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«Les rois mongols»: on a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter

Le nouveau film de Luc Picard prend l'affiche le 22 septembre.

«On a mis quelqu'un au monde, on devrait peut-être l'écouter». La voix de Serge Fiori, et la symbolique Un musicien parmi tant d'autres, qui s'élèvent dans les dernières minutes des Rois mongols, résument à merveille le propos de ce nouveau film de Luc Picard.

À Montréal, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, en octobre 1970, Manon Ducharme (excellente Milya Corbeil-Gauvreau), une adolescente de 12 ans, prend son petit frère Michel (Anthony Bouchard), alias Mimi, sous son aile, alors que la pauvreté et la maladie de leur père sont sur le point de faire éclater leur famille. Les deux jeunes risquent d'être placés dans des foyers d'accueil, séparément. Ce à quoi s'oppose fermement Manon.

Au même moment, le Front de libération du Québec (FLQ) fait entendre ses revendications et orchestre sa prise d'otages politiques. Dans les rues de la ville, la Loi sur les mesures de guerre neutralise à coups d'opérations militaires des centaines de citoyens innocents. Impuissante, la population nargue les soldats à grands coups de «Salut mon roi mongol!» La colère gronde dans les deux clans, la province est en totale effervescence. Une réalité que dépeint admirablement bien la nouvelle œuvre de Luc Picard, avec une délicieuse touche d'ironie, comme en témoigne cette version de Comme j'ai toujours envie d'aimer accolée à une scène de capture de futurs prisonniers.

Dotée d'une grande force de caractère pour son âge et inspirée par la rébellion du FLQ, Manon y voit là une issue possible pour Mimi et elle. Avec ses cousins Martin (Henri Picard) et Denis (Alexis Guay), chez qui son frère et elle se font souvent garder, elle parvient à kidnapper une vieille dame. Les quatre enfants mettent ensuite le cap sur Saint-Zénon, dans Lanaudière, où ils se façonnent un petit quotidien à eux, dans un chalet pour le moins rustique, avec leur «pensionnaire» en fauteuil roulant. On assiste alors à la formation d'un clan indissociable, aux premiers émois amoureux et à la naissance de touchants rapports intergénérationnels.

Métaphore du Québec

Par sa rebuffade, le décidé quatuor ne cherche pas à créer de vagues pour le plaisir de la chose. Les gamins ne demandent qu'une chose : être entendus. Et écoutés, surtout. Le contexte politique du récit agit ici comme un écho au cheminement des personnages et non comme un tiers protagoniste qui viendrait gruger du temps d'antenne.

«Je trouve que c'est une métaphore du Québec, englobe Luc Picard. Au début, c'est la grande noirceur, dans Hochelaga, puis il y a ce moment de liberté et d'épanouissement, à la campagne. Les jeunes finissent par trouver la liberté et le bonheur. Ça décrit cette époque-là, les années 60 et 70, en ébullition.»

Picard cherchait-il à faire entendre ses convictions politiques, qu'on sait souverainistes, à travers Les rois mongols? La réponse, courte, est néanmoins on ne peut plus claire. Même si, on le répète, Les rois mongols n'a absolument rien d'un pamphlet indépendantiste.

«L'histoire porte ça en elle. À bon entendeur...», se contente de laisser tomber la nouvelle sensation de District 31.

D'après le roman

Voilà pourquoi le producteur Écho Média, le réalisateur et coscénariste Luc Picard et la scénariste et dialoguiste Nicole Bélanger décrivent Les rois mongols comme «une histoire de révolte et d'amour». Histoire qui a d'abord été tirée du roman semi-autobiographique du même titre de cette dernière, d'abord paru en 1995, puis réédité récemment. Luc Picard avait été approché une première fois, en 2013, pour porter cette fresque à la fois mature et enfantine à l'écran. Le tournage a eu lieu l'an dernier, à Verdun, Lasalle et Saint-Jean-de-Matha.

«Il y avait déjà un scénario de fait, qui a changé beaucoup depuis», se remémore celui qui offre ici son quatrième long-métrage, après L'audition (2005), Babine (2008) et Ésimésac (2012).

