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Père d'une des victimes du 13 novembre, il décrit un deuxième anniversaire «plus dur à supporter que le premier»

«Ce jour nous replonge dans les souvenirs, dans le deuil.»

Il y a deux ans jour pour jour, 130 personnes perdaient la vie et 413 autres étaient blessées à Paris et au Stade de France. Ce lundi 13 novembre, la France se souvient et rend hommage aux victimes. Plusieurs cérémonies avaient lieu dans la matinée en présence - entre autres - du président Macron et de la maire de Paris Anne Hidalgo.

Pour Georges Salines, père de Lola, tombée sous les balles lors du concert des Eagles of Death Metal au Bataclan, ancien président de l'association "13 novembre: fraternité et vérité" (aujourd'hui président d'honneur), ce deuxième anniversaire est psychologiquement plus dur à supporter que le premier en 2016. Il l'a dit sur Twitter peu avant le début des cérémonies d'hommage.

Depuis, je n'ai rien oublié, et surtout pas Lola, mais le cours de la vie a repris avec une apparence plus normale, des moments heureux, des préoccupations ordinaires. Et par ce fait même, ce deuxième anniversaire est étrangement plus dur à supporter que le premier. #thread

— Georges Salines (@GeorgesSalines) 13 novembre 2017

Contacté par Le HuffPost, ce médecin de santé publique indique que cette journée, deux ans après la mort de sa fille, est encore très différente de celle de 2016.

"Ce jour pèse particulièrement. L'an dernier, cela ne faisait qu'un an, les jours passaient et se ressemblaient tous. Mais aujourd'hui, peut-être parce que l'on va un peu mieux, cet anniversaire à une autre signification. Il nous replonge dans les souvenirs, dans le deuil", explique-t-il.

Un sentiment partagé par d'autres proches de victimes, précise-t-il après avoir discuté avec certains d'entre eux.

"Mais, poursuit Georges Salines, les commémorations d'aujourd'hui sont une bonne chose. Nous sommes avec nos amis, on se serre les coudes, on se soutient. Et il y a la solidarité, qui va des officiels aux personnes anonymes. Ça apporte quelque chose".

Ce sentiment de tristesse exacerbé, deux ans après les faits, plus douloureuse encore qu'au premier anniversaire, est classique, indique Muriel Salmona au HuffPost, psychiatre et présidente de l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie. Selon la spécialiste, si les victimes et leurs proches se sentent davantage atteints des années après le drame, c'est parce qu'elles commencent à subir une "explosion de mémoire traumatique".

Des sentiments comme gelés pour faire face à la vie de tous les jours

"Pendant le temps qui suit un événement traumatisant, les victimes sont comme anesthésiées, dans un état d'hébétude. Elle vivent une dissociation des sentiments afin de survivre dans l'immédiat. La souffrance est tellement forte que leurs sentiments sont comme gelés pour permettre à la personne de faire face à la vie de tous les jours. Mais au bout d'un certain temps, la mémoire commence à revenir, beaucoup plus forte, beaucoup plus exacerbée. C'est une bombe traumatique à retardement", explique la psychiatre.

Et c'est d'ailleurs un phénomène assez dangereux auquel il faut faire attention, met-elle en garde. "Une personne peut faire preuve d'une étonnante résilience, on se dit alors qu'elle encaisse bien le coup. Mais c'est trompeur. L'explosion de la mémoire traumatique donne accès aux émotions jusque-là refoulées et le jour où cela arrive, la personne peut-être complètement anéantie".

"Mais il est toujours préférable que cela arrive, précise-t-elle, car c'est à partir du moment où l'on a accès à ses émotions que l'on peut les analyser et travailler sur soi-même pour guérir". Enfin, si l'on veut éviter que le retour de bâton ne soit trop violent, "il faut avant tout se protéger dès le début, et être bien conseillé, bien entouré. C'est comme une blessure, plus vite elle est soignée, plus vite elle sera guérie".

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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