L'État n'aime pas la concurrence, c'est bien connu. SAQ, Hydro-Québec, SAAQ, CSST, les hôpitaux, ces monopoles survivent malgré leur piètre qualité et mauvaise gestion des coûts grâce au monopole législatif dont ils bénéficient, lequel bloque la concurrence et emprisonne le consommateur dans la cage à homards étatique.
Il en est de même pour Loto-Québec. Le gouvernement Couillard vient d'adopter un projet de loi qui oblige les fournisseurs de services Internet québécois à bloquer l'accès à un site de jeu d'argent en ligne dont l'exploitation n'est pas autorisée par une loi du Québec. Comme par hasard, un seul site est légal, celui que Loto-Québec a baptisé Espace Jeux. Cela signifie que pour se conformer à cette éventuelle mesure, plus de 2 200 sites devront être bloqués. Bien que le ministre Leitão invoque des raisons de santé publique et de protection du consommateur, il est clair qu'on veut surtout sauver Loto-Québec qui est incapable de faire face à la concurrence.
Le projet de loi risque de ne pas passer la barre constitutionnelle puisqu'il réglemente les télécommunications, un domaine de juridiction fédérale. La loi pourrait aussi tomber parce que violant le droit à la libre expression. Enfin, les autochtones pourraient attaquer la loi comme allant à l'encontre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones puisqu'elle nuirait à leur développement économique.
Le rapport du groupe de travail sur le jeu en ligne, présidé par Louise Nadeau, avait pourtant affirmé que la meilleure solution pour contrer le jeu en ligne (en assumant qu'il s'agisse d'un objectif louable, ce dont je doute) était de créer un système de licences qui donnerait la permission à plusieurs opérateurs privés d'offrir des jeux en ligne aux Québécois. Cette stratégie est d'ailleurs en voie de devenir la meilleure pratique au niveau international pour arriver à cette fin. C'est le modèle adopté en France, au Royaume-Uni, en Italie, au Danemark, en Australie et dans trois États américains (Nevada, Delaware et New-Jersey).
Ainsi, Jenny Williams, commissaire et directrice générale de la Gambling Commission du Royaume-Uni, rappelle qu'au cœur de la philosophie britannique se trouve l'idée que le consommateur est mieux servi dans un marché libre et ouvert qui permet l'innovation par la compétition entre les entrepreneurs.
L'industrie privée est mieux placée pour reconnaître, évaluer et développer les activités de jeu et ils sont en bien meilleure position que de la morne haute fonction publique pour offrir un produit diversifié, innovateur et à l'avant-garde de ce que les consommateurs désirent.
Par exemple, en Grande-Bretagne, on a sous-traité à Camelot Group l'exploitation des jeux de loterie au Royaume-Uni en vertu d'une licence d'exploitation valable jusqu'au 31 janvier 2019, licence qui pourrait faire l'objet d'une prolongation de 5 ans. La performance financière de Camelot est impressionnante: les revenus et profits sont en hausse pour chacune des cinq dernières années... on ne peut pas en dire autant de notre société d'État!
L'objectif du gouvernement du Québec est de bloquer les sites concurrentiels à Loto-Québec et tous les faire passer par Espace Jeux, de façon à préserver le monopole de Loto-Québec. C'est une solution irréaliste. Les jeux en ligne sont offerts en réseaux qui transgressent les frontières, toutes les frontières. Dans un tel contexte, l'idée qu'un État tente de contrer le jeu en ligne est caduque. Mieux vaudrait démanteler Loto-Québec, octroyer des licences de durée limitée aux opérateurs qui seraient surveillés par la Régie des alcools, des courses et des jeux et générer des revenus pour l'État (avec les droits de licence et en récoltant un pourcentage des revenus des opérateurs) pour compenser les revenus de dividendes versés par Loto-Québec. On se départirait d'une société d'État boiteuse pour créer une nouvelle industrie innovatrice du jeu québécoise, productive et à l'écoute des consommateurs.
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