«Je suis tombé en amour avec le roman, continue-t-il. On a commencé à travailler, Nicole a écrit le scénario, il s'est transformé pas mal. Une fois qu'on a eu notre «oui» pour aller de l'avant, il était entendu que je mettrais mes pattes dedans. J'ai alors écrit quelques scènes, réécrit des affaires, pour que ça m'appartienne vraiment.»

Perles rares

Les rois mongols, du début à la fin, repose sur les épaules frêles, mais déjà bien solides, des jeunes comédiens qui prêtent vie aux quatre contestataires en devenir. Luc Picard estimait conséquemment crucial de dénicher des acteurs aptes à supporter pareille pression et à rendre adéquatement l'émotion, laquelle passe réellement par toutes les palettes pendant 101 minutes.

«J'ai toujours dit que je n'aurais pas de film si je n'avais pas mes jeunes, that's it, martèle le cinéaste. Ça commençait là et ça finissait là. J'ai vraiment mis toute mon énergie pour les trouver, en pré-production. J'en ai vu vraiment beaucoup, environ 170. C'a été fatigant! (rires) Parce qu'il fallait les voir un par un, leur parler, essayer de jouer avec eux, recommencer...»

Il compare ses protégés Mylia, Henri, Anthony et Alexis aux Beatles. Pour les préparer à l'aventure qu'ils s'apprêtaient à vivre dans un hier reconstruit de toutes pièces, Luc Picard a incité ses ouailles à regarder des films de l'époque (Les ordres, Octobre, Les bons débarras et Stand by me) pour les imprégner du climat social et politique d'alors autant que de l'accent. «On dit pas «moi», on dit «moé»», leur arguait-il pour leur mettre le phrasé en bouche.

Puis, un lien étroit s'est tissé au sein des troupes. Lors de la journée de rencontres avec les journalistes, plus tôt cette semaine, les quatre mousquetaires chahutaient et se chamaillaient gentiment. Oui, Luc Picard le papa poule a pris soin de vérifier à haute voix si Henri, son fils, avait bien «pris son antiviral» entre deux entrevues, mais sa relation semblait aussi bien particulière avec les trois autres marmots. La maman d'Anthony Bouchard a par ailleurs confié que Luc Picard avait accompli des miracles avec son garçon – véritablement plongé dans la tourmente des familles d'accueil des années 1970, par les temps qui courent, lui qui incarne aussi le rôle-titre d'Olivier, à Radio-Canada – pour le mettre en confiance.

«La chimie a pogné entre les quatre, raconte Luc Picard. Une fois que je les ai choisis, j'ai fait des soupers chez nous. Je voulais vraiment créer quelque chose avec eux. On a fait des soupers, écouté des films, fait le party. La chimie entre les quatre a pogné très, très vite, presque immédiatement, en dehors du film. Et c'est encore là. La complicité existe toujours entre eux. J'ai eu la chance que ça arrive, et j'ai eu le privilège de le filmer.»

Qu'a-t-il perçu de particulier chez ses quatre perles rares?

«Chez les quatre, j'ai vu la capacité d'être juste vrais et honnêtes, et l'intelligence de savoir dans quels univers ils sont. Milya a une maturité dans le regard, comme une vieille âme. Henri est assez charismatique, et c'est un très bon acteur. Anthony est un peu irrésistible en soi. Alexis, lui, a le rôle le plus effacé des quatre mais, chaque fois que je lui donnais un peu de place, il la prenait.»

Solidarité

Cette solidarité qu'il a su générer devant comme derrière la caméra, Luc Picard s'en émeut et s'en enorgueillit.

«Ce que j'aime dans Les rois mongols, c'est que les gens tombent en amour avec les jeunes, s'attachent à eux. Je pense que c'est un film qui peut nous ouvrir le cœur. Je voulais qu'on voie le monde à travers leurs yeux à eux, pas à travers les nôtres. On ne peut pas faire autrement que de les aimer...»

Et le Musicien parmi tant d'autres, lui? Il s'est imposé rapidement à l'esprit de Luc Picard, qui souhaitait tout d'abord que son offrande en soit digne.

«Je suis bien ami avec Serge (Fiori). J'ai pensé mettre la chanson bien avant de commencer à tourner le film. Après, je me suis dit qu'il faut que le film mérite la toune. C'est une toune un peu emblématique du Québec des années 70. Serge a vu le film, et il était super content que la chanson soit là.»

Les rois mongols prend l'affiche au Québec le vendredi 22 septembre.

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