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Lorsque quelqu’un me traite de « femme difficile »

Personne ne semble savoir quoi faire avec une femme qui ne cadre dans aucun moule.
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C’est une perception des femmes qui est omniprésente et dont nous avons hérité de ces importants débats.
Junru Bian / EyeEm via Getty Images
C’est une perception des femmes qui est omniprésente et dont nous avons hérité de ces importants débats.

Lorsque vous êtes une femme de mon âge (dans la trentaine), vous devez composer avec au moins deux stéréotypes : la femme idéale - c'est-à-dire les attentes sociales inhérentes à votre culture - et, bien entendu, celui de la femme que vous devriez être, mais n'êtes pas.

Cela peut sembler être un habile jeu de mots, mais il s'agit bel et bien d'une idée toute simple : personne ne semble savoir quoi faire avec une femme qui ne cadre dans aucun moule.

Je me suis mise à réfléchir à cette question lorsque, il y a quelques jours, un ami m'a traitée de « femme difficile ». Il l'a fait à la blague et je crois qu'il a été surpris de ma réaction. Je l'ai plutôt dévisagé, pas vraiment fâchée, mais un peu inconfortable. Je ne trouvais pas le terme offensant en soi, mais il décrit néanmoins un type de préjudice qui est complexe et qui porte suffisamment à confusion pour qu'on l'examine de temps à autre.

Lorsque je lui ai dit, il a haussé les épaules et ajouté « ce n'est pas une insulte » en guise de clarification.

« Je n'ai pas dit que ça l'était. »

« Alors pourquoi est-ce que ça te dérange? »

« Je ne comprends pas vraiment ce que signifie l'étiquette "difficile" pour toi. »

Il a soupiré et, à en juger par son expression, j'ai eu l'impression que mes questions commençaient à l'inquiéter. Peut-être se disait-il qu'il s'était embourbé - bien à son insu - dans une de ces tirades sans fin sur le patriarcat, le féminisme ou encore l'un de ces débats sur ce qui est ou pas « politiquement correct ».

Ma question était simple et directe : je voulais savoir pourquoi il pensait que j'étais une femme difficile.

Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agissait. Ma question était simple et directe : je voulais savoir pourquoi il pensait que j'étais une femme difficile.

« Je ne sais pas. Ce n'est pas facile de te satisfaire », a-t-il finalement laissé tomber. « Tout est un peu un terrain miné avec toi, comme si on devait toujours surveiller ce que l'on dit ou tient pour acquis, car ceci ou cela pourrait te mettre en colère. Tu es... difficile à comprendre. »

Je n'ai rien répondu. Dans ma tête, je me suis demandé si mon ami faisait référence à mon amour de la discussion et du débat ou à quelque chose de plus profond, tortueux et, comme il venait de le dire, difficile.

Je ne trouvais pas le terme offensant en soi, mais il décrit néanmoins un type de préjudice qui est complexe et qui porte suffisamment à confusion pour qu'on l'examine de temps à autre.

J'étais un peu renversée, car je ne me suis jamais considérée comme quelqu'un de particulièrement agressif ou controversé. Mais est-ce que cela fait de moi une personne difficile? Ce que mon ami décrit est plus associé à un concept plus difficile et vague que je n'arrive pas à définir. De quoi parlons-nous exactement?

« Tu veux dire que je suis... querelleuse? », je lui demande.

Nouveau haussement d'épaules. « Oui, mais ce n'est pas ça. »

« C'est quoi, alors? »

« Ce n'est pas simple à expliquer. Tu es une personne qui a toujours quelque chose à dire, à objecter ou à commenter sur à peu près tout. N'importe quelle idée doit faire l'objet d'un débat avec toi. N'importe laquelle... »

Silence.

Je réalise soudain qu'il est aussi inconfortable que moi, comme si le fait d'énoncer un ensemble d'idées lui avait fait prendre conscience de leur sens ou, ce qui était encore plus renversant, que cette logique entraîne le glissement d'un préjugé vers quelque chose de beaucoup plus trouble.

« Peut-être que c'est une simple question d'habitude », m'explique-t-il. « Les femmes sont généralement plus flexibles, plus gentilles et moins agressives. »

« Donc si je ne suis pas toutes ces choses, je suis une femme difficile? »

« Plutôt hors normes, en tout cas. »

On commence à y voir plus clair, me dis-je. Il y a un vaste territoire ressemblant à un désert inexploré où se trouvent les définitions désuètes concernant les femmes, ce qui est défini comme « réel » et de manière encore plus troublante, ce qui est censé être féminin.

Ce n'est pas une idée nouvelle : la « question féminine » a commencé à être débattue au 19e siècle. En d'autres mots, être femme - en tant qu'identité et personnalité - a commencé à être perçu comme un « problème de société ». Jusque là, la féminité se résumait à une interprétation brumeuse d'une créature brouillonne sans détermination et assujettie à la volonté du mâle. Et cela, malgré les grands bonds en avant effectués durant la Révolution française grâce aux « clubs de femmes », des lieux de rencontres exclusifs aux femmes où l'on débattait de politique et de culture avec autant de verve que les hommes.

Malheureusement, avec la mort d'un de leurs commanditaires, l'admirable philosophe Condorcet -, ces petit pas vers l'avant au sujet de l'identité féminine se sont de nouveau fondus dans le flot de l'histoire. Les femmes - ou plutôt leur existence - ont de nouveau été soumises à l'interprétation masculine et, ce qui était d'autant plus douloureux, au concept même de son rôle de soutien dans les annales des siècles et décennies.

Mais avec la résurgence de certains sujets entourant l'égalité des sexes au fil du 19e siècle, la « question féminine » a démontré que l'identité féminine devait être redéfinie. Peut-être était-ce dû à la destruction de la vie familiale traditionnelle qu'avait provoquée la révolution industrielle en sortant les femmes des cuisines et des salles de couture et en leur permettant d'être individuellement prospères. Ou simplement parce que la pauvreté poussait la culture vers une reconstruction toute pragmatique. C'est donc peut-être dans ce concept de la femme que celui de la « femme difficile » prend racine.

C'est une perception des femmes qui est omniprésente et dont nous avons hérité de ces importants débats.

C'est une perception des femmes qui est omniprésente et dont nous avons hérité de ces importants débats. C'est une perception qui devient réelle lorsque vous observez le monde qui vous entoure et que vous réalisez que la « féminité » s'est transformée en une panoplie de choses différentes : la femme au pouvoir, la femme entrepreneuse, la femme impressionnante, la femme intellectuelle. Un concept de qui nous sommes, de toutes ces idées sociales qui s'entremêlent et se combinent, pour donner un sens a quelque chose de beaucoup plus vital, sincère et vrai.

Peut-être que le bon mot est tout simplement « femme ». Assez simple, non?

Ce billet de blogue a d'abord été publié sur le HuffPost Mexique et HuffPost américain.

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