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«Déplaire» de Laurent Paquin : à crouler de rire

Paquin ne se risque pas à s’aventurer sur les terrains minés qui ont piégé certains de ses collègues récemment.
Paméla Lajeunesse

Quand on s'appelle Laurent Paquin, qu'on a allié toute sa carrière élégance et intelligence et qu'on rode son nouveau one man show depuis presqu'un an, c'est probablement l'une des pires malchances qui puisse nous arriver que la première montréalaise dudit one man show tombe dans une période médiatique de (très) haute turbulence.

Quel sombre contexte, en effet, pour Paquin, qui présentait pour la première fois Déplaire, son quatrième spectacle, à ses collègues et amis au Monument-National, mercredi soir. La veille, Guy Nantel effectuait sa propre rentrée dans une Place des Arts surveillée par les policiers. Le matin même, un article de La Presse+ décriait des allégations de comportements inacceptables reprochés au réalisateur Sylvain Archambault, lesquelles ont tourmenté les réseaux sociaux toute la journée. Dans la foulée, la présidente de l'Union des artistes, Sophie Prégent, a eu droit à sa part du gâteau pour des propos maladroits tenus sur les ondes du 98,5.

Comble de l'ironie, jamais impliqué dans la moindre controverse, poli et gentil – comme il se décrit d'ailleurs lui-même dans Déplaire -, Laurent Paquin fait partie de l'écurie d'artistes de... Juste pour rire. Or, comme nous l'a confié son gérant, Guy Lévesque, quelques minutes avant la lever du rideau, Paquin espérait seulement s'éclater, profiter de son moment et ne pas se faire de bile avec le climat malsain qui prévaut actuellement dans son milieu de travail. Aucune représentation de Déplaire ne sera d'ailleurs affectée par la tempête qui secoue présentement Juste pour rire.

«Déplaire», de Laurent Paquin

Rayon de soleil

Bref, Laurent Paquin semblait d'emblée bien mal barré. Par contre, il existe un réjouissant revers à cette médaille : dans pareille ambiance de morosité, l'humoriste allait peut-être faire office de rayon de soleil dans ce ciel nuageux, agir comme un baume sur nos douleurs collectives. Peut-être allait-il nous faire oublier nos tensions sociales le temps d'une soirée.

Et c'est exactement le sentiment qu'on a éprouvé en assistant à sa prestation. Pendant une heure trente, le jovial bonhomme nous a gratifiés de ses impayables observations, à la fois judicieuses et extrêmement amusantes. Qui ne refont pas le monde, mais s'avèrent sacrément bien tournées, comme seul Laurent Paquin sait le faire, dans son propre style, à la fois percutant et bon enfant. Déplaire porte bien son titre de par les thèmes qui y sont abordés, mais Paquin séduira plus qu'il ne dérangera avec cette création à la mise en scène dépouillée, faite de panneaux lumineux derrière lui, qui laisse toute la place à ses textes délicieux et travaillés. Il n'y a aucun temps mort, aucun segment faible, et les gags sont essentiellement tous réussis, dans Déplaire. Même la première partie, assurée par Mélanie Ghanimé, est inégale, mais pas mal du tout.

Paquin nous tend ainsi une proposition brillante, joyeuse et très souvent hilarante. Est-ce son meilleur one man show, après Première impression(2001), Tout est relatif (2006) et L'ereure est humaine (2013)? Difficile à dire : le principal intéressé se réinvente constamment d'un effort à l'autre et creuse toujours au bon endroit pour aller chercher le meilleur de lui-même. Il déçoit rarement : chaque été, les galas Juste pour rire qu'il animait figuraient parmi les meilleurs de la programmation. Au Bye Bye comme dans Demain matin Montréal m'attend, il sait comment briller. Bref, le bougre est drôlement plaisant à voir aller, et on a ri de bon cœur avec lui mercredi. Et c'a fait du bien.

René Simard

Le point de départ de Déplaire, ce sont toutes ces petites choses susceptibles d'agacer au quotidien, que ce soit la cigarette ou la trop grande gentillesse, ou encore ces phrases qu'on prononce pour ne pas déplaire (comme «Oui, je le veux»).

Puis, Paquin extrapole et finit par emprunter toutes sortes de chemins : sa propre amabilité, la perception des autres (comme cette fois où on lui a dit qu'il avait été bête «pas à peu près»), les casse-croûtes de région («Chez Janine», par exemple), les «problèmes de privilégiés», la «business de la mort», les enfants qui ne savent pas à quel point leurs parents les aiment «parce qu'ils sont trop occupés à scraper nos vies». Les expressions «chier à terre», «génial» et «siéger», et le tofu «qui goûte la musique d'ascenseur», aussi.

Il démarre en trombe en s'amenant au micro et en dégainant une blague grivoise impliquant le pénis de son meilleur ami avant même de dire bonjour au public. L'effet de surprise frappe dans le mille et les rires fusent. «Si tu as ri à cette joke-là, tu n'es pas supposé chialer du reste de la soirée», a-t-il averti, avant de nous prévenir qu'il «prend pour acquis que tout le monde est intelligent» dans la salle. Sauf, peut-être, reconnaîtra-t-il, les «Steve» qu'on perd parfois en cours de route, que ce soit en excursion ou... dans un spectacle d'humour.

Paquin ne se risque pas à s'aventurer sur les terrains minés qui ont piégé certains de ses collègues récemment mais, à une boutade sur Peter MacLeod, il conclura : «Je trouvais qu'il n'y avait pas assez de marde en ce moment!» Bien envoyé.

Au sujet de la gentillesse, il martèle que cette vertu porte un nom : René Simard. «Si t'aimes pas René Simard, t'es une mauvaise personne (...) À la limite, je comprendrais plus quelqu'un qui haïrait les bébés chats». Parce que, c'est bien connu, René Simard est hypo-allergène, clame-t-il. «À côté de René Simard, même Gino Chouinard a l'air de quelqu'un qui pousse les vieilles madames devant les autobus». Dans l'imagination de Laurent Paquin, un duo formé de Simard et Chouinard provoque des arcs-en-ciel. «Et si tu ajoutes Francis Reddy, il y a des licornes qui courent sur l'arc en ciel en chiant des Lucky Charms

Il raconte qu'il essaie présentement de perdre du poids, mais il a hélas découvert qu'il est «boulimique amnésique» : il oublie de se faire vomir. Il essaie de couper les «trois P», a-t-il avoué : pain, putes, patates. «C'est rendu cher, le pain».

L'imitation qu'il offre de sa fille de deux ans est tordante. Il l'est tout autant lorsqu'il détaille ses limites dans son rôle de père. Ou quand il chiale sur le discours trop insistant des végétariens et des végétaliens.

«L'humain est le seul animal qui mange les ailes d'un autre animal quand le Canadien compte des buts (...) Cette année, le Canadien s'est donné la mission de sauver les poulets...!»

Laurent Paquin présente Déplaire en tournée et repassera en supplémentaires à Montréal, au Théâtre St-Denis, les 13 et 14 avril prochains. Voir les détails sur son site web. Du 19 au 21 décembre, il lira aussi un conte de Noël avec l'Orchestre symphonique de Montréal.

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