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«2017 Revue et corrigée», pas à la hauteur de 2017

«On ne peut s'empêcher de croire fermement qu'on aurait pu faire beaucoup mieux et aller bien plus loin...»
François Laplante Delagrave

Avec l'arrivée de décembre s'amorce le bal des revues de fin d'année. À Montréal, le Théâtre du Rideau Vert ouvre souvent la marche avec son traditionnel spectacle Revue et corrigée, lequel se déploie pour une 13 fois en 2017.

Pour son début d'adolescence, Revue et corrigée bénéficie d'un vent de renouveau à la mise en scène, avec René Simard qui prend les commandes du paquebot pour une toute première fois. On a également fait appel à de nouveaux auteurs pour observer les manchettes de 2017 d'un angle différent.

Le noyau de comédiens, lui, demeure essentiellement le même, avec des artistes qui connaissent tous la mécanique sur le bout de leurs doigts, soit Benoît Paquette (11 édition, était absent en 2015 et 2016), Marc St-Martin (12 édition), Suzanne Champagne (9 édition, était absente l'an dernier), Julie Ringuette (4 édition) et Martin Héroux (8 édition).

François Laplante Delagrave

Manque de consistance

2017 a été une année d'actualité touffue. On le répète partout depuis quelques semaines, les auteurs des différentes rétrospectives humoristiques ont beaucoup de matière à exploiter. De la matière extrêmement délicate, oui, mais abondante.

À lui seul, l'automne et sa vague déferlante de #MoiAussi et de personnalités haut placées tombées de leur trône, pourraient alimenter une large proportion de ce type de production. Évidemment, on n'aborde pas n'importe comment ce genre d'événement traumatisant, mais c'est possible de le faire intelligemment. Marc Labrèche, avec son Éric Salvail à la tête dans le bac de recyclage, à Info, Sexe et Mensonges, l'a démontré.

Malheureusement, la mouture 2017 de Revue et corrigée n'a pas la consistance espérée après des mois aussi chargés, tant factuellement qu'émotivement, et rate largement la cible au chapitre du mouvement de société qui secoue présentement plusieurs coins du globe.

Agressions sexuelles dévoilées au grand jour, êtres puissants montrés du doigt, élans de solidarité : le visage du monde tend à se transformer de plus en plus, 2017 a été charnière à cet égard, et le Rideau Vert, à l'heure du bilan, n'a pas su rendre justice à ces grands bouleversements. L'humour doit faire rire, bien sûr, mais il peut aussi faire réfléchir, et c'est plus ou moins le cas ici.

Pas de numéro complet à proprement parler sur l'empire Juste pour rire, présentement ébranlé par le scandale causé par les actes allégués de son fondateur, Gilbert Rozon. Pas de tir à Sylvain Archambault, à Gilles Parent ou à Michel Brûlé. Aucun réel coup de chapeau aux victimes qui ont eu le courage de dénoncer, au boulot colossal des journalistes qui ont rapporté ces réalités avec doigté, ou au fameux mot-clic #MoiAussi, qui a tout changé.

Pourtant, le conte qui avait permis de traiter avec sensibilité la bourde de Joël Legendre, il y a deux ans, était parfait. Pourquoi ne pas avoir trouvé un concept du genre pour jaser dignement des tempêtes qui ont récemment alimenté toutes les conversations? Même l'attentat contre Pauline Marois, en 2012, avait été effleuré. Et on sait que Revue et corrigée a fréquemment eu le chic pour dire au revoir aux grands disparus. Il aurait été possible de brasser un peu la cage et de témoigner de tout ce qui s'est passé, sans rajouter au malheur.

Au lieu de ça, les sujets brûlants de l'automne se retrouvent insérés à la va-vite en phrases rapides dans des chansons, en gags éclairs sur vidéo ou en boutades presque cachées, faciles à échapper, du genre «mettre sa main dans une culotte? C'est juste pour rire!».

