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La vente légale de marijuana pourrait rapporter 100 M$ de recettes fiscales au gouvernement du Québec

La province pourrait aussi en tirer des leçons afin d'éviter certains écueils.
JASON REDMOND / Reuters

SEATTLE – Le gouvernement du Québec pourrait engranger jusqu'à 100 millions $ par année de taxes sur la vente légale de marijuana, si l'on se fie aux résultats obtenus à Seattle et dans l'État de Washington.

Situé au sud de la Colombie-Britannique, cet État de la côte Ouest américaine a légalisé la vente au détail de marijuana récréative il y a trois ans. L'élargissement du marché licite, en partie occupé par la marijuana thérapeutique, avait été décidé par référendum en 2012.

Selon les plus récentes données du département du Revenu de l'État de Washington, les boutiques de marijuana autorisées ont vu leur chiffre d'affaires passer de 9 à 80 millions de dollars par mois entre juillet 2014 et juillet 2017.

La prolifération des boutiques spécialisées – que ce soit dans la grande région de Seattle ou dans le reste de cet État de 8 millions d'habitants – a fait en sorte que les recettes fiscales étatiques et municipales totalisent maintenant 7,2 millions de dollars par mois. Il ne s'agit pas d'un écran de fumée des partisans de la légalisation, mais bien de chiffres officiels compilés par des fonctionnaires sur une base régulière. Il va sans dire que l'industrie du cannabis locale est devenue une véritable locomotive qui fait l'objet d'un suivi attentif dans la presse économique.

Sur une période de 12 mois, cela représenterait pour l'État une somme de 86 millions $US, soit environ 100 millions $CAN. Un montant qui exclut les taxes locales ou obtenues par l'État de la part des producteurs et des détaillants.

Aux côtés du Colorado, de l'Oregon et de l'Alaska, Washington demeure l'un des rares États de l'Ouest américain où la vente de marijuana est pleinement légalisée et où le trésor public peut bénéficier de telles retombées fiscales. Toutefois, selon un rapport de la U.S. Tax Foundation, l'expérience du Colorado et de Washington démontre que ces retombées sont loin d'être immédiates.

« Même si les revenus peuvent s'élever à des dizaines ou même des centaines de millions de dollars, ceux-ci prennent un certain temps à se concrétiser », écrivent les analystes Joseph Bishop-Henchman et Morgan Scarbaro. « Au Colorado et dans Washington, la hausse des revenus a été lente, puisque les consommateurs ont dû se familiariser avec le nouveau cadre réglementaire mis en place par les autorités étatiques et locales. »

Des écueils à éviter

Il est à noter que dans Washington, la vente de produits de marijuana – qu'il s'agisse de joints, de produits de vapotage ou de produits comestibles – est réglementée et contrôlée par le Washington state Liquor & Cannabis Board. Quoi qu'il en soit, les deux États mentionnés plus haut ont vécu d'importants problèmes que le Québec devra apprendre à solutionner.

Le référendum tenu dans l'État de Washington ne comportait qu'une simple question à laquelle il fallait répondre oui ou non, mais ne fournissait aucune directive pouvant orienter les fonctionnaires et les juristes en matière de santé publique, d'agriculture, de zonage relatif aux détaillants, d'application de la loi ou d'éventuelles sanctions criminelles.

« Ces enjeux importants n'ont été solutionnés que durant le processus de mise en œuvre », ajoutent les deux auteurs.

En tirant des leçons de l'expérience du Colorado et de Washington, le gouvernement du Québec pourrait éviter de nombreux écueils, dans la mesure où le Québec est très similaire à Washington en termes de culture et de population.

On y retrouve deux agglomérations d'environ 3 millions d'habitants (Montréal et Seattle), à la population cosmopolite et à la vie culturelle diversifiée, dotées de grands aéroports internationaux et situées le long d'axes maritimes importants. Leur population adulte est relativement jeune et s'adonne volontiers à la consommation de cannabis lors de spectacles, de festivals et d'autres événements.

Or, le Québec et Washington comportent aussi des capitales politiques de plus petite taille (Québec et Olympia), des collectivités rurales ainsi que des villes mono-industrielles dominées par une scierie ou une aluminerie, et dont les habitants consomment aussi du cannabis. Le Québec doit se préparer à faire face à des enjeux sociopolitiques similaires à ceux qui ont émergé à Seattle et dans les villes environnantes, affirment les experts.

Les nouvelles lois adoptées dans l'État de Washington obligent la population à consommer les produits de marijuana à l'intérieur de leur résidence ou dans leur cour arrière. Toutefois, de nombreuses tours d'habitation interdisent complètement la consommation de cannabis à cause de la forte odeur qui s'en dégage.

De plus, certains consommateurs croient que la légalisation leur donne le droit de fumer ou d'ingérer du cannabis n'importe où, y compris dans les parcs et les autres espaces publics. Mais ils ont tort, et ce problème d'interprétation provoque un conflit entre générations. Des électeurs de gauche qui ont voté pour la légalisation sont mécontents de recevoir de la fumée en pleine figure lorsqu'ils fréquentent des plages ou des parcs.

Cet automne, le directeur général d'une entreprise spécialisée dans la réparation et la rénovation d'avions de ligne a exprimé sa frustration par rapport à la confusion entourant le processus de légalisation. Ses employés hautement qualifiés sont tenus de passer un test de dépistage de drogues en vertu d'une loi fédérale s'appliquant à l'ensemble du secteur aéronautique. Mais lorsqu'ils reçoivent un résultat positif, ils demandent : « Quel est le problème? Le cannabis est légal ! »

« Nous devons leur répondre : oui, le cannabis est légal, mais pas pour vous », a admis le directeur lors d'un congrès de l'industrie.

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