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Les barbares aux portes du village gaulois!

Nos entrepreneurs québécois sont capables de gagner dans le jeu de la proie et du prédateur. Au Québec, en 2012, les entreprises d'ici ont réalisé 29 acquisitions à l'étranger. Au cours de la même période, 11 sociétés québécoises ont été achetées par des étrangers. Pour chaque entreprise québécoise acquise par des intérêts étrangers, nous en achetons 2,6!
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Le gouvernement Marois met sur la glace une autre de ses promesses électorales élaborée à la va-vite. Il promettait de modifier les lois afin d'élargir les responsabilités des administrateurs pour qu'ils tiennent compte dans leur décision non seulement des intérêts des actionnaires, mais aussi de ceux des travailleurs et de la communauté. Et il promettait de créer un fonds d'investissement stratégique de 10 milliards de dollars pour protéger les entreprises, et maintenir les sièges sociaux au Québec. Mme Marois crée plutôt un groupe de travail pour lui proposer des mesures afin de «protéger» les entreprises québécoises contre les prises de contrôle hostiles.

Raymond Bachand, du Parti libéral, avait proposé lui aussi sa propre solution interventionniste gouvernementale dans le feu de l'offre de Lowe's pour Rona. M. Bachand craignait-il de voir diminuer notre réserve nationale de marteaux? De se faire voler nos recettes secrètes d'engrais à gazon?

La Coalition avenir Québec offre elle aussi une solution typiquement interventionniste. François Legault, répétant son mantra insignifiant « Une économie de propriétaires et non de succursales », suggère d'investir l'argent de nos rentes géré par la Caisse de dépôt pour battre en retraite les envahisseurs.

Toutes ces mesures dirigistes seraient mal avisées.

D'abord, y a-t-il un problème? Montréal comptait 92 sièges sociaux de grandes entreprises en 2000. En 2008, ce nombre était passé à 77. Voilà pour le drame de l'exode! Il faudrait voir où se trouve la racine du mal avant d'administrer le remède. Toronto a ainsi perdu en proportion plus de sièges sociaux que Montréal pendant la même période. Les gagnants: les provinces de l'Ouest. Se pourrait-il que le problème vienne du fait que le développement économique canadien ait migré vers l'Ouest, que les taux d'impôts corporatifs et personnels y soient plus bas, que la réglementation y soit plus légère, que l'entrepreneuriat y soit encouragé et que l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles y soient bien vues?

Deuxièmement, les conséquences d'une acquisition par une entreprise étrangère sont-elles aussi négatives que nos oiseaux de malheur nous l'annoncent? Une étude menée par Michael Bloom du Conference Board du Canada montre, après une analyse macro-économique de quelque 200 compagnies et de 540 transactions et une étude détaillée de quelque 30 acquisitions, que les acquisitions de compagnies canadiennes par des compagnies étrangères sont généralement neutres à positives pour le pays. Bien que dans certains cas, les emplois liés à la gouvernance (comme les membres du conseil d'administration) diminuent après une acquisition par une firme étrangère, il n'y a aucune preuve de diminution de l'emploi dans les sièges sociaux canadiens.

Par contre, l'impact au niveau opérationnel est plutôt positif, car il y a souvent moins de dédoublements de produits ou de territoires. De plus, après leur acquisition, les entreprises bénéficient d'investissements accrus et le nombre d'emplois augmente. Elles profitent également de l'expertise et du savoir-faire étranger. Enfin, l'impact d'une acquisition sur les communautés (la philanthropie, par exemple) semble minime.

Ces conclusions se confirment dans la réalité québécoise. Le groupe aluminium élargi, issu du regroupement d'Alcan et des actifs existants de Rio Tinto dans le secteur de l'aluminium, est par exemple devenu aujourd'hui le nouveau leader mondial de l'aluminium, un titre dont elle ne pourrait pas se réclamer si la Caisse en avait empêché l'acquisition comme l'aurait souhaité M. Legault. Son siège social est demeuré à Montréal. La compagnie australienne a continué à investir dans le développement de sa «succursale» canadienne et celle-ci a poursuivi ses activités de philanthropie au Québec.

