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Construire des enfants forts pour vaincre l'analphabétisme

Le professeur en adaptation scolaire Égide Royer affirmait qu'il est « plus facile de construire des enfants forts que de réparer des adultes brisés ». Les études démontrent que c'est tellement vrai. Il est en effet possible de prévenir les difficultés d'apprentissage de la lecture avant même que l'enfant n'apprenne à lire, dès l'âge de 12 mois.
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L'analphabétisme n'est pas une réalité strictement réservée aux pays en voie de développement. La Fondation pour l'alphabétisation évalue qu'environ 19% des Québécois sont analphabètes complets. Mais saviez-vous que ce sont 49 % des Québécois qui ont des difficultés de lecture, qui cherchent à éviter les situations où ils ont à lire et, lorsqu'ils parviennent à décoder une phrase, qui n'en saisissent pas le sens? On les qualifie d'analphabètes fonctionnels, des adultes qui ont eu la chance d'aller à l'école, mais dont le niveau de lecture et d'écriture est très faible, et qui le plus souvent, lisent par obligation.

La lecture est omniprésente et lire, ce n'est pas que décoder des symboles. C'est comprendre, apprendre, s'informer, se divertir et réinvestir ses lectures dans son quotidien. C'est aussi lire « entre les lignes », c'est-à-dire tenir compte de l'information qui n'est pas dite mot pour mot dans un texte, faire des inférences. La grande majorité des apprentissages scolaires passent par la lecture. Apprendre à lire est un défi de société!

Le commun des mortels croit qu'il suffit de lire et que la compréhension et l'acquisition de vocabulaire iront de soi. Mais certains individus éprouvent des difficultés à associer rapidement le son au symbole de la lettre, et consacrent donc tellement d'énergie à la tâche qu'ils oublient au fur et à mesure ce qu'ils viennent de lire. Si en plus, leur vocabulaire est peu étendu, ils ne pourront pas anticiper les mots ou se corriger. La tâche sera ardue. Après quelques années, même après avoir augmenté la vitesse de décodage, ils éprouveront peu de plaisir à lire et auront des difficultés importantes à comprendre les textes, faute d'avoir développé des stratégies de lecture efficaces. Le résultat? Des individus en moins bonne santé, moins éduqués, qui ont plus de difficultés à trouver un emploi stimulant et qui ne peuvent suivre la cadence dans une société où les exigences de la vie quotidienne et du travail sont toujours croissantes et nécessitent une grande capacité d'adaptation.

L'intervention précoce: un ingrédient clé pour contrer l'analphabétisme

Un jour où j'assistais à une conférence de M. Égide Royer, psychologue, professeur en adaptation scolaire à l'Université Laval et auteur de nombreux ouvrages sur la réussite scolaire, celui-ci a affirmé qu'il est « plus facile de construire des enfants forts que de réparer des adultes brisés ». Cette phrase m'a marquée, car mon expérience et les études démontrent que c'est tellement vrai. En effet, l'intervention précoce est d'une importance capitale. La majorité du grand public ignore encore qu'il est possible de prévenir les difficultés d'apprentissage de la lecture avant même que l'enfant n'apprenne à lire, dès l'âge de 12 mois, aussi étonnant que cela puisse paraître. L'orthophoniste peut intervenir dès la période préscolaire auprès des parents et des intervenants gravitant autour de l'enfant pour prévenir les difficultés en mettant en place un programme de stimulation approprié et une rééducation spécifique. Mais quels sont les indices de difficultés potentielles qui passent souvent inaperçus?

  • Saviez-vous que la capacité à imiter le cri d'un animal en voyant une image le représentant est un facteur prédictif de la facilité ou des difficultés que pourrait présenter un enfant dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture? Un enfant qui parvient difficilement à évoquer rapidement et correctement le cri d'un animal sur demande pourrait avoir du mal à produire le bruit d'une lettre qu'il voit dans un livre ou à traduire un son qu'il vient d'entendre par un symbole graphique.
  • Vers 3 ans, un enfant pour qui l'apprentissage des couleurs est laborieux pourrait nous amener à soupçonner un déficit d'accès lexical, un mécanisme qui intervient tant dans la forme orale du langage que dans la forme écrite, et qui correspond à la capacité d'accéder rapidement au mot voulu, au moment voulu, en fonction de la situation. Des difficultés d'accès au lexique sont souvent associées à un trouble spécifique de lecture et entraînent une réduction de la précision et de la vitesse de la lecture.
  • Un enfant ayant des capacités d'écoute et d'attention-concentration limitées compte tenu de son âge (ex: il ne peut se concentrer sur une histoire courte, se souvenir des idées principales) et une faible capacité visuo-attentionnelle, est à risque d'avoir du mal à traiter simultanément l'ensemble d'une séquence de lettres nécessaire à une lecture rapide et précise de mots.
  • Un enfant ayant de faibles capacités de discrimination auditive, incapable de distinguer les sons associés à la parole des autres sons de l'environnement serait plus à risque de développer un trouble du langage oral et écrit.
  • Le langage oral prédit le langage écrit et a assurément des répercussions sur ce dernier. Ainsi, un enfant qui présente des difficultés persistantes au niveau du langage oral (compréhension des questions et des consignes, prononciation, formulation des phrases, vocabulaire et habiletés sémantiques faibles pour l'âge, difficulté à nommer des objets ou des personnes, discours peu élaboré compte tenu du niveau développemental) aura également ces difficultés à l'écrit.
  • Vers 5 ans, la difficulté à dire si deux mots riment, à compter le nombre de syllabes dans un mot ou à énoncer des mots commençant par un son donné (ex: dis un mot commençant par « a ») peut nous faire envisager des difficultés à l'écrit. Il est possible de réaliser des activités ludiques faisant appel à la conscience phonologique, c'est-à-dire la conscience des sons, qui permet de percevoir, de découper et de manipuler des unités sonores du langage, les syllabes et les rimes. Le développement d'une bonne conscience phonologique, un prérequis à la lecture et l'écriture, peut faciliter l'apprentissage du langage écrit. Une proportion importante d'enfants présentant un trouble d'apprentissage du langage écrit (ex: dyslexie) ont une faible conscience phonologique.

