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Sandra Chevrier, le trait d’union entre les beaux-arts et les bandes dessinées

L’exposition Les cages; l’espace entre les barreaux est présentée à la Galerie C.O.A..
Courtoisie

La peintre québécoise Sandra Chevrier interpelle hommes, femmes et enfants aux quatre coins de la planète avec ses créations illustrant des visages dont les traits sont formés ou obstrués par les superhéros les plus célèbres. Après avoir participé à de nombreuses expositions collectives et en solo sur tous les continents, voilà qu'elle revient à Montréal pour présenter l'exposition Les cages; l'espace entre les barreaux.

Quel est le concept de tes toiles?

C'est une façon d'exprimer les pressions qu'on vit au quotidien à essayer de performer et d'être parfait, sans se laisser le droit à l'erreur. J'utilise les images des superhéros dans leur côté vulnérable, des scènes de défaites lors de combats et leur visage plus humain, pour démontrer qu'eux aussi sont fragiles et qu'on devrait se laisser le droit, nous aussi, à l'échec.

Certains y voient aussi un message féministe.

Oui, plusieurs personnes ont interprété mes toiles comme un message d'«empowerment» (autodétermination) de la femme, à qui l'on demande d'être une mère, une amoureuse ou une femme d'affaires parfaite, en accomplissant des choses extraordinaires au quotidien. Je voulais aussi montrer la dichotomie entre les bureaux : on peut être à l'intérieur ou à l'extérieur de la cage, captif ou libéré de ce carcan.

Courtoisie/Sandra Chevrier

Quelle technique utilises-tu?

Au début, je mélangeais la peinture et le collage. Mais depuis 18 mois, je peins tout à la main. C'est un plus grand défi. Ça fait plus «beaux-arts» qu'auparavant. Maintenant, je travaille avec des modèles : je colle des images sur leur visage et on prend des photos, qui deviennent des références dans mon travail.

Étais-tu amoureuse des bandes dessinées avant de débuter le projet?

Je ne connaissais absolument rien à cet univers! J'ai acheté mes premiers comic books pour m'inspirer en transformant des meubles pour la chambre de mon fils et je trouvais ces images extrêmement fortes. Quand on voit Superman dans la défaite, ensanglanté au sol, avec sa cap utilisée comme un drapeau déchu dans le vent, c'est d'une beauté immense et très révélatrice. Avec le temps, je suis devenue une geek, avec des caisses de comic books à la maison.

Te définis-tu comme une peintre ou une artiste visuel au sens plus large?

Ça m'a dérangée longtemps d'être reconnue comme une collagiste, comme si ce n'était pas moi. Généralement, quand un artiste a du succès, il cherche des moyens pour faire les choses plus rapidement, afin d'accélérer sa production et de vendre plus vite. Mais moi, j'ai fait l'inverse. Ça me prend immensément plus de temps de peindre la toile en entier, mais je ressens une fierté qui n'était pas nécessairement présente avant. À l'intérieur de moi, c'est ce que je suis : une peintre et une dessinatrice.

Courtoisie/Sandra Chevrier

Quand t'es-tu initiée à la création?

Le dessin est présent dans ma vie depuis que je suis petite, mais j'ai pris conscience que c'était un besoin pour moi vers 14 ans. Mon père m'amenait souvent dans les galeries et j'ai vu l'œuvre Detritus of devotion de la Montréalaise Heidi Taillever, qui m'a émue aux larmes. J'étais si époustouflée par le pouvoir de cette image que je me suis dit que j'aimerais en faire autant. J'ai ensuite étudié au Cégep Montmorency en arts plastiques et à l'UQAM en arts visuels et médiatiques.

Quand as-tu décidé d'en faire un métier?

Avant d'avoir mon fils en 2009, je travaillais le jour dans un restaurant et je peignais le soir ou la nuit. Quand il est né, j'ai réalisé rapidement que c'était impossible d'être mère monoparentale, d'avoir un emploi et de prendre le temps pour faire de l'art. J'ai donc pris le risque de ne pas retourner sur le marché du travail. Je ne voulais pas éventuellement lui en vouloir de ne pas avoir exploité mes rêves. Il m'a donné la force de tenter d'être qui je suis. Les choses sont allées progressivement. Et quand j'ai commencé à travailler sur la série des Cages, le succès est arrivé rapidement.

Où as-tu été exposée depuis?

J'ai participé à des expositions collectives sur les cinq continents, et même en Afghanistan! J'ai été invitée à des foires d'arts visuels organisées par le mari d'Alicia Keys, à Miami, New York et Londres depuis deux ans. Et j'ai présenté des expos en solo en Norvège, à Hong Kong, Los Angeles, San Francisco, New York et Berlin.

Courtoisie/Sandra Chevrier

As-tu l'impression d'être plus connue à l'étranger qu'au Québec?

Oh mon Dieu, oui! C'était important pour moi d'organiser une exposition à Montréal pour dire que j'existe et pour montrer mon travail à mes proches. J'ai quand même une clientèle ici, à Toronto et ailleurs au Canada, mais ça demeure un marché très difficile pour les arts visuels. Il y a une grande éducation à faire. Les gens pensent encore que c'est un milieu très élitiste, froid et inabordable. Je suis consciente que mes toiles ne rentrent pas dans les budgets de beaucoup de gens, mais il y a plusieurs artistes au talent incroyable à Montréal qui n'arrivent pas à payer leur loyer à la fin du mois, alors que leurs œuvres coûtent presque la même chose qu'une reproduction chez IKEA.

Il y a cinq ans, tu avais reçu 200 commandes de toiles en trois mois et tes deux prochaines années étaient déjà remplies. À quoi ressemble ta vie professionnelle désormais?

Ça n'arrête pas! Je devais prendre mes vacances pour la première fois en cinq ans le mois prochain, mais je viens d'accepter un projet super intéressant à Berlin. J'essaie de cibler deux expositions par année et de consacrer six mois à chacun, avec plusieurs autres projets entretemps. Mes 18 prochains mois sont déjà remplis et je travaille entre 10 et 12 heures par jour, parfois six ou sept jours par semaine.

L'exposition Les cages; l'espace entre les barreaux est présentée à la Galerie C.O.A. du 19 octobre au 25 novembre.

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