Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«Quoi qu’on dise sur la diversité, je pense que les "petites cultures" sont en danger», dit Bernard Émond

«Les hommages incessants à la diversité sont, pour moi, des hommages de surface...»
Les Films Séville

Cinéaste de l'esthète, Bernard Émond partage dans son huitième long métrage un optimisme étonnant quant à notre avenir commun. Car malgré les liens familiaux qui s'étiolent et les catastrophes qui grondent, le cinéaste-philosophe n'a pas encore perdu tout espoir envers l'humanité.

Les temps changent, mais rien n'est encore perdu. En filigrane, le nouvel opus de Bernard Émond, Pour vivre ici (titre d'un poème de Paul Éluard), ne dit pas autre chose, contrastant avec une filmographie d'ordinaire plus sombre et alarmiste.

«En effet, c'est sans doute mon film le plus lumineux et dans lequel je touche une certaine espérance, explique-t-il en entrevue. Je pense que jamais dans l'histoire de l'humanité, en dehors des moments de guerre, le problème de la transmission ne s'est posé avec autant d'acuité. Jamais le fossé entre les générations n'a été aussi grand. Sauf que pour moi, il reste de l'espoir.»

Présenté mercredi soir en ouverture des 36es Rendez-vous Québec cinéma, l'œuvre magnifique, parsemée de paysages hivernaux cadrés à la façon Lemieux, prend l'affiche vendredi. De Baie-Comeau au nord de l'Ontario en passant par Montréal, un road movie dans lequel on fait la connaissance de Monique, incarnée par Élise Guilbault, qui signe ici sa quatrième collaboration avec le cinéaste. «À la mort de son mari, la soixantenaire décide d'aller visiter ses enfants et de poursuivre sa route jusque dans sa région natale. C'est une quête sur le deuil et la filiation», raconte Émond.

Je suis conservateur

Selon Bernard Émond, une époque en remplace une autre éloignant les membres d'une même famille les uns des autres. Adaptation libre du Voyage à Tokyo de Yasujiro Ozu, le film pose surtout une question, à savoir : que restera-t-il de nous après notre mort? «Les relations ne passent plus nécessairement par les liens traditionnels familiaux ou la parenté, mais il existe quand même quelque chose de l'humanité qui continue à se transmettre», note le réalisateur de La neuvaine.

À 66 ans, le vétéran est toujours habité par sa réflexion sur le passé. Parfois critiqué comme un cinéaste au discours réactionnaire, Émond se défend. «Je m'en fous! Je fais ce que je crois devoir faire. Je suis convaincu qu'il existe des aspects de notre patrimoine culturel qu'il vaut la peine de conserver et je refuse de rentrer dans le rythme et les exigences contemporaines. Je ne me considère pas comme une personne réactionnaire, je suis conservateur et dans mon conservatisme, je suis beaucoup plus radical que tous ceux qui suivent les modes.»

Anglicisation, amnésie collective, perte des repères, démographie faible, les menaces qui guettent la société francophone au Québec sont nombreuses, ajoute-t-il. «Quoi qu'on dise sur la diversité, je pense que les "petites cultures" sont en danger. Les hommages incessants à la diversité sont, pour moi, des hommages de surface. On ne pénètre pas une culture comme on rentre dans un magasin», conclut-il.

Pour vivre ici – Bernard Émond – Drame psychologique – Les Films Séville – 90 minutes – Sortie en salle le 23 février 2018 – Canada, Québec.

À voir également :

Les nouveautés de la semaine sur Netflix Canada

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.