L'exemple de Van Houtte est aussi éloquent. Les ventes de Van Houtte ont été propulsées par les ambitions canadiennes que lui a confiées sa nouvelle compagnie-mère Green Mountain Coffee Roasters sous la gouverne du québécois Sylvain Toutant. L'entreprise vient d'annoncer un autre investissement, celui-ci de 55 millions $, qui créera 180 emplois. Ces ambitions n'auraient certainement pas été insufflées par un morne bureaucrate de la Caisse de dépôt. Le président Gérard Geoffrion avouait, après l'acquisition par l'Américaine en 2010, avoir retrouvé le plaisir de «gérer de la croissance et de créer des emplois de valeur» sous la gouverne des propriétaires étrangers. Pas mal, pour une simple «succursale»!

Il y a une foule d'autres exemples de PME - qui n'intéressent pas les politiciens, car leur vente ne fait pas la manchette - qui ont bénéficié de devenir des «succursales» de multinationales étrangères, telles des entreprises comme Deaubois Inc. et A. Richard Ltd. L'expertise de ces entreprises québécoises ont tellement impressionné les acheteurs étrangers qui y ont déménagé leur production américaine!

Certains, suivant en cela le professeur Yvan Allaire, président de l'IGOPP (l'Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées), proposent de reléguer aux oubliettes les droits de propriété des actionnaires et de permettre aux conseils d'administration de refuser les offres de prise de contrôle à la lumière des intérêts de la «société et de toutes ses parties prenantes». Le professeur confond les rôles. Le rôle du C.A. est de maximiser le prix offert en sollicitant d'autres offres et faire une recommandation aux actionnaires. C'est aux propriétaires des actions de l'entreprise visée que revient la décision finale de vendre ou non la compagnie et cette décision ne devrait avoir à ne tenir compte d'aucun intérêt autre que le leur.

M. Allaire suggère aussi que seuls les «vrais» actionnaires, c'est-à-dire ceux qui ont à cœur l'intérêt de la compagnie, de ses fournisseurs et qui sais-je quelle autre «partie prenante», qui détiennent leurs actions depuis plus de 12 mois (pourquoi 12?) devraient avoir le droit de décider du sort d'une entreprise. Le président de l'institut erre ici aussi. Les droits afférents à une action ne devraient pas être déterminés selon les motifs pour lesquels un investisseur est devenu actionnaire. Et si des boursicoteurs veulent prendre le pari d'acheter aujourd'hui mes actions d'une compagnie visée par une offre de prise de contrôle parce qu'ils spéculent qu'un autre acheteur va se pointer demain à un prix plus élevé et si je veux les vendre tout de suite parce que je crains que l'offre hostile n'avorte, pourquoi devrait-on les pénaliser en castrant leur droit de vote?

Toute intervention ayant pour conséquence de diminuer la fluidité du marché risque non seulement de porter préjudice aux détenteurs actuels des actions, mais de diminuer la valeur des actions de toutes les compagnies québécoises susceptibles d'être affectées par ce type d'intervention étatiste.

Nos entrepreneurs québécois sont capables de gagner dans le jeu de la proie et du prédateur. Au Québec, en 2012, les entreprises d'ici ont réalisé 29 acquisitions à l'étranger pour une valeur de 11,9 milliards $. Au cours de la même période, 11 sociétés québécoises ont été achetées par des étrangers à l'occasion de transactions totalisant 2,5 milliards $. Pour chaque entreprise québécoise acquise par des intérêts étrangers, nous en achetons 2,6!

Mettre une coupole de verre sur le village gaulois et tenter de stopper le phénomène de la mondialisation ne convient heureusement pas à tous les entrepreneurs du Québec inc., comme le démontrent les sages propos d'un entrepreneur bien connu ici, M. Louis Garneau. Celui-ci offre une vision économique nationaliste positive et confiante embrassant les opportunités offertes par la mondialisation :

«La mondialisation ne s'arrête pas une fois qu'elle est amorcée. Les sociétés vont continuer de se regrouper et de délocaliser des centres de décision. Les Québécois doivent se tourner vers l'avenir. On doit démarrer d'autres sièges sociaux en développant de nouvelles entreprises.»

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