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Une commission contre les droits de la personne?

Nier le droit d'expression au nom de certaines arguties «éthiques» pour justifier le pouvoir de censurer, comme le demande la Commission des droits de la personne québécoise, est une négation de notre démocratie libérale occidentale.
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Jacques Frémont, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, m'accuse d'avoir faussement écrit dans La Presse que la Commission qu'il préside voulait censurer les citoyens qui critiquent une facette ou l'autre de l'Islam.

Pourtant, en décembre, la Commission a déposé un mémoire au Secrétariat du Forum sur la lutte contre l'intimidation dans lequel elle demande de tels pouvoirs. Elle se plaint en effet de ne pouvoir agir aujourd'hui que si la discrimination vise une personne en particulier mais pas un groupe en général. Par exemple, elle ne peut pas actuellement mener d'enquête lorsque des propos «haineux» contre les minorités ethniques, les homosexuels, les adversaires politiques et bien entendu les membres de telle ou telle religion sont proférés au moyen de communications publiques artistiques, littéraires ou d'information (comme un article de journal, un éditorial, une émission de radio ou de télévision, des sites Internet ou des blogues comme ceux du Huffington Post). En entrevue, M. Frémont a indiqué qu'il voudrait que la Commission puisse initier des procédures contre «un site web, tout simplement, qui déblatère et qui a des propos, des incitations à la haine par rapport à certains groupes particuliers, pensons aux groupes musulmans». Le chroniqueur Yves Boisvert qualifie cette nouvelle attaque à la liberté d'expression de « délit d'opinion ». Moi, j'appelle ça de la censure, pure et simple.

Selon M. Frémont, il y aurait « un mouvement à travers le monde actuellement pour réagir, pour dire : les propos haineux de ce type ne sont pas acceptables dans quelque société que ce soit. » M. Frémont a justifié sa démarche en invoquant des recommandations en ce sens faites par des instances des Nations Unies. Depuis plusieurs années, effectivement, l'Organisation de la coopération islamique (OCI), qui regroupe 57 gouvernements musulmans à travers le monde, présente des propositions pour que les pays membres de l'ONU (incluant les pays non-musulmans) poursuivent ceux de leurs citoyens qui critiquent une facette ou une autre de l'Islam. L'OCI et ses alliés présentent leur proposition de censure sous différentes appellations : interdiction de blasphémer, interdiction de diffamer les religions, interdiction de tenir un discours haineux, etc.

Heureusement, le Canada n'a pas appuyé dans le passé les propositions de censure de l'OCI que cherche à mettre en application la Commission des droits de la personne au Québec. Ainsi, en 2008, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne rappela que « [L]e Canada s'[est] toujours opposé aux projets de résolution condamnant la diffamation des religions parce qu'ils sont axés sur une seule religion, que la liberté de religion est un droit individuel et non l'apanage d'une religion et que ces résolutions n'abordent pas la question de la liberté d'expression».

L'année suivante, le rapport Moon, commandé par la Commission canadienne des droits de la personne, proposait l'abolition de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de l'homme, longtemps considéré par les défenseurs de la libre expression comme un outil pour censurer, notamment, les critiques de l'Islam, de sorte que la Commission et le Tribunal canadien des droits de la personne n'aient plus à traiter de propagande haineuse, dont celle sur Internet. La propagande haineuse continuerait d'être interdite en vertu du Code criminel, mais cette interdiction se limiterait aux formes d'expression qui préconisent ou justifient la violence, ou qui contiennent des menaces de violence, et les accusés bénéficieraient de la présomption d'innocence et des règles de preuve en matière criminelle administrée par de vrais juges. Le professeur Moon, un expert juridique en matière de liberté d'expression, argumentait que l'on ne peut pas simplement utiliser la censure pour contrer les formes moins extrêmes de propos discriminatoires, même si elles sont préjudiciables. « Pour exclure du discours public les propos stéréotypés ou diffamatoires visant les membres d'un groupe identifiable, il faudrait une intervention extraordinaire de la part de l'État, ce qui compromettrait sérieusement la volonté de la société de protéger la liberté d'expression. » Le gouvernement fédéral a suivi ces recommandations et aboli l'article 13 en 2013.

Le Parti conservateur du Québec s'est doté d'une boussole idéologique ayant comme fondement la protection des droits et libertés individuels, incluant la liberté de religion, de conscience et d'expression. Ce dernier droit comprend le droit d'indisposer, y compris par la critique des croyances religieuses des autres, que ce soit dans un éditorial ou en « déblatérant » sur un blogue. Nier ce droit au nom de certaines arguties « éthiques » pour justifier le pouvoir de censurer comme le demande la Commission des droits de la personne québécoise est une négation de notre démocratie libérale occidentale. La ministre de la Justice libérale Stéphanie Vallée, qui examine actuellement la requête de la Commission, se doit de rejeter cette mauvaise idée.

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