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La frénésie Arcade Fire secoue le Centre Bell

Les troupes de Win Butler et Régine Chassagne étaient attendues comme le messie.
Paméla Lajeunesse

Le ring de boxe dressé au milieu de l'espace, contenant entre ses filets les instruments qui allaient sous peu être pris d'assaut, les boules disco juchées haut d'où jaillissaient une infinité de rayons lumineux bleutés tournoyants, le toit-écran rectangulaire qui crachait déjà ses animations de fausses publicités et, surtout, des spectateurs, au nombre de 14 400, souriants et volubiles : la première impression qui se dégageait de l'environnement qui allait quelques minutes plus tard accueillir Arcade Fire au Centre Bell, mercredi, n'était absolument pas représentative de ce que la formation avait vécu à Québec, la veille.

Alors que les échos qui ont résonné du passage d'Arcade Fire au Centre Vidéotron, mardi, étaient plutôt tièdes, au Centre Bell, le scénario fut tout autre : les troupes de Win Butler et Régine Chassagne étaient attendues comme le messie, et l'enthousiasme n'a pas faibli pendant leurs deux heures de prestation. Et ce, même quand la bande s'adonnait au matériel récent d'Everything Now, son dernier opus, plus décrié qu'acclamé lors de sa sortie en juillet. À l'autre bout de l'autoroute 20, la réception accordée aux titres d'Everything Now fut, semble-t-il, beaucoup plus laborieuse.

Arcade Fire au Centre Bell

De l'ambiance, mercredi, il y en avait dans les moindres recoins de l'amphithéâtre, qu'Arcade Fire a habité avec panache, ainsi que le commande son statut de groupe-culte de la scène indierock. Un seul «merci beaucoup» générait quasiment un commencement d'hystérie. Le délire était souvent réel et communicatif sur la plateforme où s'éclataient les neuf musiciens, dont les habiletés étaient dans une forme impeccable. Le bloc qui surplombait l'action a retransmis toute la soirée des effets visuels éblouissants, des prises de vues des représentants d'Arcade Fire filtrées dans différentes textures et couleurs, des images de l'assistance en transe. À elle seule, la configuration circulaire-signature de la tournée Infinite Content rendait le spectacle digne d'intérêt.

Une heure avant le début du concert se déployait devant le Centre Bell le type de file d'attente généralement réservé aux grands événements. Le genre d'attroupement qu'on aurait vu lundi si Lady Gaga n'avait pas chipé de laryngite et avait honoré son engagement montréalais de la fête du Travail, mais auquel n'ont pas nécessairement droit tous les artistes.

Comme au combat

Les membres d'Arcade Fire, eux, étaient bel et bien là. Ils sont entrés lentement, comme s'ils allaient véritablement au combat, ont traversé la foule en renouvelant un high five après l'autre dans le public, portés par un crescendo de décibels qui allait finalement pétarader et s'enfumer. Puis, en sourdine se sont détaillées les premières mesures, instrumentales, de l'extraitEverything Now. Une veste dorée ici, un chapeau là, la singularité «Arcade Fire-ienne» plombait déjà. On les a annoncés comme s'ils étaient boxeurs, tel que le voulait le concept. «Mesdames et messieurs, tout le monde debout! Faites du bruit... » Il était 21h02. Alors,Everything Now a véritablement commencé, et la joie collective s'est vite répandue dans les gradins.

Arrivé en troisième piste, le «classique» Rebellion (Lies) - l'une des premières cartes de visite d'Arcade Fire, datant de 2004 -, a été bruyamment ovationné, tandis qu'un gros plan de mains sur le piano donnait le ton en projection. On n'avait pas eu beaucoup le temps de reprendre notre souffle plus tôt, alors que la transition depuis Signs of Life (Everything Now, 2017) avait été fluide et sans hachure. D'ailleurs, c'est souvent sous forme de mix que les stars d'Arcade Fire ont livré leur marchandise en joyeuse pâture, ce qui a certainement contribué à maintenir le niveau d'énergie général tout au long de la représentation.

Here Comes The Night Time (Reflektor, 2013) a été dignement saluée, tout comme la très à-propos Haiti (Funeral, 2004), introduite par un petit mot d'appel à la tolérance et l'union qui fait la force. Le parterre a terminé avec coeur les «Oh-Oh-Oh» de No Cars Go (Neon Bible, 2007). À l'intérieur de la cage scénique, ça se déplaçait, ça dansait, ça sautillait, ça changeait de place aux instruments, les tenues se décontractaient, c'était le lâcher-prise et le plaisir total, comme ailleurs dans la grande salle.

Chaque chanson avait sa mise en scène : on a baigné de bleu pendant Electric Blue (Everything Now, 2017), on a cligné des yeux devant les lumières allumées partout au son de Neon Bible(Neon Bible, 2007) et Neighborhood 1 (Funeral, 2004) s'est déployée en noir et blanc. Originaire de Houston, au Texas, Win Butler a dédié la magnifique The Suburbs (The Suburbs, 2010) aux sinistrés de l'ouragan Harvey.

Plus tard, des barreaux lumineux ont emprisonné nos prestigieux invités sur Afterlife(Reflektor, 2013). L'endiablée Infinite Content (Everything Now, 2017) a précédé Creature Comfort (Everything Now, 2017), démarrée dans un nuage de fumée opaque. Sur la télévision diffusant l'instant, Regine Chassagne était majestueuse au clavier.

L'excitation s'est poursuivie, même si on sentait dangereusement la fin approcher, avecNeighborhood 3 (Power Out) (Funeral, 2004). L'ovation couronnant le moment a été chaleureuse et sonore, toutes âmes debout. On a levé nos cellulaires pour rappeler symboliquement nos idoles. Lesquelles auraient été bien rabat-joie de refuser un tel élan d'affection.

Les accords de la power-balladeWe Don't Deserve Love (Everything Now, 2017), ont donc fendu l'air au rappel, supportés visuellement d'un karaoké qui fut toutefois de courte durée, Win Butler ayant choisi de capturer ces précieuses minutes et de descendre parmi les admirateurs pour créer une petite communion, des parcelles de grâce.

Après quoi, une version fredonnée de Everything Now, entonnée à l'unisson par le tout Centre Bell, et une intense Wake Up (Funeral, 2004), autre incontournable du répertoire d'Arcade Fire, ont apposé le point final à ce bref séjour du groupe dans la métropole... infiniment plus heureux que celui dans la Vieille-Capitale.

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