ALLEMAGNE - Jouer le tout pour le tout. Ce vendredi 22 septembre, c'est la dernière occasion pour Angela Merkel, favorite des élections, pour rallier les indécis avant les élections législatives allemandes qui se tiendront ce dimanche. La chancelière de 63 ans, bien partie pour remporter un quatrième mandat, tiendra un meeting à Munich.
Et la partie est loin d'être jouée pour elle. Le parti de la chancelière allemande, l'Union chrétienne démocrate (CDU) alliée à l'Union-chrétienne sociale en Bavière (CSU), s'est tassée dans les sondages (36%). Pour obtenir la majorité au Bundestag, Angela Merkel doit s'allier à d'autres partis. Sauf que la création des alliances va moins de soi que lors des précédentes élections. D'autant qu'il faut prendre un compte un paramètre non négligeable: l'extrême droite qui a su remonter dans les intentions de vote en fin de campagne.
Dans la dernière ligne droite avant l'élection, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), créditée de 11% des intentions de vote, a en effet intensifié sa campagne et s'érige contre l'immigration et les musulmans. Dans un long réquisitoire contre l'islam, Alexander Gauland, l'une des deux têtes du parti d'extrême droite, a ainsi dénoncé lundi 18 septembre "le terrorisme qui a ses racines dans le Coran".
"La propagation de l'islam en Europe, et l'islamisation croissante de l'Allemagne sont devenues un défi pour l'Etat, l'ordre social, l'identité culturelle et la paix dans notre pays", a-t-il lâché, attaquant la décision de la chancelière allemande d'ouvrir les frontières à des centaines de milliers de demandeurs d'asile en 2015. Sa co-tête de liste, Alice Weidel, a ensuite jugé qu'à force d'immigration et de laxisme judiciaire, "l'espace public est devenu un espace à risque. L'Allemagne est devenue un refuge pour les criminels et les terroristes du monde entier", a-t-elle ajouté.
"Le sens de la droiture de Merkel. Réfugiés (à gauche) / Allemands (à droite)"
Crise migratoire et malaise allemand
Le ton est donc donné. Depuis 2015, l'AfD, qui a changé de ligne politique depuis sa création en 2013, surfe sur la crise migratoire et l'aspect sécuritaire. Cette même année, le parti obtenait d'ailleurs plus de 15% des intentions de vote.
L'AfD, qui devrait occuper la troisième place au Bundestag, rassemble un électorat divers et des abstentionnistes. Selon une étude de l'université de Leipzig, publiée par Die Zeit, le parti a su fédérer un "melting pot" d'anti-islam, d'opposants à l'immigration, d'eurosceptiques, d'adeptes des théories du complot et, plus largement, de déçus des grands partis et de la politique de coalition d'Angela Merkel.
Les polémiques de la campagne de l'AfD
En perte de vitesse au début de l'année 2017 à la suite de différentes crises internes, mais aussi à cause du durcissement de la politique migratoire d'Angela Merkel, le parti a su malgré tout revenir sur le devant de la scène médiatique, avec une campagne émaillée de polémiques, qui n'ont cependant pas enrayé la montée du parti.
Grâce au recrutement d'un publicitaire américain, l'AfD a su faire parler de lui, avec de nombreuses affiches controversées: cliché d'un bateau de migrants barré des mots "En détresse? Plutôt la prochaine vague de criminalité", ou encore "Burkas? Nous préférons les Bikinis".
La stratégie de la diabolisation
Face à l'AfD, les grands partis tentent la diabolisation: "Si l'AfD devait entrer au Bundestag, des nazis parleront pour la première fois depuis 70 ans au Reichstag" le bâtiment où siège les députés, a lâché le chef social-démocrate de la diplomatie allemande (SPD), Sigmar Gabriel.
Le président du SPD, Martin Schulz a lui aussi qualifié le parti de "honte de la nation", quand les amis d'Angela Merkel dénoncent un parti "d'extrême droite", formule d'ordinaire réservée aux néo-nazis.
Des réactions suscitées par un scandale, datant de mi-septembre: Alexander Gauland a provoqué une polémique, après la diffusion d'une vidéo le montrant en train de louer les actes de l'armée nazie durant la guerre. "Si les Français ont le droit d'être fiers de leur Empereur (Napoléon) et les Britanniques de (l'amiral Horatio) Nelson et du (Premier ministre Winston) Churchill, alors nous avons le droit d'être fiers des performances des soldats allemands durant la Deuxième Guerre Mondiale", a-t-il asséné lors d'un meeting électoral, le 2 septembre dernier, mais dont la vidéo n'a été largement diffusée dans les médias allemands qu'à partir de jeudi 14 septembre.
De son côté, l'AfD, dont l'entrée à la chambre des députés serait du jamais vu depuis 1945 pour un mouvement de ce type, jubile et se voit devancer les libéraux du FDP, la gauche radicale Die Linke et les Verts (Grüne, en allemand).
Neutraliser l'AfD au Bundestag
Si Angela Merkel est assurée d'être reconduite pour un quatrième mandat, celle-ci ne pourra cependant pas gouverner seule et devra s'allier à d'autres partis. Mais la chancelière refuse mordicus une coalition avec l'AfD ainsi qu'avec la gauche radicale Die Linke. Le Monde explique: "Il reste à la chancelière deux voire trois possibilités. S'associer aux Verts, aux libéraux du FDP (Parti libéral-démocrate) ou aux deux, ce qui lui permettrait de neutraliser l'AfD".
Cette alliance, baptisée "coalition jamaïcaine", et qui doit son nom aux couleurs du drapeau jamaïcain (noir, couleur du parti d'Angela Merkel, jaune, couleur de la FDP, et vert, associé aux Grüne), n'enchante toutefois pas les deux partis concernés, antagonistes sur l'échiquier politique. Selon Politico, un représentant des Verts au Bundestag a déclaré: "Quand il s'agit du climat de de l'économie, le FDP est le diable". Dans un sondage datant du 18 septembre, les Verts sont crédités de 7% des intentions de vote, tandis que le FDP en obtient 9%.
Une autre option s'offre aussi à Angela Merkel pour obtenir la majorité au Bundestag: une coalition avec le SPD, le centre gauche, dirigé par Martin Schulz, et actuelle "grande coalition" au pouvoir. "Mais le SPD, (...) hésite à servir une nouvelle fois de supplétif à l'indéboulonnable Merkel. Certes le SPD met son point d'honneur à appliquer la formule 'le pays avant le parti', mais sa stagnation dans les sondages pourrait l'inciter à s'offrir une cure d'opposition", précise Le Monde.
En outre, le SPD, qui enregistre 22% des intentions de vote, peine à séduire les électeurs. D'autre part, cette alliance droite-gauche, à la tête de l'Allemagne depuis huit années, reste de moins en moins plébiscitée par l'opinion allemande.
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