n'étais pas prêt. Je ne savais pas si mon japonais serait audible, je ne savais pas si je serai digne d'un tel serment et je ne sais toujours pas aujourd'hui, ce que le mariage signifie.

«Tout ce que je sais c'est que mon héritage culturel ne se résume plus aussi facilement qu'avant, car je partage le patrimoine de deux peuples dorénavant.»

Tout ce que je sais, c'est que les esprits et les vivants m'ont entendu ce jour-là, car mon japonais a pris de l'assurance à la minute où je me suis levé et que j'ai pris conscience de la solennité du moment.

Tout ce que je sais, c'est que mon fils Akira sera pour toujours, un descendant de Kashiara. Que ma femme et moi sommes désormais liés devant l'autel de la vie. Tout ce que je sais c'est que mon héritage culturel ne se résume plus aussi facilement qu'avant, car je partage le patrimoine de deux peuples dorénavant. Moi qui n'ai jamais cru au mariage, me voilà marié à ma chérie et, par le fait même, à tout un pays.

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