FÉMINISME - "Elle est carrément dégueulasse." "Brûlons-la sur une croix." Depuis des années, la mannequin et photographe d'origine suédoise Arvida Byström est habituée aux attaques verbales les plus violentes.
L'artiste, qui fête ses 26 ans ce mercredi 4 octobre, casse résolument les codes imposés aux femmes, qu'il s'agisse de règles, de poils, de boutons. Tout en revendiquant sa propre sensualité.
Le 26 septembre dernier, elle posait ainsi dans une campagne de pub pour Adidas, dans une robe à corset, les chaussures de la marque à ses pieds. Face à la caméra, elle explique: "je pense que n'importe qui peut être féminin, mais que dans la société d'aujourd'hui, on en a peur". Seul problème, pour beaucoup: elle a -ô horreur- des poils aux jambes.
"Ma photo de la campagne Adidas Superstar a reçu beaucoup de commentaires agressifs la semaine dernière. Je suis blanche, sans handicap, cis (non transgenre NDLR), avec comme seul détail non conforme quelques poils sur mes jambes. J'ai littéralement reçu des menaces de mort dans ma boîte de messages personnels.
Je ne peux même pas imaginer ce que c'est de ne pas avoir tous ces privilèges et essayer d'exister dans ce monde. J'envoie de l'amour, essayez de vous rappeler que tout le monde ne vit pas les mêmes expériences personnelles.
Merci aussi pour tout l'amour, j'en ai reçu beaucoup aussi"
"Je suis définitivement féministe", revendique la photographe dans une interview donnée à Dazed en 2015. "Alors que j'avais 18 ans, une amie m'a introduit aux idées féministes, puis j'ai découvert des blogs sur le féminisme queer", troisième vague féministe née aux États-Unis dans les années 1980 et mettant l'accent notamment sur les luttes LGBT.
Elle qui se décrit comme une femme queer est adepte de tout ce qui est habituellement considéré comme féminin, et imprègne la grande majorité de ses photos de teintes rose. Mais elle prend aussi un grand plaisir à subvertir toutes les normes dominantes
Sur son compte instagram, désormais suivi par plus de 188.000 personnes, elle poste des selfies, sur lesquels elle assume tous les petits détails de son corps: grains de beauté, boutons, bleus... Et ses poils, bien évidemment, qu'il s'agisse de poils sur ses jambes, sous ses aisselles, ou de poils pubiens.
"Il y a encore une norme pour les femmes de se raser, c'est n'importe quoi", tape-t-elle dans une interview donnée par chat interposé à Nylon.
Introvertie, en proie à ses doutes de préadolescente, elle s'adonne aux selfies dès l'âge de 12 ans. "Vous êtes préado, ado, vous voulez savoir comment le monde vous voit vraiment, alors j'ai fait des quantités énormes de selfies", explique-t-elle sur le site Wonderland Magazine. Quatre ans plus tard, ses clichés sont repérés par Vice, qui lui propose une première collaboration.
"Je pense qu'internet est important pour beaucoup de personnes", témoigne-t-elle sur Dazed. "Pour moi, c'était une fenêtre ouverte sur la chambre étroite de la dépression adolescente, parce que je pouvais être en ligne et rencontrer des gens même si je me sentais comme une merde." Sur tumblr, elle découvre les sous-cultures du web, qui l'aident à se construire son esthétique kitsch et très féminine.
Subvertir une esthétique très féminine
Cette esthétique ne la lâche pas depuis, mais elle la subvertit pour remettre en cause toutes les normes imposées aux femmes.
En 2012, elle réalise avec Vice un nouveau projet "There Will Be Blood". Elle photographie des femmes avec le sang de leurs règles, ce qui lui vaut de nombreux commentaires déjà agressifs. "C'était mon idée", raconte-t-elle auprès de Nylon. "Je ne voulais pas que ce soit beau ou vulgaire, juste des femmes qui ont leurs règles."
"Quand j'ai fait ces photos de règles et de poils il y a des années, je découvrais le féminisme, et ça me semblait bien de faire quelque chose de clivant comme ça."
Malgré les contraintes du mannequinat, elle refuse de se raser. Modèle depuis ses 13 ans en Suède, on lui dit que ses hanches sont trop épaisses. Elle continue à Londres, où elle ouvre pendant un temps sa propre galerie. Là-bas, elle rejoint l'anti-agency, une agence de mannequinat pour ceux "trop cool pour être simplement modèles", décidée à rompre avec les codes traditionnels du milieu. Elle s'installe ensuite à Los Angeles.
En 2013, pendant une semaine, elle s'expose sur un matelas dans la galerie Waywardn à Londres, avec l'artiste Tim Kelly, ainsi qu'un gode ceinture, afin de parler d'amour exclusif et de polyamour, avant de coucher ensemble.
Elle continue d'interroger la transgression en publiant, au mois de mars 2017, un livre, Pics or it didn't Happen, avec son amie Molly Soda. Elle y recueille 250 photos censurées par Instagram, parfois parce qu'elle ne respectaient les règles sur la nudité, d'autres fois pour des raisons plus obscures. "Le corps des femmes est constamment policé", accusait ainsi, Molly Soda, "pourquoi Instagram ferait-il exception ?"
En 2015, Facebook avait déjà censuré une photo tirée de sa performance "Selfie Stick Aerobic": on distinguait la forme de sa vulve à travers son survêtement.
Pour autant, Arvida Byström ne considère pas que ses créations soient féministes. "Le féminisme est davantage un éventail, il change et dépend de son contexte", argumente-t-elle. Mais c'est déjà assez pour choquer les partisans des normes dominantes de féminité.
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