LITTÉRATURE - Il y a six ans, John Green publiait son cinquième roman "Nos étoiles contraires", une histoire qui avait touché nombre d'adolescents à l'époque de la sortie du livre et, en 2014, lors de la sortie de son adaptation cinématographique.
Succès en librairies et dans les salles, l'histoire d'Hazel et Augustus, deux jeunes adultes atteints de cancer, a fait exploser la notoriété de John Green.
Le 10 octobre dernier, l'auteur a sorti mondialement "Tortues à l'infini" son premier roman depuis son best-seller et a choisi Le HuffPost pour s'exprimer en France à propos de cette nouvelle œuvre très personnelle.
Comme pour "Nos étoiles contraires", John Green a fait évoluer ses personnages de "Tortues à l'infini" à Idianapolis aux États-Unis, la ville dont il est originaire. On suit les pensées d'Aza, une jeune adolescente de 16 ans atteinte de troubles psychiques. Rongée par la petite voix qui la rend germaphobe, Aza souffre d'un mal être profond. Heureusement, elle est entourée de sa mère, de sa meilleure amie pétillante Daisy et de Davis, un fils de milliardaire dont le père vient de disparaître.
Souffrant lui-même de maladie mentale, John Green livre avec "Tortues à l'infini" un beau message personnel. Entretien.
Le HuffPost: D'où vous vient ce titre énigmatique ?
John Green: C'est une vieille histoire. Il y a plus de cent ans un scientifique a donné une conférence sur l'origine de la terre, expliquant qu'elle s'est formée il y a des milliards d'années avec des nuages de poussière cosmique. Elle a d'abord était très chaude puis très froide et c'est à ce moment-là que les océans sont apparus. Il raconte l'histoire de la création de la terre jusqu'à l'homme et ses évolutions technologiques. À la fin de son explication une femme lève la main et dit; 'C'est gentil tout ça monsieur mais la vérité c'est que la Terre est une surface plane posée sur le dos d'une tortue géante'. Le scientifique répond: 'Et sur quoi repose cette tortue?' Ce à quoi la vieille dame rétorque: 'Elle se tient sur la carapace d'une autre tortue géante". "Dans ce cas sur quoi repose cette tortue-là", interroge le scientifique agacé. 'Mais monsieur vous ne comprenez pas ce sont des tortues à l'infini', annonce la dame âgée.
Au départ j'ai pensé que cette histoire montrait à quel point la superstition peut être idiote et à quel point la science est fondée et la superstition ne l'est pas. Et maintenant je pense que cette histoire parle d'autre chose: le scientifique et la vieille dame ont tout aussi raison l'un que l'autre. Certes le monde est vieux de millions d'années, mais la façon dont nous pensons le monde ou le percevons est également réelle, mais personnelle. Cette nuance est importante pour Aza car elle a besoin de se sentir éveillée, de savoir que l'histoire qu'elle se raconte à elle-même est forte et réelle sans quoi elle n'existerait pas.
Pourquoi vous intéressez-vous tant à des thématiques comme l'adolescence, la maladie, la perte d'un proche...
Je suis intéressé par les gros problèmes, les grands questionnements, auxquels les hommes sont confrontés. Quand tu es adolescent tu fais face à ces problèmes pour la première fois et tu vois les expériences des autres pour la première fois, et l'intensité de cette expérience initiatique est extrêmement forte. Je pense que c'est pour ça que j'aime écrire à ce sujet.
L'histoire d'Aza en fait, c'est un peu votre histoire...
J'ai écrit à propos de ma propre expérience. Celle de la maladie mentale. Vivre avec et comment est-ce-que, parfois, ça a interrompu ou volé ma vie. C'est mon livre le plus personnel.
Mais la maladie mentale d'Aza est différente de la mienne sur de nombreux points. Ses problèmes sont différents des miens mais la façon dont ses pensées attaquent et envahissent son cerveau est inspirée de ma propre expérience.
Écrire vous a un peu soigné ?
Ça ne m'a pas soigné. Ça m'a permis d'en parler, de trouver des mots à mettre dessus. J'ai mis une distance entre Aza et moi.
Quand je pensais à ce qui arrivait à Aza j'avais beaucoup de compassion pour elle alors qu'il m'était difficile d'éprouver la même compassion envers moi-même. C'est un cadeau que le livre m'a offert.
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