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«Désherbage» de Tire le coyote, le laboureur de conscience

L’auteur-compositeur-interprète nous présente son quatrième album.
GDCYR

Désherbage est le titre du quatrième long jeu de Benoît Pinette, alias Tire le coyote. Ce titre est une belle métaphore qui illustre le tri, la coupe, le nettoyage. Comme dans assainir l'espace ou l'être; comme dans purifier les sentiments, ceux qui ont poussé sous le soleil des amitiés, des amours et des aléas de la vie. Ironiquement, l'œuvre de l'artiste aussi a pris du mieux.

«On s'était étendu là / Sur les rives de l'insouciance / Pour siphonner l'éternité / Jusqu'à perte de conscience / Le temps cherchait à nous séduire / À chacun de ses sursauts / J'avais une zone à envahir / Et la maladresse du manchot / Je percevais la conquête / Aux confins de ton aura / Les perséides dedans ta tête / Et dans tes lignes de mascara / Y'avait pas beaucoup de millage / Dans mon jardin d'innocence / Je savais partir dans l'bon sens / Pour éviter le désherbage [...] Mais rappelle-toi la chute du rideau / le tsunami dans ton lit d'eau...» - passage de la pièce Désherbage

Comme il l'admet lui-même durant un entretien, Benoît Pinette réfléchit beaucoup au sens de la vie. Trop? On ne pourrait dire. Ce que l'on sait du moins, c'est que le questionnement, qui mène parfois jusqu'à l'angoisse, est un terreau fertile pour l'écriture et la composition. Il en va de même pour Pinette, visiblement, qui ne craint pas de labourer l'existence, la sienne ou celle des autres.

Les paroles de la chanson-titre illustrent assez bien les thèmes abordés cette fois par l'auteur-compositeur-interprète sur son nouvel album : le beau, la séduction, la candeur, la pureté, le temps, les saisons, le déséquilibre, la tempête de l'intime, l'angoisse, la prise de conscience, le silence, le geste, la mélancolie. Nous adorons d'ailleurs la phrase suivante, qui paraît dans le texte de la chanson : «La peine vient à échéance quand on s'attarde au désherbage.»

Outre le sentiment amoureux, Pinette explore aussi le sentiment nostalgique. Pensons à ce regard porté sur l'enfance dans la pièce Pouvoir de glace ou encore le morceau Fifille, inspiré de sa sœur.

Plume et guitares

Peu importe leur sujet, les nouvelles chansons sont joliment racontées. Il faut le dire, il a une belle plume ce Tire le coyote. Malgré les évocations ou les références trop appuyées (mon drapeau était en berne, la nuit des longs couteux), les mots coulent et filent agréablement sur le flot sonore. Des mots généralement lyriques et convaincants, comme sur ce très beau texte Le ciel est backorder, qui parle de manière personnelle de la maladie d'un ami.

Quant à la musique, un folk rock à la fois soyeux et mordant, elle habille fort bien le paysage musical dans lequel avance Tire le coyote. Bien que passablement dégraissé, le country - que l'on retrouve sur plusieurs anciennes chansons - a encore sa place sur certains nouveaux morceaux (la plate Chanson d'eau douce et Toit cathédrale). Cela dit, le genre est beaucoup moins présent.

Le duo de guitares – une mélodique et une autre qui gronde sporadiquement (sous la responsabilité de Benoit Villeneuve, surnommé Shampooing, et Simon Pedneault) – fonctionne brillamment. Quant à la batterie (Jean-Philippe Simard), elle accompagne bien les mondes contrastés (Le ciel est backorder, Tes bras comme une muraille) de Tire le coyote.

Enregistrée au studio Wild durant l'hiver, la proposition générale fait penser aux musiques américaines des années 1960 et 1970.

Le chant du coyote

L'apport le plus distinctif de Désherbage est encore une fois ce falsetto particulier qui provient davantage du ventre que de la tête de Benoit Pinette. Cette voix atypique qui fait penser au Neil Young de Harvest Moon, mais avec une plus grande intensité dramatique. Délicate, tantôt nasillarde, tantôt aiguë, la voix de Tire le coyote transmet une profonde sensibilité. Une voix qui vibre de manière non intentionnelle selon les phrases et les notes, au dire du principal intéressé. En fait, ce chant qu'il propose est à ce point original qu'on peut certainement le bouder à première écoute.

Or, la qualité générale de Désherbage (paroles, thèmes, ambiances, arrangements, textures) facilite son apprivoisement. Et puis, comme Pinette l'explique si bien, cette aisance naturelle à dompter les aigus a fini par l'encourager à exploiter plus et mieux ce timbre au fil des années.

Il semble justement que le chant de Pinette est mieux rendu sur Désherbage. Il est plus juste et moins nasillard. À vrai dire, ce tout récent disque est le meilleur qu'il ait proposé jusqu'à maintenant, selon nous. Pas que Panorama (paru en 2015) était mauvais. Mais, dégarnir la musique des ingrédients country était une bonne idée, tout comme ajouter des arrangements rock plus «costauds» (Les couleurs de notre équipe, Fifille). Les claviers (Vincent Gagnon) aussi sont efficaces.

Ceci dit, il n'en reste pas moins que cette manière de chanter crée un effet dramatique imposant qui prend énormément de place. Pour le meilleur et pour le pire. Pinette en est conscient, mais il persiste et signe. Tant mieux.

L'amour triomphe

Notons que la dernière chanson de l'album se nomme Jeu vidéo. Tire le coyote s'est directement inspiré du tube Video Games de Lana Del Rey. Traduite en français, cette adaptation est pas mal du tout. De plus, ça finit sur une note positive : «la méfiance est portée disparue».

Déjà, les amateurs de Tire le coyote sont nombreux au Québec. Depuis quelques années, ce dernier les attire dans les salles avec une relative facilité. Il a donné énormément de spectacles depuis la parution de son précédent disque. Avec Désherbage, Tire le coyote ne pourra que rayonner plus chaud et plus loin. La soixantaine de concerts déjà prévus en fait foi.

Tire le coyote

Désherbage

Sous étiquette La Tribu

Disponible dès aujourd'hui.

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