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Projet de loi Trudeau #1 : taxer les riches

Faire «payer» les plus riches pour «financer» cette baisse d'impôts peut sembler équitable pour certains mais c'est une mauvaise politique pour plusieurs raisons.
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Justin Trudeau s'apprête à baisser les impôts de classe moyenne en réduisant le taux marginal du palier de 45 000$ à 90 000$ de 22,5% à 20%. Réduire les impôts des contribuables canadiens et surtout québécois est une idée qu'il faut applaudir. Le faire en réduisant les taux d'imposition marginaux constitue, selon les économistes, la meilleure façon d'encourager les contribuables à travailler plus et épargner plus, ce qui devrait permettre de stimuler l'économie. Ce genre de mesure nous en «donnera le plus pour notre argent».

Par contre, faire « payer » les plus riches pour « financer » cette baisse d'impôts peut sembler équitable pour certains mais c'est une mauvaise politique pour plusieurs raisons, comme l'explique un des plus grands experts en fiscalité au Canada, M. Jack Mintz, dans un commentaire publié dans le National Post récemment.

D'abord, c'est un très mauvais signal à envoyer à des entreprises qui auraient voulu déménager leurs pénates au Canada. La hausse de quatre points de pourcentage au palier le plus élevé pour le placer à 54,2% amènera le Canada à rejoindre la France avec le taux marginal personnel maximum le plus élevé parmi les 33 pays de l'OCDE, après la Suède et le Danemark. Selon un sondage récent de la Tax Fondation des États-Unis, le taux d'impôt personnel est une des taxes les plus nuisibles à la croissance. Le ministère des Finances du Québec abonde dans le même sens et estime qu'une hausse de 1,00$ de l'impôt sur le revenu des particuliers réduit le PIB de 0,76 $. Selon cette estimation, à terme, une augmentation de l'impôt sur le revenu de 10 milliards de dollars pour combler le déficit fédéral entraînerait donc une diminution du PIB de 7,6 milliards de dollars, ce qui engendrerait... un nouveau déficit!

Alors que le Canada fait face à une pénurie de main-d'œuvre spécialisée à cause de ses défis démographiques, hausser le taux d'impôt marginal maximum, surtout s'il est plus élevé que celui aux États-Unis (où il est à 46,3% pour des revenus dépassant les 400 000$), rendra le Canada moins attrayant pour ces travailleurs de grand talent. Et la facture grimpera pour les entreprises qui doivent offrir à ces travailleurs des salaires plus élevés pour compenser pour les impôts personnels plus élevés.

Enfin, une grande quantité d'études démontre qu'une hausse d'impôts sur les plus riches ne rapporte pas nécessairement plus de revenus. Ces gens sont mobiles (vous vous rappelez de M. Despardieux?) ou trouveront toutes sortes d'échappatoires légales pour réduire leur facture fiscale ou passeront plus de temps sur le terrain de golf! D'ailleurs, l'expérience de la Grande-Bretagne sur le sujet est pertinente. Ce pays a haussé le taux marginal maximum de 40% à 50% en 2010-2011 sur le 1% des personnes à plus hauts revenus. On espérait recueillir 3 milliards de £ avec cette mesure. En fait, selon les plus récentes estimations, le Trésor britannique a simplement réussi à maintenir les mêmes revenus avec cette réforme. La France, elle, a enterré une mesure emblématique des débuts de la présidence du socialiste François Hollande, la «taxe à 75 %» sur les très hauts revenus, qui aura suscité plus de polémiques que rapporté d'argent aux caisses en déficit de l'État. La taxe a rapporté à l'État 500 millions d'euros par an, selon les calculs du journal Les Echos, 500 millions, comparés au 70 milliards que rapporte l'impôt sur le revenu, ce n'est pas grand-chose...

L'inverse est vrai aussi: des baisses des taux marginaux maximums stimulent l'économie. Les États-Unis nous ont donné trois exemples où des baisses de taux d'impôts marginaux maximums des particuliers ont eu un effet dramatiquement positif. Dans les années 1920, les administrations Harding et Collidge ont réduit les taux marginaux maximums de 73% à 25%. L'économie a connu une rapide progression jusqu'en 1929 et les impôts perçus des particuliers par le gouvernement ont crû de 719 millions $ en 1921 à 1,16 milliard de $ en 1928. La proportion des revenus payés par le "1%" de l'époque (ceux gagnant plus de 50 000$) a explosé, de 44,2% à 78,4%.

John F. Kennedy a fait passer le taux marginal maximum de 91% en 1963 à 70% en 1965 et on a observé une croissance économique et une croissance des impôts perçus par les riches. Leur part des impôts collectés a augmenté de 11,6% à 15,1%. Le président Kennedy avait alors affirmé: (traduction) «Nous n'avons pas à choisir entre une réduction du déficit et une réduction des impôts [...]. Bref, c'est une vérité paradoxale que les taux d'impôts d'aujourd'hui soient trop élevés et que les recettes fiscales soient trop basses et que la meilleure façon de recueillir plus de revenus fiscaux à long terme est de baisser les taux d'impôt aujourd'hui."

Enfin, la baisse des taux maximums sous Ronald Reagan de 70% en 1980 à 28% en 1988 a produit les mêmes effets. L'économie américaine a connu une des plus longues périodes de croissance de son histoire et contrairement à ce qu'on aurait pu lire, ce sont les «mieux nantis» qui ont contribué le plus à la hausse des recettes fiscales. La proportion des revenus recueillis du «10%» a bondi de 48% en 1981 à 57,2% en 1988. Pire (ou mieux?) encore, la part du «1%» a vu sa proportion grimper de moitié, de 17,6% à 27,5%. En 1980, 116 757 américains ayant produit une déclaration ont déclaré des revenus de plus de 200 000$. Huit ans plus tard, le chiffre était de 723 697, une hausse vertigineuse de 520%! Plusieurs facteurs ont pu contribuer à ces résultats, dont l'inflation, la croissance de la population et d'autres programmes de M. Reagan. Mais une chose est certaine: les "mieux nantis" ont payé beaucoup plus quand le taux marginal a été abaissé. C'est l'effet de la courbe de Laffer.

Un bon ménage dans le dédale de crédits d'impôt personnel offerts pour encourager certains comportements (prendre l'autobus, faire de l'exercice, envoyer son enfant au théâtre, etc.), une baisse des impôts des mieux nantis et une gestion plus rigoureuse des derniers publics sont de meilleures façons de financer une baisse des impôts des contribuables de classe moyenne que de mener une guerre des classes contre nos médecins, ingénieurs ou entrepreneurs, en les décourageant de travailler plus fort et plus longtemps ou de prendre des risques plus élevés dans leur entreprise pour en accroître le rendement.

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