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La police de Québec accusée d'avoir voulu camoufler des erreurs de la SQ

Thao Neth déposera des documents écrits, des photos et des vidéos qu'il affirme être «incriminants».
Courtoisie

EXCLUSIF - Le Service de police de la Ville de Québec devra répondre à une kyrielle de chefs d'accusation de tentative de meurtre, fabrication de fausses preuves et falsification d'un rapport d'enquête. La requête sera déposée vendredi matin au palais de justice de Shawinigan, en Mauricie.

Le poursuivant est Thao Neth, un Vietnamien atteint par un projectile tiré par le Groupe tactique d'intervention de la Sûreté du Québec en septembre 2013 qui était en mission sur son terrain de Saint-Mathieu-du-Parc à la recherche d'hommes armés et de plantations de marijuana.

L'homme de 62 ans dit détenir de solides preuves qui démontrent que «la police de Québec a bâclé l'enquête pour camoufler les erreurs monstrueuses de ses petits amis de la SQ», a confié M. Neth au HuffPost Québec.

Pas moins de 15 agents de la paix de la police de Québec et du Groupe tactique d'intervention sont ciblés par cette poursuite au criminelle.

«Chaque policier sera accusé de plusieurs chefs d'accusation pour avoir commis des gestes illégaux. Si je vais de l'avant avec cette poursuite, c'est que je suis confiant du résultat final car je sais très bien que ça pourrait se retourner contre moi si je fais perdre du temps au Tribunal», de dire le requérant en ajoutant qu'il est bien conscient de la portée de ses accusations.

Thao Neth déposera des documents écrits, des photos et des vidéos «incriminants pour la police de Québec».

Il soutient avoir suffisament de preuves pour démontrer que «le rapport d'enquête de la police de Québec a été rédigé avec l'intention d'entraver l'administration de la justice, de faciliter la perpétration d'une infraction et d'empêcher la découverte et le châtiment de personnes ayant commis une ou des infractions», peut-on lire dans la requête obtenue par le HuffPost Québec avant son dépôt officiel au palais de justice de Shawinigan.

Dans ce document de huit pages, il est inscrit qu'un agent de la paix a «donné une fausse déclaration pour rendre une personne suspecte d'une infraction qu'elle n'a pas commise».

Celui qui dit être victime «d'une bavure policière provoquée par des agents incompétents» mentionne que les policiers auraient modifié une scène de crime.

«La police est parvenue à effacer toutes les preuves sur deux caméras de surveillance qui étaient installées sur le terrain, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'il y en avait une 3e qui elle montre les faits et gestes des policiers», assure Mario Roy, un enquêteur privé embauché par Thao Neth.

«Pour le policier qui m'a déchargé sa mitraillette de dix balles et m'a atteint à l'épaule gauche, je l'accuse de tentative de meurtre, rien de moins», lance M. Neth qui dit craindre pour sa sécurité et celle de ses trois enfants.

«'C'est malheureux, mais j'ai perdu confiance en la police. J'ai peur de retourner sur mes terres tant que cette affaire ne sera pas réglée», ajoute cet ancien commando de la guerre du Vietnam.

«Ce sont des images que tu gardes gravées dans ta mémoire à vie. Ma mission consistait à récupérer les corps des pilotes pour le compte des Américains. Jamais je n'aurais pensé qu'un jour, j'allais me faire tirer dessus chez-nous au Québec par un commando incompétent».

Il reproche aussi aux policiers d'avoir été insouciants et téméraires. «J'ai entendu crier "police" qu'au sixième ou septième coups de feu tiré par mon Rambo de la police», assure-t-il.

Il dénonce également son arrestation qu'il juge brutale. «J'ai crié à mon tour que j'étais blessé et paralysé. Je voulais que la fusillade cesse. Un policier portant des vêtements de camoufflage et le visage peinturé m'a immobilisé en pressant ses genoux si forts qu'il m'a cassé trois côtes», déplore celui qui se souvient avoir été menotté dans le dos et embarqué dans un hélicoptère en direction de l'hôpital de Trois-Rivières, où il n'a jamais été mis en état d'arrestation.

Il a notamment dû subir des greffes des nerfs et des os. Promoteur foncier depuis 15 ans, aujourd'hui la mobilité de son épaule serait réduite de 75% et il devrait composer avec des douleurs constantes estimant que plus de 100 fragments de plomb indélogeables se trouvent toujours dans son bras gauche. Toujours selon sa version, il souligne souffrir aussi d'insomnie et de cauchemars, ce qui l'oblige à ralentir ses activités professionnelles.

Pas d'accusation

En raison de l'implication de la SQ dans cette fusillade, l'enquête a été menée par la police de Québec, comme c'est le cas en pareille situation.

La police de Québec a donc enquêté sur la conduite des policiers de l'escouade qui étaient cachés sur le terrain privée de M. Neth. Ces policiers du Groupe tactique disaient avoir dû traverser le terrain de M. Neth pour tenter de piéger des trafiquants de drogues puisque du cannabis avait été saisi dans le secteur quelques jours avant cette opération policière qui a mal tourné. Un procureur de la Couronne avait par la suite conclu qu'il n'y avait pas matière à porter des accusations contre le Groupe tactique d'intervention de la SQ.

Notons que rien d'illégal n'a été retrouvé par les policiers sur les terres de M. Neth, qui attend toujours les conclusions d'une poursuite au civil de 2,4M$ contre la SQ.

Le juge n'a pas cru Thao Neth

Lors du procès, le policier qui a fait feu sur M. Neth a raconté qu'il a entendu un premier coup de feu alors qu'il était couché au sol et s'est senti menacé voyant que M. Neth continuait à scruter le bois dans sa direction, il s'est levé pour tirer une dizaine de balles pour le neutraliser.

Thao Neth a juré ne jamais avoir vu les policiers embusqués sur ses terres. «J'ai aperçu une tache noire qui entrait dans le bois rapidement. Convaincu qu'il s'agissait d'un orignal, je me suis emparé de mon fusil de calibre .12, mais en cherchant les pistes de l'orignal, j'ai vu une perdrix que j'ai tirée», s'est alors défendu l'accusé.

Le juge Guy Lambert n'a pas cru cette version, la qualifiant d'invraisemblable. Le magistrat a mentionné que les explications de Thao Neth n'étaient pas crédibles et l'a déclaré coupable de deux des trois chefs d'accusation qui pesaient contre lui, soient d'avoir eu en sa possession des armes dans un dessein dangereux et d'avoir utilisé une arme à feu de façon négligente. Quant au chef d'avoir déchargé intentionnellement son arme sans se soucier de la vie d'autrui, il en a été acquitté, étant parvenu à créer un doute raisonnable.

Il purge une sentence suspendue avec l'obligation de réaliser 240 heures de travaux communautaires, en plus d'être privé d'armes à feu pour 10 ans, lui qui des dires mêmes du juge «est un excellent chasseur».

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