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«Lili Blues», les amours toxiques, selon Florence K

«Moi, ça m'a rendue folle, la quête du bonheur...»
Julien Faugère

Deux ans après avoir publié l'histoire de sa descente aux enfers dans le récit Buena vida, Florence K retrouve le milieu littéraire en publiant son premier roman, Lili Blues, un triangle amoureux tragique entre un réalisateur de cinéma workaholic, une comédienne déchue et une jeune actrice en pleine lancée.

Aurais-tu pu créer Lili Blues sans avoir d'abord passé par l'écriture de ton récit?

Je ne sais pas comment j'aurais fait. Je suis une maniaque de livres et j'ai toujours voulu écrire, mais je ne savais pas comment faire. Pour Buena vida, j'avais déjà mon histoire à raconter, et j'ai appris à développer un récit, à connaître mon style et à acquérir des outils. Et quand je l'ai terminé, j'avais un deuil à faire. Je m'ennuyais d'écrire. Ça faisait un an que j'avais une relation très intime avec mon ordinateur et les mots. Je devais écrire autre chose! Mais comme je venais de publier une autobiographie et que je ne compte pas en publier une autre avant 65 ans, ça devait passer par la fiction.

Comment compares-tu ton rapport à l'écriture sous une forme plus longue à la création de chansons?

J'ai plus de facilité à m'exprimer en littérature. Ça coule tout seul. On dirait que les textes longs conviennent mieux à mon cerveau qui roule tout le temps et qui analyse tout. L'écriture aide à canaliser mes pensées, à prendre du recul et à voir les choses avec plus de perspectives. Sinon ça se transforme en anxiété.

As-tu besoin de toutes ces formes d'art pour exprimer ce que tu as dans le ventre et dans la tête?

J'exprime davantage ce que j'ai vécu et ressenti à travers la littérature. Dans mes chansons, c'est plus facile de me glisser dans des sentiments qui ne sont pas nécessairement les miens. Par contre, les deux formes sont complémentaires. Elles ne font pas travailler les mêmes parties de mon cerveau. En fait, ça m'a rassurée de réaliser que je n'avais pas besoin d'être une seule chose et qu'on pouvait changer d'emploi 25 fois durant notre vie, sans être confiné à une seule passion. Depuis que j'ai compris que je pouvais faire ce qui m'interpelle, sans entrer dans un moule, je ressens un grand sentiment de liberté.

Pourquoi écrire sur les ruptures amoureuses et tout ce qui peut faire basculer les cœurs?

Parce que c'est la réalité. On observe souvent les choses en surface, alors que tout est beaucoup plus complexe. Derrière chaque geste posé, spécialement dans nos relations personnelles, on découvre tout un parcours, le bagage de nos parents, ce qu'ils nous ont montré des relations et qu'on exploite, heureusement ou non. Mon histoire de triangle amoureux entre un homme, une femme et une maîtresse, c'est un classique. Mais qu'y a-t-il derrière tout ça? Je pense qu'il y a toute une psychologie à explorer.

Tu dis vouloir parler de ta génération dans le roman. De quelle façon?

J'ai 34 ans, soit le même âge que Lili. Elle vit des choses propres à ce que je vis ou ce que je vois chez mes amis. Nous sommes de la génération Passe-Partout, qui a essayé de recréer ce que nos parents – souvent divorcés ou séparés – n'ont pas fait ou réussi. Nous sommes plusieurs à avoir eu des enfants jeunes, à ne plus être avec le père ou la mère, à tout de même avoir un désir de famille, mais sans savoir comment s'y prendre ni comment concilier le travail, nos aspirations, nos amours tourmentés, les réseaux sociaux et la pression sociale.

Dirais-tu que tu dissèques les amours toxiques?

Carrément. Plusieurs éléments dont je parle sont en lien avec des émotions que j'ai vécues. Je sais de quoi je parle. Mais en décortiquant les amours toxiques, on comprend que ce ne sont pas nécessairement de mauvaises personnes. Je voulais enlever l'étiquette qu'on accole aux gens à cause des gestes qu'ils posent. Par exemple, Vanessa semble déséquilibrée, mais je veux montrer comment elle en arrive à commettre un acte criminel.

Quel est le ton de ton roman?

Je pense que j'ai écrit une tragédie moderne. J'ai voulu illustrer à quel point on est laissé à nous-mêmes. Avant, les gens n'avaient pas le choix de croire en Dieu et en la bible. Ils y croyaient et ils suivaient le mode d'emploi. Mais de nos jours, il y a la science, la philosophie, la psychologie et tout un tas de disciplines qui offrent de nouveaux points de vue. Le mode d'emploi, c'est nous qui le créons, en essayant de correspondre aux paramètres de la société. Mais c'est facile de se perdre dans tout. Mes personnages sont perdus et tiraillés.

Dans ta narration, tu entres dans la tête de Vanessa, de Samir et de Lili, au lieu d'en prioriser un. Pourquoi?

Parce qu'il n'y a pas de parti pris dans le livre. Les trois personnages ont leur raison d'être. Aucun n'est la victime ni le mauvais. On est capable d'avoir de l'empathie pour Vanessa qui souffre, de réaliser que Samir est très confus et d'avoir envie de dire à Lili de se réveiller et d'aller de l'avant. C'est une question de perspectives. On regarde trop souvent les choses avec notre point de vue, sans avoir accès à la réalité complète. Mais là, on voit les trois faces de la pyramide.

Est-ce que je me trompe où tu voulais aussi mitrailler la sacro-sainte quête du bonheur dans le livre?

Absolument. Moi, ça m'a rendue folle, la quête du bonheur. La société définit le bonheur et ça passe encore trop souvent dans la consommation. Les gens accumulent le matériel et se demandent pourquoi ils ne sont pas heureux, pourquoi ils font des dépressions, pourquoi ils se sentent seuls ou pourquoi leur mariage pète. Mais quand tu vis une dissonance identitaire en toi, tu as beau chercher le bonheur, tu ne le trouveras pas.

Quels sont tes prochains projets?

Je travaille déjà à un recueil de nouvelles. Je vais sortir un album en novembre, mais je ne peux pas en dire plus pour le moment. Et je suis porte-parole du Festival du film Au Contraire (24 au 27 octobre au Musée des beaux-arts de Montréal), un événement créé pour démystifier la maladie mentale, qui est trop souvent montrée à travers des personnages de meurtriers, de fous dangereux et d'accros aux drogues. Il faut changer la façon dont on en parle dans les arts et dans les médias pour que les mentalités changent et que la santé mentale devienne aussi importante que la santé physique dans la tête des gens.

Courtoisie

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