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Le fascinant bordel de Philippe Brach soulève le MTelus

L’inclassable chanteur s’est payé la totale!

Philippe Brach au MTELUS

Philippe Brach a foutu le bordel dans un MTelus en délire, vendredi soir. Pour l'escale montréalaise de sa tournée Le silence des troupeaux, l'inclassable chanteur s'est payé la totale : 18 musiciens l'accompagnaient sur scène, et l'iconoclaste avait construit son concert autour d'un concept, celui de l'émergence d'un fascinateur, Mysterio Steve, personnage incarné par lui-même, et destiné à pulvériser «le pape de la magie», Luc Langevin. Rien de moins!

Le rideau annonçait l'intention dès l'entrée. «Mysterio Steve», y était-il inscrit. «Il n'y a rien de plus vrai que la magie de la magie», répétait-on sur les réseaux sociaux de Brach, quelques jours plus tôt.

«L'élu» s'est finalement amené. La magie a perdu ses lettres de noblesse, et lui va la sauver, nous a-t-on annoncé. Il ressemblait étrangement à Philippe Brach, vêtu d'une tunique d'illusionniste, coiffé comme tel et grossièrement maquillé. Aussitôt, les spectateurs ont manifesté grandement leur joie en criant «Steve! Steve! Steve!» et en applaudissant à tout rompre.

«Une chose est sûre, c'est que Philippe Brach aurait vraiment aimé être ici ce soir», a prononcé le nouveau Dieu, en mentionnant qu'il nous promettait un programme tout en magie et en illusionnisme et, «si on a le temps, en musique», a-t-il concédé.

Pourquoi chercher à destituer Luc Langevin? «Luc en a assez fait et c'est le temps de donner son trône à Mysterio Steve», a décrété le principal intéressé. Un rythme orchestral se déployait derrière pendant qu'on a «guillotiné» la photo du magicien-vedette d'ARTV. Puis, Mysterio Steve a rendu les armes sous la pression ambiante.

«Chu crissement pas d'accord avec vous, mais on va en faire, d'abord, de la musique!»

Tout le deuxième degré, la fantaisie, l'irrévérence de Philippe Brach étaient contenus dans cette fantastique introduction, qui allait donner lieu à un moment mémorable en compagnie de l'auteur-compositeur, ses musiciens et son alter ego temporaire.

Un peu plus tard, le baveux gaillard a précisé qu'il n'avait rien contre Luc Langevin, et que ce dernier avait même été invité au rendez-vous où il était la tête de Turc.

Bélanger accueilli en roi

Quelle belle bibitte que Philippe Brach, cet artiste de 28 ans qui n'en fait qu'à sa tête, fruit d'un quelconque croisement entre Plume Latraverse, Richard Desjardins et Jean Leloup, créatif et inspiré, qui prend simplement plaisir à s'éclater dans la musique sans constamment chercher à se mettre en valeur, lui.

En font foi ses trois albums en trois ans et son exaspération, énoncée à Tout le monde en parle, il y a quelques semaines, de constamment voir «sa propre face» partout.

Il fait aussi penser à son comparse Daniel Bélanger, justement venu interpréter ses morceaux Il y a tant à faire et Imparfait auprès d'un Philippe Brach visiblement admiratif, en fin de piste, en cette première très populaire. La place aurait pu exploser quand Bélanger, qui avait lui-même fait trembler la même salle à sa rentrée montréalaise, l'an dernier, a fait irruption alors qu'on ne l'attendait pas du tout. Une longue accolade entre les deux hommes a clôt le passage du vétéran. On a bien cru que l'assistance ne s'en remettrait pas.

Donner un show

Sa puissante poésie anti-commerciale et son image de rebelle candide touchent visiblement une corde sensible chez plusieurs, car Brach aurait pu aisément virer le MTelus à l'envers, vendredi, tant les gens embarquaient dans sa douce folie.

