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Marie-Thérèse Fortin s’attaque au pari fou d’un grand solo au TNM

Marie-Thérèse Fortin a tout son temps pour retourner sur les planches et s'attaquer à l'adaptation théâtrale de La Détresse et l'Enchantement.
MT Fortin

Maintenant que Mémoires Vives a pris fin, Marie-Thérèse Fortin a tout son temps pour retourner sur les planches et s'attaquer à l'adaptation théâtrale de La Détresse et l'Enchantement, les mémoires de la grande écrivaine Gabrielle Roy. Un solo qu'elle livrera quelques soirs seulement, avant de retrouver l'équipe de Boomerang pour le tournage de la quatrième saison.

À quel moment les mots de Gabrielle Roy sont entrés dans votre vie?

À l'école, on avait travaillé sur la Rue Deschambault, dans les années 70. Je me souviens que j'avais aimé ça. Je trouvais que c'était bien écrit. Mais quelque chose me parlait beaucoup plus dans La Détresse et l'Enchantement, écrite au « je ». Ça m'avait tellement bouleversée que je l'avais dévorée. J'avais l'impression qu'elle parlait de moi en écrivant sur les aspirations d'une jeune fille issue d'un milieu difficile qui cherche sa place dans le monde. Cette petite voix tout incertaine, qui veut trouver ce qu'elle apportera de plus autour d'elle... Je me revois en train de me demander si j'allais réussir à être ce que je sentais à l'intérieur de moi et si j'allais faire les grandes choses que j'avais envie de réaliser dans le métier.

Qu'aviez-vous découvert en lisant ses mémoires?

Je ne savais pas qu'elle avait voulu devenir comédienne. Ça m'avait surprise! Elle jouait dans le Cercle de Molière, la plus ancienne compagnie de théâtre francophone du Canada, au Manitoba. Son besoin de jouer avec les mots est né là-bas. J'avais aussi découvert l'importance de sa mère, non pas seulement en tant que figure maternelle, mais aussi comme génitrice de sa passion de raconter. Elle lui racontait plein d'affaires. Une simple course à l'épicerie devenait un récit! Gabrielle Roy avait aussi cette nature de conteuse. À travers ses réflexions d'une profondeur abyssale et ses grands élans de vie, on retrouvait aussi un humour piquant et beaucoup d'altruisme. De là, la détresse et l'enchantement.

Comment est apparu le désir de créer une pièce à partir de son œuvre?

Jeune comédienne, quand je travaillais encore à Québec, j'essayais de lancer des projets par moi-même pour ne pas toujours être dans l'attente d'un téléphone ou du désir des autres. Je me suis jetée dans des projets qui m'interpellaient, et j'avais travaillé un projet de lecture publique sur son œuvre. Puis, des années plus tard, en 2009, Olivier Keimeid m'a proposé de faire quelque chose autour d'elle dans le cadre de son centenaire. J'avais ressorti mon montage. On a fait une lecture publique un peu théâtralisée au Festival international de littérature quelques soirs, et c'est retombé dans mes tiroirs. J'ai été occupée ailleurs. Puis, quand j'ai su que Mémoires Vives allait se terminer, je me suis dit « c'est maintenant ou jamais ». Je savais quelle énergie ça allait me demander. Je ne pouvais pas atteindre d'avoir 95 ans pour le faire. J'avais le temps pour m'y consacrer.

Est-ce que la pièce de théâtre est une bonne porte d'entrée pour découvrir?

Je pense que oui. Qu'on ne connaisse pas Gabrielle Roy et qu'on ne l'ait jamais lue, ce n'est pas grave. Si on assiste au spectacle, on va découvrir une œuvre à part entière. On a choisi de raconter le parcours initiatique sur comment devenir soi, comment accéder à cet appel en nous qui nous incite à être plus grand que soi. On fait le récit de cette jeune femme qui, parce qu'elle a écouté cet appel, a réalisé de grandes choses, à force de travail et d'acharnement, et grâce aux gens qui l'ont aidée et formée.

Comment ses mémoires se déploieront-elles sur scène?

On est partie de l'idée que Gabrielle est en train d'écrire devant nous La Détresse et l'Enchantement, en se rappelant ce qu'elle a vécu, en y réfléchissant et en déambulant comme elle le faisait sur le bord du fleuve à Petite-Rivière-Saint-François.

Avec toute votre expérience, est-ce qu'un solo au TNM est aussi vertigineux qu'on peut l'imaginer?

C'est pire, plus on vieillit. Je me dis que je suis complètement folle, mais je suis contente de le faire. Ça m'apporte énormément de dire ces mots et de plonger dans cette réflexion-là tous les jours. Ça me nourrit formidablement.

Deux semaines après la pièce, vous reprendrez votre rôle dans Boomerang. Selon vous, comment a évolué Monique depuis le début?

Je pense qu'elle était un peu stuck up au départ et qu'elle a été obligée de s'assouplir un peu. La vie l'amène dans des situations qui la forcent à lâcher prise. Elle est exaspérée, mais elle ne peut pas se passer des membres de sa famille, parce qu'ils lui font vivre des choses qu'on fond elle adore. Au fond, elle redoute de s'engloutir dans l'inertie de la retraite.

On vous a surtout vue dans des rôles dramatiques à la télé, au cinéma et au théâtre. Avez-vous l'impression de laisser voir une part de votre jeu qui était restée dans l'ombre?

Tout à fait. D'ailleurs, c'est moi qui ai demandé à passer l'audition pour jouer dans Boomerang. Je me disais que les gens ne pensaient sûrement pas à moi pour des rôles dans une comédie, alors que j'adore ça. Donc, j'ai pris les devants. J'ai écrit à l'auteure des premières saisons, Isabelle Langlois, en lui disant « je ne sais pas s'il y a une vieille dans tes prochains projets, mais moi, j'adorerais jouer du Isabelle Langlois ». Peu après, j'ai été convoquée en auditions pour Boomerang.

Qu'est-ce que ça fait de ne pas avoir de tournage de Mémoires vives à l'horaire cette année?

C'est un deuil à faire. Quand on est dans le projet, on ne s'en rend pas compte. Mais quand on annonce la fin, on prend la pleine mesure de toute la place que ça occupait dans nos vies. Je ne parle pas seulement du personnage, que j'ai adoré jouer, mais des liens avec tous les collègues. On avait un très, très beau plateau, harmonieux, avec des gens grouillants qui travaillaient fort. Je me souviens d'une scène que je tournais avec Pierre-Luc Funk, que je trouve extraordinaire, et je le regardais en pensant « lui, avant que je retravaille avec lui, ça peut prendre combien de temps? Peut-être que ça n'arrivera plus jamais. » C'est sûr que ça squeeze le coeur un peu. Mais ça fait partie de notre métier.

La pièce « La Détresse et l'Enchantement » sera présentée au TNM du 29 février au 10 mars 2018. Cliquez ici pour plus de détails.

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