INTERNATIONAL - La "personnalité de l'année" du Time a rarement été autant discutée avant d'être désignée. Ce mercredi 6 décembre, le magazine américain dévoile sa couverture la plus attendue de l'année, emblématique d'une tradition qui perdure depuis 1927: une Une consacrée à la personne, au groupe ou à la cause qui a le plus influencé les douze derniers mois, "pour le meilleur ou pour le pire". Et, cette année, on peut s'attendre à tout.
Pour cette édition, le choix du Time pourrait en effet être dicté par Donald Trump lui-même, pour plusieurs raisons. D'abord parce que le président américain a assuré sur Twitter, fin novembre, qu'il avait refusé l'offre du magazine d'être choisi pour la deuxième année consécutive, vexé que le Time mette quelques nuances dans sa proposition. S'il dit vrai, la rédaction a-t-elle dû se rabattre sur un second choix?
Ensuite, parce que les autres personnalités qui ont marqué l'année ont cela de commun qu'elles représentent, chacune à leur manière, une forme d'opposition ou de conflit avec Donald Trump et rappellent inlassablement le bouleversement qu'a représenté l'élection du milliardaire à la tête des États-Unis pour l'ensemble de la planète.
Si plusieurs personnalités ont déjà été nommées deux fois "personnalité de l'année" du Time (Franklin Rossevelt, Ronald Reagan, Mikhail Gorbachev, Bill Clinton, George W. Bush, Barack Obama), une seule l'a été deux années d'affilée: Richard Nixon, en 1971 et 1972 (en binôme cette année-là avec Henry Kissinger). Si le Time renonce à faire du nouveau président américain la "personnalité de l'année" pour la seconde fois consécutive -alors qu'il figure dans la sélection du magazine-, le magazine aura l'embarras du choix parmi ses opposants ou adversaires déclarés.
- La femme du mouvement "#MeToo"
À Hollywood mais aussi dans le monde du sport, de l'armée, de la politique, les femmes du monde entier ont pris la parole dans le sillage de l'affaire Weinstein, pour dénoncer discrimination, harcèlement ou agressions sexuelles. Mais si les mouvements "#MeToo" et "#BalanceTonPorc" ont marqué les derniers mois de l'année 2017, la "Marche des femmes" contre Donald Trump et le mouvement des "pussy hats" avaient déjà engagé la contestation dès janvier.
Tout juste élu, le président américain s'était vu défier dans les rues de Washington par des centaines de milliers de femmes, craignant que leurs droits -et plus largement les droits civiques- ne soient mis en danger par la politique du magnat de l'immobilier, par ailleurs lui-même visé par des accusations de harcèlement sexuel pendant la campagne.
- Kim Jong-Un
Le leader de la Corée du Nord n'a pas fini de donner des sueurs froides aux Américains d'abord, mais aussi au reste du monde. Car si Donald Trump se plaît à le discréditer en le surnommant "le petit homme fusée" ("Little Rocket Man"), bien malin celui qui pourrait dire ce que Kim Jong-un a derrière la tête et comment il entend répondre aux provocations du président américain.
En 2017, Kim Jong-un a "ravivé la menace d'une guerre nucléaire dans l'esprit des Américains, testant régulièrement des missiles intercontinentaux et échangeant des menaces et des insultes avec le président Trump", écrit le Time. Le 29 novembre, la Corée du Nord a tiré un nouveau missile intercontinental et prévenu que "la totalité du continent américain" était à sa portée.
- Emmanuel Macron
Sommet de l'Otan, G7, G20... En quelques mois de présidence, Emmanuel Macron a eu plusieurs fois l'occasion de se présenter à ses homologues internationaux, et d'asseoir la position confortable que son élection lui avait de facto conférée en mai. Jeune, à l'écart des partis politiques traditionnels, l'arrivée du président français à l'Elysée a très tôt suscité l'intérêt des grandes puissances.
Si, sur le plan intérieur, ses premières mesures ont suscité de vifs débats et mis les syndicats dans la rue, Emmanuel Macron a, à l'international, incarné une forme d'espoir et de renouveau après les bouleversements qu'ont été le Brexit, l'élection de Donald Trump, la montée des populismes en Europe et le désaveu grandissant envers Angela Merkel en Allemagne.
Soufflant le chaud et le froid avec le président américain, en l'invitant à fêter le 14-Juillet en France tout en n'hésitant pas à souligner ses désaccords avec lui, Emmanuel Macron a été applaudi par l'opposition à Donald Trump aux Etats-Unis lorsqu'il s'est opposé frontalement au projet de retrait du pays des accords de Paris sur le climat, avec notamment son discours "Make our planet great again", référence directe au slogan de campagne du milliardaire.
- Xi Jinping
Chef du Parti communiste chinois (PCC), chef de l'Etat, chef des armées: depuis son élection fin 2012, Xi Jinping a accumulé les pouvoirs au sommet de la deuxième puissance économique mondiale et présidé à un renforcement de l'autorité du régime. A 64 ans, il a obtenu en octobre l'honneur suprême que son nom et sa "pensée" figurent dans la charte du PCC, une distinction que seul le fondateur du régime, Mao Tsé-toung, avait eue avant lui de son vivant.
Aux yeux de Washington, le géant asiatique représente un très sérieux rival, qui fait par ailleurs figure de frein dans l'entreprise de Donald Trump d'endiguer les ambitions nucléaires de la Corée du Nord. Principal soutien économique du régime de Kim Jong-Un, Xi Jinping reste réticent à des sanctions trop lourdes susceptibles de provoquer l'effondrement de son voisin, un afflux de réfugiés en Chine voire une intervention militaire américaine à sa frontière.
- Le migrant en Libye
L'indignation a gagné le monde entier en novembre. D'après l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 15.000 migrants croupissent dans des centres de rétention officieusement contrôlés par le gouvernement d'union nationale libyen (GNA). Des réseaux d'esclavage se sont organisés dans le pays, où des milices enlèvent les migrants dans les villes et les torturent avant de téléphoner aux familles sommées de payer des rançons.
Alors que le très controversé décret migratoire de Donald Trump peut entrer en vigueur dans sa totalité, à la faveur d'une décision en ce sens de la Cour suprême américaine, et que le discours du président prône toujours le renforcement des frontières, choisir de mettre en lumière le drame des milliers de migrants fuyant leur pays serait une manière, pour le Time, de défier ce président qui divise son pays et le monde entier.
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