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AMF: Flaherty a perdu la bataille, mais a-t-il gagné la guerre?

J'ai eu un serrement au cœur pour tous les amis du domaine des valeurs mobilières que j'ai connus au début de ma carrière, à Montréal comme avocat en droit corporatif, quand j'ai lu que le ministre Flaherty avait annoncé la création d'un nouveau régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux.
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J'ai eu un serrement au cœur pour tous les amis du domaine des valeurs mobilières que j'ai connus au début de ma carrière, à Montréal comme avocat en droit corporatif, quand j'ai lu que le ministre Flaherty avait annoncé la création d'un nouveau régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux. Ce sera un autre coup dur pour l'industrie de la haute finance montréalaise qui décline tranquillement depuis 40 ans.

Pour mémoire, le Québec a gagné la bataille contre Ottawa quand la Cour suprême a décidé que la création unilatérale d'un organisme de réglementation de valeurs mobilières national par le gouvernement fédéral était inconstitutionnelle. La Cour avait cependant décidé que certains champs pouvaient effectivement être de juridiction fédérale (par exemple, la gestion des risques systémiques) et qu'un tel organisme pouvait être créé s'il résultait d'un effort coopératif entre les provinces et le fédéral.

Pendant que les avocats du Québec gloussaient et retournaient à l'irréductible village, fiers comme des paons, le ministre Flaherty, lui, se remettait au travail. Fort de la décision de la Cour, le ministre vient de pondre, en accord avec l'Ontario et la Colombie-Britannique (qui représentent à eux deux les deux-tiers de l'industrie), une nouvelle mouture d'une autorité des marchés financiers unique qui risque bien, cette fois-ci, de passer le test constitutionnel et donc de lui faire remporter la guerre.

Le nouvel organisme a en effet été créé de façon à respecter intégralement la juridiction des provinces et du fédéral, et il semble à première vue satisfaire les critères de coopération établis par la Cour suprême.

En vertu du nouveau régime coopératif, chaque province participante adoptera une loi uniforme portant sur toutes les questions de compétence provinciale en ce qui a trait à la réglementation des marchés des capitaux. Le gouvernement fédéral, lui, adoptera une loi fédérale s'appliquant dans tout le Canada portant sur les questions criminelles et les questions relatives au risque systémique dans les marchés des capitaux nationaux et à la collecte de données à l'échelle nationale.

Un seul organisme de réglementation des marchés des capitaux (ORMC) coopératif, indépendant au plan opérationnel sera créé et doté d'un conseil d'administration expert, d'une division de la réglementation et d'un tribunal d'arbitrage. L'ORMC administrera la législation provinciale et fédérale ainsi qu'un seul ensemble de règlements conformément au pouvoir qui lui aura été délégué par les provinces. La législation fédérale prévoira la délégation par le gouvernement du Canada à l'ORMC des pouvoirs que la Cour suprême a déclaré être de juridiction fédérale.

Ainsi, en participant au régime coopératif, chaque province participante traitera de questions qui relèvent de ses compétences constitutionnelles et ne cèdera, ni ne compromettra aucune de ses compétences, à l'égard desquelles elle demeurera souveraine. C'est un peu le même genre d'accord coopératif qui a abouti à la création du régime de pensions du Canada.

Il y a actuellement 13 organismes de réglementation au Canada. Malgré le système de passeport, ce dédale complique le commerce des actions et rend les poursuites des criminels à cravate très ardues. C'est pour cela que l'Association des banquiers canadiens et l'Association canadienne du commerce des valeurs mobilières ont applaudi l'annonce de M. Flaherty. En proposant le régime coopératif, le ministre Flaherty amène le Canada dans le 21ie siècle en ce qui concerne la réglementation des valeurs mobilières puisque le Canada est la seule juridiction du monde développé à ne pas avoir un organisme de réglementation unique.

Le Québec inc. déchirera sa chemise devant la situation. Les partis politiques adopteront sans doute une motion unanime dénonçant la deuxième nuit des longs couteaux.

Mais le Québec n'a qu'à s'en prendre à lui s'il s'est fait doubler au détour. Il aurait dû réaliser qu'il était futile, du point de vue économique, de défendre un régime réglementaire alambiqué avec ses 13 régulateurs, digne de l'ère glacière, qui pénalisait les marchés financiers canadiens face aux autres juridictions beaucoup plus accueillantes et efficaces. Québec aurait dû tendre au fédéral une branche d'olivier pour trouver une solution moderne respectant ses compétences.

Le Québec risque malheureusement d'être laissé sur les lignes de côté (ou d'être forcé de rentrer avec résignation dans les rangs) à cause du rôle de plus en plus insignifiant qu'il joue dans le monde de la finance au Canada. Nos étudiants au secondaire et au CÉGEP ne le savent peut-être pas, mais Montréal a été la capitale financière du Canada jusque dans les années 1970. Ce ne sont pas les autres provinces qui ont attiré le monde de la haute finance, mais c'est le climat politique qui règne ici depuis 53 ans - alimenté par la crise d'octobre 1970, la promotion d'un modèle québécois dirigiste et interventionniste, l'élection et la réélection d'un gouvernement souverainiste, gauchiste et hostile aux riches (et, surtout, aux riches anglophones) et deux référendums - qui a fait fuir le capital et les talents de la finance vers l'Ontario et l'Ouest.

Nous pourrions regagner notre palme financière, mais ce n'est pas en se cachant derrière la Cour suprême et le partage des pouvoirs prévu à la constitution canadienne ou en creusant des douves autour du village gaulois que nous y arriverons. J'ai pu moi-même constater de visu que ce n'est pas le talent, la créativité, l'expertise, les compétences et le génie québécois en finance qui manquent pour atteindre ce but. Ce qu'il nous manque, c'est un parti politique qui valorise ces gens et encourage un environnement d'affaires plus favorable que partout ailleurs au Canada pour attirer et faire fructifier le capital. Je ne parle pas ici d'encore plus de subventions, de crédits d'impôts et d'autres gadgets artificiels du même genre. Je parle de vraies baisses du fardeau fiscal des contribuables et de diminution de la réglementation coûteuse et tatillonne qui rebute aux détenteurs de capital.

Je sais que mes amis du monde de la finance québécoise ont la capacité de battre le Canada-anglais à son propre jeu. Pour y arriver, il suffit simplement de s'élire un leadership politique qui leur permettra de déployer leurs aptitudes et leur inventivité pour qu'ils puissent atteindre leur plein potentiel.

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