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«Le siège», un suspense à la «Breaking Bad»

Ce soir à 21h !
Courtoisie

Breaking Bad, 24, Bloodline, House of Cards : l'auteur Pierre-Marc Drouin n'est pas à court de comparaisons pour décrire sa série Le siège, qui atterrit à Radio-Canada ce soir, lundi 6 novembre, à 21h, dans la case horaire qui appartenait à Olivier depuis le début de l'automne.

La fiction haute tension, tournée au Nouveau-Brunswick, bénéficie d'une stratégie de diffusion multiplateforme toute radio-canadienne, susceptible de mélanger même les plus assidus. Pour les plus confus, voilà donc un résumé : les six heures du Siège ont déjà été diffusées sur ARTV, à coups de trois épisodes de deux heures, entre le 21 octobre et le 4 novembre. Ne soyez pas surpris si vous éprouvez un air de déjà-vu en syntonisant Radio-Canada après Faits divers, ce soir.

À Radio-Canada, la présentation s'étalera sur six semaines. Si le premier épisode vous a titillés et que vous êtes impatients de connaître la suite, rendez-vous sur Tou.tv Extra dès 22h pour découvrir en primeur l'épisode suivant. Il en sera ainsi toutes les semaines. Puis, lorsque Le siège aura terminé son tour de piste à la télévision, le 11 décembre, on pourra se la farcir en rafale sur le volet gratuit de Tou.tv.

Très appuyé

Bref, vous n'avez donc aucune raison de rater ce suspense effréné où s'affrontent deux clans dans la foulée d'une fermeture d'usine de thermoformage, la Smiths-Thompson, dans le village fictif de Cole Creek, au Nouveau-Brunswick. Le tournage du Siège a en fait eu lieu à Moncton, du 20 avril au 20 juin dernier.

D'un côté, Mario Cormier (Gilles Renaud), le chef syndical - en apparence – sans reproches, souhaite mener ses troupes dans le pacifisme et exprimer son désaccord avec le déménagement prévu de l'entreprise à Saskatoon le mois suivant, dans une calme manifestation. Acoquiné avec le chef de la police, Gilles Gagnon (Jean-Nicolas Verreault), Cormier, qui se prépare par ailleurs une retraite dorée à Gaspé avec son épouse, Gisèle (Marie-Ginette Guay), semble à prime abord avoir la situation bien en main et dirige son syndicat avec une aimable fermeté.

De l'autre, Alexis Godin (Alexandre Goyette), la voix du «travailleur ordinaire», une grande gueule «poquée par la vie», bien déterminée à ne pas voir sa petite ville mono-industrielle périr sous la disparition de la compagnie, décidée par des gens d'affaires qui ne viennent même pas de la municipalité, emprunte le chemin le moins doux et, aidé de quelques comparses, orchestre une prise d'otages à l'intérieur des murs de l'usine. La bande fera déraper la manifestation supposée être tranquille.

Le huit-clos fera rejaillir de graves secrets de famille bien enfouis, qui unissent sombrement les clans Cormier et Godin. «T'es pas comme ton père, tu vaux mieux que ça, je le sais», soufflera d'ailleurs Cormier à Godin en guise d'avertissement, mais aussi d'indice pour le téléspectateur, lorsque Godin annoncera ses couleurs.

«Se faire justice soi-même, ça ne finit pas toujours bien», préviendra aussi Mario Cormier au début des hostilités. Un bon ou un mauvais présage que ces paroles sages?

On découvrira plusieurs autres personnages affectés par le litige dans cette saga dont l'histoire se déroule sur une période de 24 à 36 heures : Chantale Trempe (Denise Bouchard), une négociatrice qui revient d'un congé de maladie et qu'on sent très tourmentée, même si expérimentée, Josée Gauvin (Lou Poirier), éducatrice à la garderie de l'usine dont le branle-bas de combat remettra en question sa vie amoureuse, Julien Spick (Sacha Charles), un jeune journaliste qui profite des circonstances pour monter en grade à son boulot, Fred (Christian Essiambre), un jeune père qui se bat pour la garde de sa fille, que sa perte d'emploi risque de lui faire perdre, etc.

Sorel-Tracy et printemps érable

Vous jugez peu sexy le contexte de la fermeture d'usine, pour une intrigue de cette nature? C'est là que Pierre-Marc Drouin rapplique avec ses références à Breaking Bad et House of Cards. Grand admirateur de Serge Boucher (Aveux, Apparences, Feux, Olivier), le créateur ose même un rapprochement avec les offrandes de son idole.

En fait, alors qu'on pourrait craindre un résultat monotone ou centré sur les chiffres, c'est tout à fait l'inverse qui se produit quand on visionne les premières minutes du Siège : l'aspect dramatique y est tellement appuyé, souligné à grands traits – c'est une prise d'otages, sachez-le, tremblez! – qu'on a parfois une impression de trop-plein. Comme si la production ne faisait pas confiance à l'intérêt de base de l'histoire ou à la curiosité du téléspectateur.

