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Non M. Brassard, l'écologie n'est pas une religion!

Dans son nouveau livre, Jacques Brassard, ancien ministre de l'Environnement et des Ressources Naturelles, attaque ouvertement les écologistes du Québec. Fort de 30 ans d'histoire, le Réseau québécois des groupes écologistes lui répond avec joie.
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Dans son nouveau livre Hérésies, Jacques Brassard, ancien ministre de l'Environnement et des Ressources Naturelles, attaque ouvertement les écologistes du Québec. Fort de 30 ans d'histoire, le Réseau québécois des groupes écologistes lui répond avec joie.

Après avoir publié le pamphlet paranoïaque Les faces cachées d'Amir Khadir, la maison d'édition Accent Grave, créature du néo-conservateur Daniel Laprès, récidive en publiant Hérésies, une collection d'essais de Jacques Brassard.

Celui qui fut jadis à la tête du ministère de l'Environnement (1994-1996) et du ministère des Ressources Naturelles (1998-2002) sous le Parti québécois n'a jamais caché son mépris des écologistes du Québec. En 1996, M. Brassard coupait massivement le financement de groupes d'action communautaire en environnement, trop critiques à son goût. Lorsque l'Erreur Boréale dévoila les ratées de l'industrie forestière québécoise, l'ex-ministre qui était alors responsable des forêts, plutôt que d'adresser les questions de fond, se contenta de traiter le documentaire de «tissu de propos marxistes léninistes».

Et c'est là toute la finesse d'analyse de M. Brassard, qui en fait sa marque de commerce. C'est d'ailleurs une chronique haineuse envers Steven Guilbault qui lui valut d'être remercié du journal Le Quotidien du Saguenay-Lac-Saint-Jean en 2009.

Pour la promotion d'Hérésies, M. Brassard s'est entretenu avec Éric Duhaime à Radio-X. Il a accusé l'écologie d'être devenue une religion et de nuire au développement économique. M. Brassard convient qu'il n'aime pas la gauche, les féministes, les syndicats. Il s'oppose aussi au registre des armes à feu et se prononce en faveur des coupures dans l'assurance-emploi du gouvernement Harper. En se positionnant ainsi, il affirme fièrement se placer en opposition à ce qu'il désigne comme la «pensée unique» au Québec.

Sur son blogue, il adopte des positions rétrogrades sur nombre de sujets. À l'international, il est contre la Palestine, en faveur de l'intervention militaire en Irak. Au Québec, il suggère de réduire l'immigration, conteste les revendications des autochtones et fait la promotion de l'enseignement catholique au secondaire. Côté environnement, il s'identifie comme climato-sceptique: il ne croit pas que le réchauffement climatique est causé par l'activité humaine. De plus, il argumente qu'il ne faut pas augmenter les redevances minières.

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17. Australie

Efficacité environnementale: le classement des pays développés

Bien sûr, le Réseau québécois des groupes écologistes a eu à découdre plusieurs fois avec M. Brassard au fil des années. Et quoique nous attendons toujours (depuis bientôt vingt ans!) une seule critique rigoureuse de la part de M. Brassard à l'égard de notre mouvement, nous devons nous contenter de répondre aux théories de conspiration contenues dans Hérésies.

L'écologie, une religion?

Le leitmotiv de Jacques Brassard quand il parle des écologistes est celui-ci: l'écologie est devenue une religion, avec ses «gourous» (les figures publiques) et ses «grandes messes» (les sommets internationaux). Malheureusement, M. Brassard n'a jamais vraiment pris la peine d'étayer cette intrigante métaphore.

De prime abord, vous comprenez la confusion qui s'en suit lorsqu'un catholique sioniste tente de vous discréditer sur la seule base que vous constituez, selon lui, une «religion».

Mais évitons la rigueur intellectuelle un seul instant (si M. Brassard n'en a pas besoin, alors nous non plus!) pour prendre cette accusation au sérieux. La réponse reste toutefois sans nuances: le mouvement écologiste (ou environnemental, ou vert) n'est pas une religion, c'est un mouvement social présent à l'échelle mondiale.

Et qu'est-ce qu'un mouvement social? C'est une multitude d'individus et de groupes qui agissent collectivement sur des enjeux spécifiques par la transformation sociale. Il existe plusieurs grands mouvements sociaux, par exemple le mouvement des femmes et le mouvement pour la paix. Au Québec, il existe plus d'une centaine de groupes écologistes, autonomes et ancrés dans les communautés, qui démontrent une diversité discursive, une pluralité d'initiatives.

