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François Papineau et les nuances de la colère

Voilà déjà six saisons que François Papineau incarne Normand Despins
Jean-François Gratton

Voilà déjà six saisons que François Papineau incarne Normand Despins, reconnu pour son intransigeance et ses nombreux excès de colère dans Unité 9. Pendant que les téléspectateurs analysent la nouvelle dynamique qui l'oppose à Marie Lamontagne, les amateurs de théâtre pourront voir le comédien au TNM dans Vu du pont, une pièce où il interprète un autre personnage réputé pour sa dureté, Eddie Carbonne, un fils d'immigrant qui voit d'un mauvais œil les nouveaux arrivants et tout ce qui est extérieur à son clan.

Plusieurs nouveaux personnages font leur entrée dans Unité 9 cette année. Est-ce que c'est rafraichissant pour les acteurs ou déstabilisant, car vous perdez certains repères?

C'est la nature même de notre métier que d'accepter les changements. À la télé, nos contrats sont renouvelables une année à la fois. Au théâtre, on passe trois ou quatre mois ensemble, on crée une famille extrêmement intense et on participe tous à la même expédition, puis on passe à autre chose. Néanmoins, il y a toujours un étonnement quand tu apprends que tels collègues ne seront plus là. On pense à eux et on se demande si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle à leurs yeux. Mais pour nous, c'est aussi rafraichissant de changer de partenaires. On développe de nouvelles dynamiques avec de nouveaux personnages.

Après tout ce temps, pourquoi avez-vous encore envie de jouer Despins?

Chaque fois que je lis les scénarios d'une nouvelle saison, je découvre une nouvelle avenue. Le personnage ne reste jamais le même. Je dois considérer certains éléments qui lui appartiennent, tout en le faisant évoluer. Il y a toujours quelque chose d'excitant.

Comment arrivez-vous à moduler sa personnalité colérique?

Ce n'est pas toujours évident. Je travaille avec le réalisateur pour m'assurer de garder ça variable. Au-delà de la mécanique physique (costume, coupe de cheveux, répliques) qui donne l'impression au monde que je suis Despins, il y a toujours François qui se présente pour jouer. Il y a une part de moi qui est toujours malléable et j'essaie de jouer avec elle.

Après le succès de La mort d'un commis voyageur au Rideau Vert, c'est au tour du TNM de présenter une œuvre d'Arthur Miller. Qu'est-ce qui permet à son travail de rejoindre autant les gens?

À travers ses œuvres, la structure familiale est à l'origine de tout. Il prend des exemples précis de familles pour expliquer la société autour de nous. Dans Vu du pont, il illustre le protectionnisme, la crainte de l'extérieur et le désir de garder la famille dans une espèce de huis clos. Quand l'extérieur vient les chambouler, ça crée beaucoup dommages.

Miller explore de front le rapport de l'Amérique avec l'immigration.

Oui, mais notre spectacle ne parle pas seulement du rapport aux étrangers dans les années 50, mais celui d'aujourd'hui aussi. On suit le désir d'un père de famille de maintenir l'ordre établi dans sa maison. Il a l'impression que sa vision personnelle du monde est plus forte que tout et qu'elle doit être transmise. Quand il est confronté au désir d'émancipation de sa fille/nièce Catherine, il trouve ça bouleversant. Il essaie de maintenir tout le monde sous son emprise, comme un patron de secte ou un père absolu.

Est-ce que sa fermeture avait débuté avant que les cousins de sa femme Béatrice, de nouveaux arrivants, influencent Catherine?

C'était déjà présent. C'est un trouble de comportement de vouloir maintenir les choses dans le statu quo. Il essaie de créer un monde extérieur qu'on doit craindre. Il parle de tout le monde comme d'un prédateur potentiel. On peut reconnaitre plusieurs gouvernements, dans cette façon de percevoir l'extérieur avec terreur, alors que le loup est à l'intérieur de la maison...

Voit-il réellement du mauvais chez les cousins de Béatrice?

Il a identifié plein d'éléments justifiables, mais peu raisonnables, pour agir ainsi avec eux. Il reconnait quelque chose chez l'un d'eux, Rodolpho, qui se cache en lui. Il est très troublé par cet homme.

Maude Guérin, avec qui vous aviez joué dans Vice Caché à la télévision et Motel Hélène au théâtre, joue Béatrice. Quelle est la dynamique entre Eddie et?

Sa femme décide de rester à la maison, malgré une forte envie de sortir de là. À la fin, Béatrice dit d'ailleurs qu'on est tous responsables de ce qui se passe. Comme en société. On a tous notre confort personnel et notre façon d'accepter les comportements des autres sans les dénoncer, ce qui fait en sorte qu'on vit dans un monde qu'on a aidé à créer. Donc, lorsqu'il y a inconfort et qu'on veut s'en sortir, ça peut être très difficile, car on a aidé à tisser la toile. Tout le monde est complice.

Quelle direction la metteure en scène Lorraine Pintal a donnée à la scénographie?

Elle a fait un choix très audacieux et formidable, qui est vertigineux pour nous, en campant la pièce dans un espace plus tragique. Les décors ne sont pas réalistes. On joue sur scène avec de grands murs. En répétitions, on a réalisé que ça nous aidait à ne pas se perdre dans le quotidien. La scène est dépouillée d'artifices. C'est un contexte relativement idéal pour jouer. Ça permet à la symbolique d'être plus apparente, parce que l'esprit n'est pas toujours dérangé par une espèce de concret.

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