Or, la réalisation de Jim Donovan (à qui on doit aussi Le clan), est haletante, et Le siège réussit bien l'objectif que s'était fixé Pierre-Marc Drouin, celui de ramener un conflit social à un niveau individuel. Rapidement, on a envie de savoir comment se dénouera le drame, et surtout, qui a quoi à cacher, des deux côtés, dans toute cette affaire.

La plume de l'homme signe ici son premier projet télévisé en solo, après deux romans, Si la tendance se maintient et Mile End Stories, des courts-métrages, des web-séries, des pièces de théâtre et une collaboration à Max et Livia, à VRAK.

«L'idée du Siège est venue en deux temps, expose Pierre-Marc Drouin en entrevue. J'ai grandi à Sorel-Tracy et, quand j'étais adolescent – et je pense que c'est encore un peu le cas aujourd'hui – c'était une ville mono-industrielle, dont l'économie locale dépendait essentiellement d'une usine qui s'appelait QIT Fer et Titane.»

«Ils ont eu des problèmes de convention collective, à un certain moment donné, et on évoquait, dans les médias, la possibilité que ça ne se règle pas et qu'on ferme l'usine. Je me souviens que, quand mon père me parlait de ça, il me disait que si l'usine fermait, la ville mourrait à coup sûr. Et moi, je devais quand même continuer d'aller à l'école, en vivant avec cette idée-là, que la ville allait disparaître, que mes voisins ne seraient peut-être plus mes voisins, que mes amis ne seraient peut-être plus mes amis, que ma maison ne serait peut-être plus ma maison... C'est quelque chose d'assez terrifiant. Ça s'est réglé quand même assez rapidement, mais je me souviens que, dans les médias, on parlait toujours de cette affaire en termes de chiffres : tant d'emplois allaient être perdus, ça coûterait tant de millions, l'usine produisait tant de tonnes de fer et de titane... Ça m'avait frappé, cette espèce de disparité entre ce que, moi, je vivais, personnellement, et la présentation qu'on faisait de ce conflit, médiatiquement», continue Pierre-Marc Drouin.

Le printemps érable de 2012 a aussi été source d'inspiration pour celui qui a marché avec ferveur, pendant la grève étudiante, dans le clan des «carrés rouges». Lui qui a vu une amie française devoir quitter un événement de protestation, de peur d'être arrêtée et expulsée du pays, a pris à nouveau conscience, non seulement des conséquences individuelles que peuvent avoir les conflits économiques, mais aussi de la transmission parfois biaisée de l'information et de tout ce qui en découle.

«J'allais dans les manifestations nocturnes, où je marchais paisiblement, pendant des heures, entouré de jeunes mères qui poussaient leurs enfants dans des poussettes en chantant des comptines. Après, je rentrais le soir, et je voyais à la télé des poubelles en feu, des images de violence. C'était l'apocalypse ! Je ne comprenais pas comment ça se faisait qu'on pût montrer ça, alors que moi je vivais complètement autre chose...»

«Tout ça m'a frappé. De voir à quel point le social et le collectif peuvent affecter les individus. C'est une réalité dont on ne parle pas souvent, je trouve», complète Pierre-Marc Drouin, avant d'enchaîner avec une image forte.

«Quand on regarde une manifestation et qu'on voit Gabriel Nadeau-Dubois, Martine Desjardins ou Léo Bureau-Blouin mener leurs troupes, quelque part, il y a peut-être un jeune homme en manque d'attention qui a besoin de devenir un grand leader de foule pour combler son manque affectif, il y a peut-être une fille qui voulait suivre un gars sur lequel elle trippait, et qui, finalement, était tellement bonne dans ce qu'elle faisait qu'elle s'est laissée emporter. C'est l'angle que j'utilise dans la série.»

Très fier de ce Siège sur lequel il a travaillé au moins cinq ans, et qui ne connaitra pas de continuité après les six épisodes, Pierre-Marc Drouin salue le travail accompli par le réalisateur Jim Donovan et insiste sur la trame sonore originale concoctée expressément pour le récit.

«C'est un peu punk comme traitement, il y a des choix musicaux audacieux, c'est très cru comme réalisation. Jim est allé jouer dans la bouette ! Il n'est pas arrivé avec une petite affaire cute et léchée. Il a fait des choix assez courageux, je trouve. Je suis conscient d'avoir écrit quelque chose qui coûte très cher pour les budgets du Québec, et Jim a fait des miracles. Jim Donovan est un magicien des budgets, il prend une piastre et la change en dix piastres!», vante en terminant Pierre-Marc Drouin.

Le siège, le lundi, à 21h, à Radio-Canada. Dès aujourd'hui, le 6 novembre.

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Le siège

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