Le mouvement écologiste ne se définit pas par la spiritualité, la métaphysique ou des abstractions. Il s'appuie sur des données scientifiques et des valeurs concrètes, par exemple la solidarité, le respect de la nature et l'autonomie.

Et si le sujet vous intéresse réellement, il y a plusieurs études à cet effet, comme 30 ans au RQGE, une histoire dissidente du mouvement écologiste citoyen du Québec, de Philippe Saint-Hilaire Gravel.

Quelle «pensée unique»?

Autre leitmotiv de Jacques Brassard: le Québec est dominé par une «pensée unique» et lui se lève, en preux chevalier, pour briser le statu quo. Cette pensée unique serait caractérisée par l'environnementalisme et la gauche, et ces deux axes domineraient, à tord, toutes les politiques, les médias, l'éducation, bref, toute la province.

En voilà une assertion ridicule. En novembre dernier, le Centre des études médiatiques de l'Université Laval démontrait, dans une analyse exhaustive, que les médias de masse avaient fait une couverture très largement négative au printemps étudiant. Mais c'est sans gêne que M. Brassard va se plaindre à V-télé, dans le Journal de Québec et Radio-X que la droite conservatrice n'a pas de tribune dans la province.

Incapable de voir les contradictions de son discours, M. Brassard se plait ensuite à invoquer «la part judéo-chrétienne de notre identité nationale», qui constitue selon lui une «forte majorité», lorsqu'il cherche à discréditer les réformes à l'enseignement religieux au secondaire.

M. Brassard fait dans l'opinion. Il invente la majorité qui lui plait, celle qui peut un jour l'appuyer, ou alors celle qu'il faut combattre.

Quel courage politique?

En entrevue avec Mario Dumont à V-télé, Jacques Brassard proclame avec certitude: «Le courage politique ça peut exister». Et vous savez quoi, monsieur Brassard, vous avez raison!

Mais le courage politique, ce n'est pas de s'enterrer dans les dogmes de la croissance économique effrénée et les valeurs archaïques du moyen-âge. Le courage politique, c'est de regarder la vérité en face, même quand elle ne vous plait pas. Devant l'inconnu, tenter de comprendre avant de juger. Faire preuve de compassion, même avec les gens qui sont différents de vous.

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14. Les sables bitumineux du fleuve Orinco au Venezuela

Les pires projets énergétiques, selon Greenpeace

Bien sûr, les écologistes dérangent, comme nous vous avons dérangé quand vous étiez au pouvoir. Mais si vous vous arrêtez à cela, non seulement vous n'avez rien compris, mais vos médisances, votre défense d'une croissance économique aveugle sont absolument criminelles. Et pourquoi?

D'une part, parce que l'humanité est au cœur de l'Extinction de l'Holocène: la sixième grande extinction massive dans l'histoire de la planète, largement due à l'activité humaine depuis la révolution néolithique. Dépendamment des estimés, entre 100 et 345 espèces disparaissent chaque jour, c'est un rythme de 10 à 100 fois supérieur aux autres extinctions massives.

D'autre part, le réchauffement climatique, aussi largement causé par l'activité humaine. Selon les projections, la planète va se réchauffer de 2 à 5 degrés d'ici 2100. Les conséquences de ce réchauffement sont épouvantables : famines, inondations, destruction d'habitats, etc. Ceci n'est pas une opinion: le réchauffement climatique fait l'objet d'un écrasant consensus dans la communauté scientifique.

Finalement, la dépendance au pétrole. Le pic de la production pétrolière a été atteint durant les années 2000. Elle ne peut que décliner à partir de ce moment, les estimations pour maintenir la production relèvent de la spéculation et de sources destructrices comme les sables bitumineux. Toutefois, la demande alimentaire mondiale dépend de l'agro-industrie, qui dépend à son tour de l'approvisionnement en pétrole. Une hausse du prix du pétrole va entraîner une hausse dramatique des prix des aliments de base, voire une rupture de stock, qui risque d'entraîner, notamment, famines massives et conflits armés dans les pays en voie de développement. Raison de plus pour une transformation profonde de la société.

Avez-vous des solutions à ces problèmes, M. Brassard? Lorsque vous accusez les écologistes, vous blâmez le messager, et aujourd'hui, en 2013, le Québec ne peut se permettre de perdre du temps dans des querelles comme celles-ci.

Dans le fond, M. Brassard, vos Hérésies n'en sont pas du tout: votre voix se perd dans la chorale conservatrice du gouvernement Harper, auquel le Québec a déjà montré la porte aux élections fédérales de 2011. Dans cette tentative puérile de créer un scandale pour mousser les ventes, vous avez à démontrer que vos opinions ne sont qu'une autre énergie «fossile» dont le Québec pourrait effectivement se passer.

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