Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Bienvenue à Uberville

Montréal a vécu une révolution dans le transport de personnes avec l'inauguration du métro il y a cinquante ans. Serait-elle sur le point d'en vivre une seconde avec l'arrivée de services de transport personnalisé rapide (TPR) grâce à des acteurs comme Uber, Lyft ou Téo?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Montréal a vécu une révolution dans le transport de personnes avec l'inauguration du métro il y a cinquante ans. Serait-elle sur le point d'en vivre une seconde avec l'arrivée de services de transport personnalisé rapide (TPR) grâce à des acteurs comme Uber, Lyft ou Téo?

La question se pose puisque les coûts d'exploitation des grandes sociétés de transport québécoises comme la Société de transport de Montréal et le Réseau de transport de la Capitale ne cessent d'augmenter. Ainsi, selon l'Institut économique de Montréal, depuis le lancement du système de métro montréalais en 1966, les coûts totaux par kilomètre parcouru de la société publique de transport à Montréal, ajustés pour l'inflation, ont grimpé de 163 %. Cette hausse des coûts n'a pas été accompagnée d'une amélioration de la fiabilité du service. De 1983 à 2015, les retards majeurs signalés dans le service du métro sont passés de 6,3 par million de kilomètres parcourus à 12,2. Les contribuables montréalais et québécois versent à la STM 659M$ par année. La STM reçoit aussi une autre somme de 744 M$ en subventions aux fins de son budget d'investissement. La performance du RTC n'est guère meilleure. Le coût par kilomètre parcouru au RTC a augmenté de 24% en six ans (de 2009 à 2015).

Déjà Uber et Lyft défient le cartel des taxis traditionnels dans plus de 160 villes en Amérique du Nord. Mais il y a fort à parier que l'empreinte de ces nouveaux modèles d'affaires va évoluer pour concurrencer le transport collectif.

La révolution a commencé à Altamonta Springs, près d'Orlando en Floride. Cette ville de 42 000 habitants se compare, en population, à Victoriaville ou Rouyn-Noranda. Le directeur général de la ville, Frank Martz, avait rêvé pendant deux décennies de moderniser le système de transport collectif de sa ville en implantant un logiciel permettant aux usagers de commander du transport collectif sur demande. Son rêve s'est évanoui récemment avec le retrait du financement de l'agence de transport régionale.

Martz a donc donné un coup de fil à Uber et lui a proposé de lancer un projet-pilote à Altamonta Springs pour remplacer le système de transport collectif en place. Martz offrit de subventionner 20% du coût de chaque course et 25% dans le cas d'une course partant ou arrivant à la station de train de banlieue. Coût anticipé : 100 000$, beaucoup moins que ce qui pourrait être requis pour exploiter un système de transport collectif.

Avec ou sans subventions, Uber est en voie de devenir un fournisseur de services TPR pour une partie de la population urbaine.

L'effet fut immédiat : l'achalandage des voitures Uber a décuplé dans les semaines suivant le lancement du nouveau service TPR. Pour l'utilisateur, une course de trois kilomètres coûte 4$, soit 2$ de plus que le système d'autobus local, mais le parcours prend une fraction du temps. Quatre autres villes des environs ont elles aussi lancé des projets pilotes. À Pinellas Park, dans le même État, on a remplacé deux circuits d'autobus par un service Uber subventionné à 3$ par course. On prévoit un budget de 40 000$ alors que les deux circuits coûtaient 120 000$ annuellement. Ailleurs, à Centennial, une banlieue de Denver, la ville subventionne Uber pour qu'elle offre un service gratuit à la station de train de Dry Creek, encourageant l'utilisation du train de banlieue sans pour autant avoir à payer pour des espaces de stationnement incitatif. À St. Petersburg, une subvention de 300 000$ permet à la ville d'offrir des courses gratuites via Uber ou le taxi traditionnel entre 21h et 6h pour les passagers à faibles revenus. On vise particulièrement les travailleurs sur des quarts de nuit qui auraient été forcés de prendre le taxi faute de transport collectif la nuit. Le service est offert entre le domicile et le lieu de travail jusqu'à 23 fois par mois.

Uber s'est même positionnée comme une alternative dans des villes qui ne la subventionnent pas. Elle offre depuis décembre le service UberHOP à Seattle, un parcours fixe pour 1$ seulement, beaucoup moins que le tarif de l'autobus (un service similaire a été offert à Toronto jusqu'en juillet dernier). Et à Washington, DC, Uber a élargi son service UberPOOL pour complémenter le service de métro qui avait annoncé des fermetures pour entretien. À New York, Uber a offert cet été une passe mensuelle à 79$ permettant aux clients d'utiliser sans limites les services d'Uber pendant les heures de pointe, une aubaine pour quelqu'un utilisant le métro deux fois par jour. À l'étranger, Uber a lancé UberCOMMUTE à Chengdu en Chine en 2015 (Uber a vendu sa filiale chinoise à Didi en août 2016). Ce service (offert aussi par Didi) permet aux conducteurs d'indiquer dans le logiciel la direction qu'ils veulent emprunter et d'attendre que des passagers voulant aller dans la même direction qu'eux se manifestent et partagent ainsi le coût de la course. Contrairement à UberPOOL, le conducteur d'UberCOMMUTE se serait rendu de toute façon à sa destination. Le logiciel ouvre la porte à du covoiturage intelligent (par exemple, se rendre à son lieu de travail et en revenir).

Avec ou sans subventions, Uber est en voie de devenir un fournisseur de services TPR pour une partie de la population urbaine. Dans de grandes agglomérations comme New York ayant des systèmes de transport collectif bien organisés, on verra peut-être un nouveau front à la guerre que mène cette ville contre Uber - ou encore on pourrait assister à un nouveau genre de PPP entre la ville et Uber, car les bénéfices d'une telle collaboration sont évidents. Le transport collectif implique des inefficacités massives : combien de fois avez-vous vu des autobus de la STM ou du RTC presque vides, surtout en soirée ou en fin de semaine? Étant moi-même propriétaire d'une entreprise de transport par autocar, je ne serais pas surpris que le coût de faire rouler un autobus de la STM dépasse les 100$ par heure. 100$ pour déplacer une ou deux personnes à 21h?

Mais c'est surtout dans les villes moins densément peuplées que la révolution du TPR aura lieu. Victoriaville utilise des taxi-bus qui lui coûtent 320 000$ par année. Quant à Rouyn-Noranda, le coût annuel du service de transport en commun (qui compte deux véhicules) se chiffre à 588 000$, une hausse de 51% en 9 ans alors que le nombre de passagers n'a augmenté que de 31%. On peut très bien imaginer qu'Uber pourrait remplacer ce service à moindre coût et de façon plus rapide et efficace.

Plusieurs questions demeurent pour l'instant sans réponse. Que faire avec les clients qui n'ont pas de téléphones intelligents? Et les personnes handicapées seront servies comment? Et, évidemment, comment gérer les syndicats qui voudront à tout prix protéger leurs chauffeurs syndiqués?

Mais qu'on le veuille ou non, la révolution du TPR a commencé. Montréal, ville intelligente, embarquera-t-elle dans le train TPR?

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Uber lance son service de véhicules autonomes

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.