Toutes les capacités précédentes sous-tendent l'apprentissage du langage écrit, et un dépistage efficace permettant d'évaluer ces capacités, de façon à intervenir auprès des enfants à risque de présenter des difficultés d'apprentissage de la lecture et de l'orthographe, ferait une immense différence au bout du compte. Une petite poussée au bon endroit peut faire basculer le monde. Maintes études révèlent que l'intervention précoce permet de réduire de plus de la moitié la prévalence des élèves à risque de présenter des difficultés d'apprentissage du langage écrit. En France, des médecins ou des intervenants scolaires réalisent un dépistage universel systématique dès la maternelle, une priorité pour contrer l'analphabétisme. À quand au Québec? Nous avons tendance à penser que la cause doit nécessairement avoir la même ampleur que son effet. Or, un changement mineur, mais stratégique, peut avoir un énorme impact. À défaut d'agir, l'analphabétisme engendrera inévitablement l'analphabétisme et le phénomène s'étendra aux prochaines générations.

De petites actions quotidiennes dès un très jeune âge font toute la différence. Particulièrement chez les garçons. En effet, la différence plus marquée entre les sexes au niveau des résultats scolaires réside dans l'avantage en lecture observé chez les filles. Les nombreux bienfaits qu'apporte la lecture en bas âge ne sont plus à démontrer. Plusieurs recherches démontrent l'importance de faire la lecture aux enfants, de leur apprendre à lire tôt (à 5 ans) et de leur faire reconnaître le son des lettres et des syllabes (un enseignement qui se perd parfois dans les écoles et que des recherches considèrent pourtant comme très fondamental). Il est primordial de lire avec votre enfant et de l'encourager à lire, et ce, même à quelques mois de vie! Voici 10 bonnes raisons de lire tous les jours avec votre enfant.

Comment encourager le goût de la lecture?

Je vous invite à découvrir le site de Julie Provencher, maman, enseignante et conférencière: Pouvoir de lire. Il s'agit véritablement d'une mine d'or de ressources pour les parents et différents intervenants œuvrant auprès d'enfants afin d'amener ces derniers à développer le goût, voire une passion de la lecture. On peut y trouver des liens utiles, des livres à découvrir pour l'apprentissage de la lecture, des projets pour promouvoir la lecture, des suggestions de lecture jeunesse, une banque de recherches, de vidéos et d'autres ressources en lien avec la littératie, l'éveil et l'apprentissage de la lecture, et encore plus! Même des suggestions de jeux en auto qui favorisent l'acquisition de la lecture! Julie Provencher est également l'auteure de Trucs lecture, un livre qui propose plus de 385 trucs facilement applicables au quotidien afin de transmettre l'amour de la lecture aux petits et aux grands.

Par ailleurs, connaissez-vous le mouvement Croque-livres, qui a fait son entrée au Québec à l'automne 2014? Il s'agit du tout premier réseau québécois de partage de livres entièrement dédié aux enfants (0-12 ans). Ce projet rassembleur, engagé à stimuler le goût de lire aux enfants, offre des occasions privilégiées de rencontres entre les livres et les enfants de la communauté. Le principe est simple: il ne s'agit pas de prêt de livres, mais bien de partage ou d'échange. Pour plus d'informations, visionnez la vidéo ci-dessous. Vous ne savez pas toujours comment choisir un bon livre pour votre enfant face à l'embarras du choix disponible? Vous trouverez ici des conseils pour choisir le livre optimal pour son développement, tout en étant attrayant.

En outre, il est souhaitable de faire preuve d'originalité pour instaurer le goût de la lecture tout en suscitant du plaisir dès le plus jeune âge, comme l'a fait cette enseignante à Oklahoma City.

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