Marc St-Martin pastiche avec brio un Éric Salvail qui en prend pour son rhume dans une parodie d'Occupation double mettant en vedette un Pierre Karl Péladeau amorphe, une Julie Snyder survoltée et une Lucie Laurier opportuniste. «J'haïrais pas ça, aller me la sortir dans la maison des gars», annonce le personnage. Bien envoyé, mais le roi déchu de V aurait mérité plus décapant.

François Laplante Delagrave

Grands oubliés

Parmi les autres oublis qu'on juge importants dans ce contexte de revue de fin d'année, pas de clin d'œil à l'arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois au sein des troupes de Québec Solidaire, pas d'allusion au succès monstre de District 31, qui nous a fourni «le» suspense de l'été, pas de références à Guy Nantel, ni à Gilbert Sicotte – ces dernières controverses ayant peut-être éclaté trop tard pour que les auteurs aient le temps de s'y attarder, mais quand même – et, mis à part quelques flèches d'un Régis Labeaume triomphant, on ne s'est pas particulièrement arrêtés au 375anniversaire de Montréal.

Il faudra par ailleurs être attentif pour ne pas louper la claque à Giovanni «Jean-Claude» Apollo, qui aurait franchement pu y goûter davantage. Et on aurait pu s'intéresser beaucoup plus longuement à l'élection de Valérie Plante, première mairesse de l'histoire de Montréal, et aux discours incompréhensibles de Mélanie Joly, même si celle-ci apparaît ça et là. En revanche, Safia Nolin y va de sa complainte... liée à une tourmente médiatique de 2016.

Pour le reste, plusieurs numéros ternes, des textes souvent faibles et des sketchs qui finissent par tourner en rond ne rachètent pas les notions cruciales qui ont été occultées. On pense à ces vignettes vidéo aussi récurrentes qu'insupportables de Beach Day Every Day, à cette décevante fausse traduction à propos de la Formule E, ou à l'intervention d'André Boisclair et Saskia Thuot auprès d'une Michèle Richard saoule.

On sent que la base y est. Que, sur papier, plusieurs idées de cette Revue et corrigée étaient emballantes. Mais, sur scène, l'étincelle ne brille pas toujours. Manque de chimie, manque d'audace, manque de bons punchs qui élèveraient l'ensemble deux ou trois coches plus haut. Comme ce flash de nous amener un René Angélil médusé devant les nouveaux comportements et habillements de sa Céline, amusant, mais les blagues tombaient à plat. Le Téléthon des sports, avec un Dave Morissette (fabuleux Benoît Paquette) trop enthousiaste, est bon au début, mais lassant à la fin. «TVA Sports, pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, c'est comme RDS qui aurait manqué d'air à la naissance», y glisse-t-on.

François Laplante Delagrave

Bons moments

On se rabattra sur quelques bons moments pour ne pas oublier totalement la cuvée 2017 de Revue et corrigée. Comme ce très comique segment où le premier ministre, Philippe Couillard, et le ministre des Transports, Laurent Lessard, jouent calmement au limbo et à Twister, pendant que de pauvres automobilistes coincés sur l'Autoroute 13, dans la tempête de neige du 14 mars dernier, attendent qu'on vienne les secourir. Même la finale de cette saynète, un hommage aux 20 ans du film Titanic, est rigolote.

Le ton de Revue et corrigée a toujours été plutôt gentil et bon enfant, et la clientèle qui fréquente l'institution qu'est le Rideau Vert n'est sans doute pas la même que celle qui se déride de Like-Moi. Tout est affaire d'opinion, de perception et, pourquoi pas, de génération. Lundi, soir de première médiatique, la salle était souvent hilare.

Quoiqu'à pouvoir compter sur le talent et l'expertise d'un René Simard à la mise en scène et d'une Denise Filiatrault à la direction artistique du Rideau Vert, on ne peut s'empêcher de croire fermement qu'on aurait pu faire beaucoup mieux et aller bien plus loin. Et de se dire que, puisqu'on revient sur la dernière année, pourquoi ne pas le faire complètement et minutieusement?

Le Théâtre du Rideau Vert présente 2017 Revue et corrigée jusqu'au 6 janvier 2018. Consultez le site web pour plus d'informations.

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