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Le Québec collé dans le rouge

Mme Marois et son ministre des Finances jouent le même jeu que le gouvernement libéral l'a fait pendant 10 ans de pouvoir : hausses de revenus, des dépenses encore bien au-delà de l'inflation et une petite prière à l'Oratoire pour que les agences de notation de New York avalent la pilule sans décote. Prions avec eux qu'elles continuent à être dupes!
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Dans mon récent billet de blogue où j'analysais à la loupe les états financiers du gouvernement du Québec pour l'année 2012-2013, je concluais - après avoir jeté un coup d'œil sur les premiers mois de la nouvelle année - que les tendances étaient bien mauvaises. Le ministre des Finances du Québec vient de confirmer ce que nous savions tous déjà : l'atteinte du déficit zéro est reportée à l'exercice se terminant le 31 mars 2016.

D'abord, il faut noter que les états financiers du gouvernement du Québec que le ministre a récemment publiés ne respectent pas les normes comptables canadiennes. Le Québec est ainsi la seule province canadienne à avoir un rapport du vérificateur contenant une réserve. Cette distinction peu reluisante s'explique par le fait que le gouvernement a passé une loi, le 14 juin 2013, pour lui permettre de comptabiliser les subventions aux municipalités d'une façon qui passe outre aux conventions comptables canadiennes. Les états financiers sous-représentent ainsi le déficit de 40% (626 M$). L'atteinte du déficit zéro ne se fera donc pas (vraiment) en 2016, mais probablement plutôt en 2017.

Dans son communiqué concédant l'échec du gouvernement à sortir les finances du rouge cette année, M. Marceau affirme que pour une deuxième année consécutive, le gouvernement atteindra ses cibles de croissance des dépenses. Pour 2012-2013, l'augmentation du total des dépenses, entraînée par celle de la santé, a été de 2,7%, soit 170% de plus que le taux d'inflation pendant la période. Les tableaux présentés par le ministre aux journalistes tentent de faire croire que l'augmentation des dépenses n'a été que de 1,2%, mais c'est faux. Le ministre joue sur les mots. Ce sont les dépenses budgétaires (un terme flou qui ne veut rien dire en comptabilité et qui exclut les dépenses qui ne font pas l'affaire du ministre) qui ont augmenté de 1,2%, pas l'ensemble des dépenses du gouvernement.

Le ministre blâme l'abandon de l'objectif déficit zéro sur la faiblesse de la croissance des revenus du gouvernement. Dans l'esprit de la gouvernance souverainiste qui consiste à blâmer le fédéral pour tout ce qui va mal, M. Marceau réussit à dire que (pour citer Jean Chrétien) « c'est la fôte du fédérrral » puisque le resserrement des règles hypothécaires imposé par le gouvernement fédéral a entraîné une chute des mises en chantier plus importante qu'ailleurs au Canada (ça ne s'invente pas !).

Après ce petit jab, le ministre revient aux vraies raisons: « Cependant, la principale raison de la baisse des revenus est l'inflation très faible observée au cours des derniers mois. ». Ah bon... il semble que dans l'univers du gouvernement péquiste, l'inflation n'affecte que les revenus, pas les dépenses ! Ensuite, le taux d'épargne serait plus élevé que prévu entraînerait un ralentissement des dépenses de consommation. Dans la bulle péquiste, un État s'enrichit en dépensant, pas en épargnant... Enfin, les redevances minières sont à la baisse à cause du prix des matières premières : c'est vrai, mais ne devrait-on pas alors encourager les minières à venir ici plutôt que de les faire fuir à coup de moratoires, audiences du BAPE, hausse des taux de redevances et projet de loi anti-mines ?

En passant, la faible inflation affecte aussi le gouvernement fédéral qui, lui, voit son déficit fondre comme neige au soleil.

Comment le ministre s'y prendra-t-il pour atteindre le déficit zéro d'ici 2016 (et non 2015 comme le dit le communiqué de presse) ?

Le ministre exclut de couper les dépenses pour arriver à l'équilibre budgétaire, ce que ferait tout travailleur qui aurait commencé à dépenser en espérant une augmentation de salaire qui ne serait jamais venue. Selon le ministre, une diminution des dépenses entraînerait un impact négatif équivalant à 0,7 % du PIB. On se demande alors pourquoi il n'a pas décidé d'augmenter les dépenses de l'État de 10%, ce qui, faut-il croire, augmenterait le PIB et donc les revenus de l'État...

La croissance annuelle moyenne des dépenses de 2012-2013 à 2016-2017 est maintenant établie à 2,4 %, soit quatre fois plus que le taux d'inflation actuel de 0,7% au Canada (et Québec Solidaire parle d'austérité ?). Ce n'est pas comme ça qu'on va sortir du rouge !

Alors comment ? Mais par une augmentation de vos taxes, voyons !! Vous pensiez que le ministre s'engageait à ne pas augmenter vos impôts ? C'est ce qu'il a dit, mais pourtant, il prévoit (ou espère ?) que les revenus budgétaires de l'État augmenteront de 9,6% au cours des trois prochaines années (treize fois plus vite que l'inflation...). Mais en plus, les revenus des « entités consolidées » (plus d'une centaine de fonds et d'organismes non consolidés au budget, mais inclus dans les états financiers) vont augmenter de 55%... attachez vos tuques, utilisateurs-payeurs !

Une fois qu'on aura trouvé 1,4G$ additionnel de revenus ou de coupures encore non identifiés pour équilibrer le budget : abracadabra ! on y sera... ou pas si le ministre se met à comptabiliser ses dépenses comme lui suggère le VG.

Notons que les revenus de 2012-2013 comprenaient la première tranche d'environ 733 M $ de la compensation fédérale pour l'harmonisation des taxes de vente. Il y aura une deuxième tranche de 1,47G$ en 2013-2014 puis... plus rien. Heureusement, ce trou sera rempli par une augmentation prévue des paiements de péréquation de 11,6 % qui découle principalement de l'impact de la baisse du dividende d'Hydro-Québec en 2012-2013 attribuable à la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly-2 qui a coûté 1,9G$ ! Intéressant : M. Marceau exclut la perte extraordinaire de cette fermeture quand il annonce le déficit de 2012-2013, mais il en fait grand cas quand on va quêter à Ottawa ! Deux poids, deux mesures.

Bref, le gouvernement de la gouvernance souverainiste atteindra l'équilibre budgétaire en grande partie à cause de l'augmentation des transferts fédéraux qui passeront de 7,4G$ cette année à 8,9G$ en 2015-2016. Encore une fois, « c'est la fôte du fédérrral » !

Avec 3,4G$ de plus de dettes causés par le report de l'atteinte du déficit 0, la dette brute passera de 184G$ au 31 mars 2013 à 206G$ en 2015, en hausse de 12% et en hausse continue par rapport à la taille de l'économie (52,9% à 54,3%).

Mme Marois et son ministre des Finances jouent le même jeu que le gouvernement libéral l'a fait pendant 10 ans de pouvoir : hausses de revenus, des dépenses encore bien au-delà de l'inflation et une petite prière à l'Oratoire pour que les agences de notation de New York avalent la pilule sans décote. Prions avec eux qu'elles continuent à être dupes!

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