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La Tesla d'Elon Musk ne va pas polluer l'orbite terrestre

La voiture ne va pas rester autour de la Terre et ne devrait d'ailleurs pas survivre très longtemps.
SpaceX

Elon Musk aurait difficilement pu rêver mieux. Mardi 6 février, SpaceX a fait décoller pour la première fois sa fusée Falcon Heavy, la plus puissante en activité. Si un des trois lanceurs a été perdu, les deux autres sont redescendus sur Terre sans encombre.

Clou du spectacle, la fusée a réussi à envoyer dans l'espace son chargement atypique: le roadster Tesla d'Elon Musk. Une lubie du milliardaire qui en a amusé beaucoup, mais qui a aussi agacé certains (sans même parler des partisans de la Terre plate). Sur Twitter, plusieurs personnes ont critiqué cette excentricité qui viendrait "polluer l'espace" autour de la Terre.

Vous voulez dire qu'il y a un tas de déchets qui orbitent et font office de campagne publicitaire, polluant l'espace sans but, que vous ne pouvez pas récupérer. Merci.

Donc nous ne sommes plus seulement satisfaits de polluer notre planète, nous poussons les déchets jusque dans l'espace et les mettons en orbite autour de la Terre.

Une voiture qui s'en va loin (et risque d'être vite détruite)

Même si le message d'Elon Musk est ambigu, son excentricité ne pollue pas vraiment l'orbite terrestre. En effet, comme l'a lui-même précisé le patron de SpaceX, la Tesla n'est pas censée tourner autour de la Terre, mais du Soleil.

La voiture électrique va parcourir un long voyage autour de notre étoile, passer près de Mars avant de se diriger vers la ceinture d'astéroïdes. Bref, vu son trajet et en se rappelant que l'espace est majoritairement composé de vide, peu de risque que la Tesla pose un problème.

Troisième allumage réussi. On dépasse l'orbite martienne et on continue vers la ceinture d'astéroïdes.

De plus, même si Elon Musk aimerait bien que sa voiture reste dans l'espace un milliard d'années, il y a peu de chances que cela arrive. LiveScience a interrogé des scientifiques sur la durée de vie d'une voiture dans l'espace.

D'abord, elle risque d'être percutée par des micrométéorites. Ou de se crasher sur Mars si le trajet est mal calculé. Et même si la Tesla évite tout cela, les radiations solaires devraient avoir la peau de la voiture électrique.

En effet, ces rayonnements s'attaquent notamment aux molécules composées de carbone (organiques). Or, la majorité de la Tesla est justement construite à partir de ce type d'atomes.

"Ces organiques, dans cet environnement, je leur donnerai un an" avant d'être détruits, explique à LiveScience William Carrol, un chimiste américain. A terme, il ne restera alors que le châssis en aluminium, quelques morceaux de métal et le verre.

Des débris par millions

Pour autant, la pollution spatiale en générale est une question cruciale. La Terre est littéralement polluée de débris spatiaux. Il y a actuellement plus de 500.000 anciens satellites, morceaux de lanceurs et autres carcasses inutiles en orbite, allant de la taille d'une pomme à celle d'un bus. Et même 100 millions inférieurs à 1mm de long.

Ainsi, l'ISS a dû réaliser plus d'une quinzaine de manœuvres d'évitement depuis son lancement en 1998 pour ne pas être touché par des débris suffisamment gros pour être dangereux, malgré les blindages de la station.

En 2007, rappelle le Washington Post, la Chine a détruit l'un de ses satellites avec un missile, ce qui a relâché plus de 1600 débris autour de la Terre, sur plusieurs orbites différentes. Des débris qui filent à des dizaines de milliers de kilomètres heure. En 2009, c'est une collision entre un satellite américain et la carcasse d'un vieux satellite espion russe qui a permis à 2000 nouveaux débris de se mettre à tourner dangereusement autour de la Terre.

Syndrome Kessler et réaction en chaîne

Et le scénario de Gravity d'une réaction en chaîne n'est pas exclu. À vrai dire, il a même un nom: le syndrome Kessler. L'idée: si des débris se mettent à s'entrechoquer avec d'autres et à se diviser, la situation pourrait être telle qu'il ne serait plus possible de quitter l'atmosphère. Un énorme problème pour toute l'humanité, qui utilise quotidiennement les satellites pour communiquer.

"Même si l'on a pas encore atteint le syndrome Kessler, on considère que ce phénomène de réaction en chaîne existe déjà", expliquait en 2017 au HuffPost la chercheuse Kebe Fatoumata, qui a justement écrit une thèse sur la question des débris spatiaux.

"La NASA estime que d'ici 2025, n'importe quel objet lancé dans l'espace sera percuté par au moins un débris", rappelle-t-elle, tout en précisant que ce sont de petits débris qui ne peuvent occasionner que de légers dégâts locaux. Pour l'instant.

"Compte tenu du développement des applications spatiales, la masse et le nombre d'objets en orbite continue d'augmenter, et tous les opérateurs, anciens et nouveaux doivent respecter la réglementation", précisait de son côté Christophe Bonnal du Cnes, spécialisé sur la question des débris orbitaux, en 2017.

À la pêche aux débris spatiaux

Face à cette épée de Damoclès, toutes les agences spatiales cherchent une solution. La NASA, notamment, a énormément fait pour que des simulations précises permettent de mieux comprendre comment bougent ces débris dans l'espace. Il y a également une réglementation. Depuis des années, les satellites et lanceurs, avant d'être hors d'usage, brûlent absolument tout leur carburant. Logique: une collision, cela fait des débris un peu partout, mais si en plus il y a une explosion...

Il y a également des initiatives plus innovantes, mais encore à l'état de prototype. En décembre, la Jaxa a déployé (juste avant de ravitailler Thomas Pesquet et ses acolytes) un objet bien particulier en orbite: une sorte de filet de pêche. Attaché au vaisseau, ce câble dit électrodynamique, fait de filaments d'acier et d'aluminium et conçu avec l'aide d'un fabricant de filets de pêche, a été déployé dans l'espace.

L'électricité générée par cette longe lorsqu'elle se balance dans le champ magnétique de la Terre devrait avoir pour effet de ralentir la course des déchets, les faisant descendre vers des orbites toujours plus basses, jusqu'à finir par entrer dans l'atmosphère et brûler sans atteindre la surface terrestre, selon les scientifiques. Malheureusement, celui-ci s'est mal déployé et n'a pas fonctionné comme prévu.

L'agence spatiale européenne aussi travaille à nettoyer l'espace. D'ici 2021, l'ESA espère lancer la mission e.DeOrbit. L'idée: utiliser un petit module pour s'accrocher aux plus gros satellites afin de les ramener sur Terre. Car mine de rien, les plus gros objets sont les plus dangereux. Autre option: utiliser également un filet pour capturer l'objet et le ramener sur Terre.

"Le filet développé par l'ESA dans le cadre du projet Cleanspace, permet de capturer un gros débris en mouvement pour ensuite le tirer et le faire rentrer dans l'atmosphère au milieu du Pacifique (SPOUA). Pour déployer un tel filet, il faut faire un rendez-vous avec le débris, c'est-à-dire se placer sur la même orbite et à très faible distance, avec une vitesse relative nulle", selon Christophe Bonnal.

Espérons que ces technologies nous sauveront du si angoissant syndrome de Kessler.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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