Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Cuisine de rue : une association qui prend beaucoup (trop?) de place

Certains détracteurs l'accusent d'étouffer l'industrie qu'elle a largement contribué à lancer.
Gaëlle Cerf (à droite) nie que son association exerce une quelconque influence sur les entreprises qui cherchent un camion de cuisine de rue.
Facebook/Grumman78
Gaëlle Cerf (à droite) nie que son association exerce une quelconque influence sur les entreprises qui cherchent un camion de cuisine de rue.

L'omniprésence de l'Association des restaurateurs de rue du Québec (ARRQ) dans l'industrie des food trucks montréalais est remise en question. Une poursuite judiciaire est même envisagée.

Cinq ans après les consultations qui ont mené à la légalisation des food trucks dans les rues de Montréal, le rôle joué par l'ARRQ fait débat. Certains détracteurs l'accusent d'étouffer l'industrie qu'elle a largement contribué à lancer.

L'ARRQ est présidée par Guy-Vincent Melo, mais sa force vive est sa vice-présidente Gaëlle Cerf. C'est elle qui a milité pour pouvoir vendre des tacos à bord de son camion, le Grumman78.

C'est justement cette position d'être à la fois restauratrice de rue et vice-présidente de l'association qui représente l'industrie qui pose problème pour certains. En plus de gérer le calendrier de sorties pour le programme de cuisine de rue de la Ville de Montréal, l'ARRQ agit comme intermédiaire entre les entreprises et les festivals qui souhaitent accueillir des camions. Des propriétaires actuels et anciens l'accusent de jouer aux favoris.

«C'est carrément un racket. Si tu n'es pas dans les bonnes grâces de l'Association, tu ne fais pas d'argent», lance un ancien propriétaire de camion, qui a demandé l'anonymat.

«On doit vraiment beaucoup à Gaëlle. C'est elle qui a mis les food trucks de Montréal sur la "mappe". Mais après ça, des gens trouvent que c'est dérangeant qu'elle ait un camion», affirme une autre restauratrice de rue.

Un troisième individu, qui a également demandé l'anonymat, songe même à poursuivre l'association. Il l'accuse d'avoir fait pression pour qu'une entreprise change de camion après qu'il ait signé son contrat.

Gaëlle Cerf nie tout favoritisme

Contactée par le HuffPost Québec, Gaëlle Cerf nie que son association exerce une quelconque influence sur les entreprises qui cherchent un camion de cuisine de rue.

«C'est pas moi qui prend ces décisions-là. Quand il y a 10 camions qui déposent une soumission, c'est le propriétaire qui décide lequel il veut», dit-elle en entrevue.

Les propriétaires rencontrés se plaignent toutefois que le processus n'est pas transparent. Les résultats des appels d'offres ne sont jamais diffusés aux soumissionnaires.

«Ça demeure privé. On ne demande pas aux camions combien ils font et combien ils servent», réplique Mme Cerf.

Une organisation opaque

Plusieurs propriétaires se plaignent de l'opacité de l'ARRQ, un organisme à but non lucratif. L'Association se présente comme représentante de l'industrie, mais ses adhérents ne sont pas considérés comme des membres ayant un droit de vote. Du coup, ils n'ont aucun droit de regard sur ses activités ou ses finances.

Les propriétaires de camions qui adhèrent à l'ARRQ paient des frais de 1500$, mais ils doivent encore payer pour soumissionner aux contrats des festivals et des entreprises. Ils doivent également payer un loyer pour les événements organisés par l'ARRQ, comme les Premiers Vendredis.

«Faire partie de l'asso, c'est bon pour une chose: les Premiers Vendredis. Payer l'abonnement plus le coût de l'événement, ça vaut le coup pour moi», affirme Paul-André Piché, propriétaire du camion PA & Gargantua.

M. Piché ne remet pas en question le rôle de l'ARRQ. Il aimerait toutefois avoir un droit de vote.

Mme Cerf songe à élargir le conseil d'administration de l'ARRQ pour inclure deux autres propriétaires de camions. La formule exacte n'est pas encore déterminée.

Mais il n'est pas question, pour l'instant, de donner un droit de vote aux adhérents.

Au cœur de l'industrie

Gaëlle Cerf et l'ARRQ sont au cœur de l'industrie des food trucks, autant au privé qu'au sein du programme de cuisine de rue de la Ville de Montréal. Selon divers témoignages, l'Association est la porte d'entrée pour les entreprises qui ne connaissent pas encore l'offre de camions.

C'est également le modèle prôné par l'ARRQ qui a été adopté par la Ville de Montréal lors du lancement du projet pilote en 2013 dans l'arrondissement Ville-Marie. Cet été, lorsque la Ville de Montréal a adopté un modèle «à la carte» pour l'octroi des permis, c'était encore une fois à la suggestion de l'ARRQ.

«Le règlement a été adopté à leur demande, ce sont les représentants de l'industrie et c'est leur modèle qui a été mis en place, en collaboration avec la Ville de Montréal», indique Gabrielle Fontaine-Giroux, relationniste à la Ville.

L'ARRQ, d'abord gestionnaire du calendrier de cuisine de rue pour le compte de la Ville, avait perdu ce contrat pendant les saisons 2015 et 2016. La modification lui a permis de remettre la main sur ce contrat d'une valeur d'environ 132 000$ sur deux ans.

Le contrat a été offert de gré à gré alors qu'il était auparavant octroyé par appel d'offres. La loi permet aux municipalités d'agir ainsi seulement s'ils font affaire avec certains types de partenaires, comme les OBNL et les universités.

Les propriétaires de camions de rue n'ont donc pratiquement pas le choix de faire affaire avec l'Association, peu importe leurs activités.

Certains restaurateurs de rue songeraient à se partir une nouvelle association pour contrer l'omniprésence de l'ARRQ. Les discussions ne seraient toutefois qu'embryonnaires à ce jour.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.