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Daniel Breton a été victime d'un « lynchage » politique, et c'est bien dommage. Dommage, parce que l'homme avait des idées, qu'il n'avait pas froid aux yeux et qu'il souhaitait vraiment faire bouger les choses en termes de protection de l'environnement. Dommage qu'il n'ait pas eu plus d'aide pour s'adapter aux changements entre la vie d'un militant et celle d'un ministre.
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Radio-Canada.ca

C'est délirant de voir à quel point la stratégie de « l'attaque est la meilleure défensive » est utilisée ces temps-ci pour tenter de nous faire oublier l'Histoire sans fin (et pas fine pantoute!) de la Commission Charbonneau. Et la cible principale du Parti Libéral du Québec, ce parti qui a toutes les raisons du monde de faire oublier cette Commission qui pourrait sonner son glas, est le ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs dans le gouvernement minoritaire de Pauline Marois, Daniel Breton. Pardon, l'ex-Ministre, il a annoncé sa démission jeudi matin.

« Breton change la couleur du BAPE » (Journal de Québec, 14 novembre), « Daniel Breton au pied du mur » (Journal de Québec, 21 novembre), « Plusieurs condamnations pour le ministre Daniel Breton » (La Presse, 28 novembre), « Daniel Breton ne payait pas son loyer » (Canal Argent, 28 novembre.) Autant de titres révélateurs du fait que l'ex- Ministre Breton était sous les projecteurs récemment, et qu'il sera entendu en commission parlementaire. Mais quel est le fond de toute cette histoire?

14 novembre 2012 : le ministre Breton, après avoir consulté tous les commissaires (dont il aurait eu les numéros de téléphone), démet de leurs fonctions le Président et le Vice-Président du BAPE, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Il se rend aussi en personne dans les locaux du BAPE, et il semblerait qu'il aurait mentionné la possibilité de débarquer encore si les verdicts du BAPE n'étaient pas satisfaisants. Les Libéraux ont déchiré leurs chemises sur la place publique, demandé la démission du Ministre Breton pour ingérence, et le chroniqueur du Journal de Montréal Jean-Jacques Samson a même été jusqu'à dire qu'il aurait « compromis l'intégrité du BAPE. » Vraiment?

Dire que le BAPE était efficace sous l'ère libérale relève de la fantaisie. Il a été complaisant envers le gouvernement dans tous les dossiers chauds (Turcot, gaz de schiste, port méthanier, etc.) et a souvent donné l'impression de servir de bonne conscience à des Libéraux qui s'en cherchaient une. D'autant plus que les nominations à la haute direction du BAPE étaient des nominations éminemment partisanes. Mais voilà. Le gouvernement libéral est tombé, et le Parti Québécois est au pouvoir. Arrive alors à la tête du MDDEP un militant écologiste de longue date, reconnu pour ne pas faire dans la dentelle et pour avoir une grande gueule, et pour VRAIMENT vouloir défendre l'environnement. Entre nous, peut-on reprocher à un ministre de l'environnement de vouloir défendre l'environnement? Personnellement, je trouve cela rafraîchissant et surtout, changeant. Disons que la protection de l'environnement était loin d'être une priorité libérale...

Mais il y est allé un peu fort. Le militant et le ministre ont mal cohabité ensemble, c'est évident, et il ne pourra plus en politique faire des coups de gueule aussi éclatants. Il y a des processus à respecter, des mots à peser, et disons que M. Breton s'est un peu (beaucoup) planté dans la façon de faire les choses. C'est triste, car sur le fond, l'intention de botter le BAPE aux fesses était excellente, l'hibernation a assez duré. De là se lancer dans une campagne de salissage, à fouiller son passé pour ressortir des contraventions impayées, des expulsions à cause de non-paiement de loyers, des fraudes fiscales décidément mineures et son goût de jeunesse pour la vitesse, c'est laid. Très laid. Qui n'a jamais vécu une mauvaise passe? Qui n'a jamais reçu une contravention? Ou oublié de déclarer un document dans un système bureaucratique qui ne finit plus d'en exiger? Pas grand-monde, et je ne ferais pas confiance à ceux qui n'ont jamais commis d'impairs. Non seulement c'est louche, mais ça démontre un flagrant manque de vécu. Mon dicton pour politicien, c'est qu'à moins d'avoir commis des crimes graves, ce que tu as fait AVANT la politique est justifiable (pas nécessairement pardonnable, mais peut être laissé de côté). Ce sont les écarts que tu fais PENDANT qui sont inacceptables. Par contre, c'est important d'en parler à tes collègues avant que ça sorte dans les médias. Quelques petites choses avaient, semble-t-il, été omises...

Daniel Breton a été victime d'un « lynchage » politique, et c'est bien dommage. Dommage, parce que l'homme avait des idées, qu'il n'avait pas froid aux yeux et qu'il souhaitait vraiment faire bouger les choses en termes de protection de l'environnement. Dommage qu'il n'ait pas eu plus d'aide pour s'adapter aux changements entre la vie d'un militant et celle d'un ministre. Dommage qu'il ait plié si vite sous les coups de ses adversaires, dommage qu'il n'ait pas eu le courage de dévoiler lui-même et dès le départ ses écarts de conduite passés. On lui aurait probablement pardonné sous la franchise...Et dommage, parce que les militants de longue date comme lui y réfléchiront à deux fois avant de faire le saut en politique, malgré le fait que leur connaissance du terrain et des réalités (environnementales et sociales, entres autres) valent leur pesant d'or. Et ça va continuer de nous donner des incohérences majeures, comme la fois où Julie Boulet s'est retrouvée au Ministère des Transports. Ou quand Tony Tomassi a été ministre de la Famille (avec la musique du parrain qui joue en arrière-plan.) Ou quand l'ex-ministre responsable du Plan Nord fait le saut chez une entreprise qui en bénéficiera beaucoup et directement...

Encore une fois, les larmes libérales de crocodile sont pitoyables et pathétiques. Bien hâte de voir s'ils vont encore crier aussi fort lorsque le verdict de la Commissaire tombera.

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