Oh, d'ailleurs : il ne se résout pas encore à accepter le changement de nom du Métropolis et à appeler ce dernier par son nouveau titre, MTelus, où il s'est dit par ailleurs très fier de se produire. «Je veux m'excuser au boss, j'ai juste pas réussi à encaisser votre nouveau nom», a-t-il crâné après avoir pris ses aises dans l'espace. Toute la soirée, «le Métropolis», ce fut. Et on a aimé.

Malgré le tapage visuel et toute l'histoire autour des chansons, on a pu apprécier les textes évocateurs ou déjantés de toutes les pièces. Chacune avait son tableau et son caractère. La peur est avalanche en premier. Seuls des faisceaux lumineux allumaient les troupes pendant Les mains blanches.

Ce fut la liesse et des points de lumineux allumés tout du long de la frappante Si proche et si loin à la fois, que Brach a incarnée à la guitare. «Le corps d'une jeune fille / trouvé dans une piscine / ça relativise / nos niaiseries, nos crises». Cellulaire et (quelques) briquets ont également scintillé très fort sur Alice.

Tête d'affiche du clip Tu voulais des enfants, l'artiste multidisciplinaire Maxime D. Pomerleau a dansé sur ce même air, magnifiquement habillée d'une robe de mariée. Tout le monde l'a adorée, voire vénérée. La vidéo a fait son effet dans les dernières semaines.

La chorale a été unanime aux premières notes de Né pour être sauvage et, plus tard, sur Rebound, qu'une très bruyante déferlante d'acclamations a entrecoupée, laissant quasi pantois notre Brach / Mysterio Steve, qui n'aurait pu rêver de meilleur accueil.

Évidemment, l'attachante Bonne journée, a capella, a généré une suite d'irrésistibles claquements de doigts. Sans surprise, D'amour, de booze, de pot pis de topes (après laquelle notre hôte commençait à être essoufflé) et C'est tout oublié ont été survoltées.

Quand s'est entamé le temps de «raconter une anecdote», à mi-parcours, on a plutôt eu droit à un sketch muet psychédélique aux parfums d'hôpital psychiatrique, un intermède qui cadrait parfaitement avec le reste.

Brach a donné son sens personnel à l'expression «donner un show», et on s'est surpris à espérer que plusieurs de ses semblables emboiteront le pas et briseront quelques frontières dans leurs propres spectacles.

Tant les éclairages que l'instrumentation ont été mis au service de son matériel, de son univers si particulier, et on avait l'impression que tout ce qui l'entourait accompagnait sa proposition, son imaginaire, sans toutefois nécessairement braquer la lumière sur sa personne et son nombril.

Ce généreux partage a trouvé résonnance au parterre, dense et quasi obnubilé par ce nouveau héros de Mysterio Steve (qui a quand même souvent laissé la place au «vrai» Philippe Brach). L'énergie du garçon, inépuisable, l'a fait sautiller et danser jusqu'à plus soif, avec la nonchalance qui est la sienne.

Malheureusement, les prochaines représentations du Silence des troupeaux - qui est la fête du dernier album du même nom de Brach, lancé à l'automne, mais aussi beaucoup celle de Portraits de famine, son précédent opus (2015) et de La foire et l'ordre, son premier effort (2014) – ne reposeront pas sur la grandiloquente mise en scène dont a bénéficié le public montréalais (imaginée par Brach lui-même et Nicolas Ouellet) avec d'aussi imposantes sections de cuivres et de cordes, la consécration de l'illustre Mysterio Steve et la participation de Daniel Bélanger. Mais on devine que, Philippe Brach sur les planches, ce n'est jamais banal.

Philippe Brach poursuit sa tournée Le silence des troupeaux au moins jusqu'à la fin de l'année et s'arrêtera notamment à Québec (7 avril), Laval (12 avril) et Sainte-Thérèse (14 avril) dans les prochaines semaines. Toutes les dates sont disponibles sur son site.

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