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Jason Bajada : de cet amour merdique décuplé

Le nouvel album double de Jason Bajada

L'amour, qu'il soit bâtisseur ou ravageur, est un puissant carburant pour la création. Comme bien d'autres artistes, l'auteur-compositeur-interprète montréalais Jason Bajada avait trouvé son inspiration dans la peine d'amour, il y a près de dix ans, afin de concocter son respecté Loveshit. À l'aide d'un écrin craquelé, le jeune homme avait alors dépeint sa démolition personnelle de manière inspirée. Depuis, l'eau a coulé sous les ponts. Les albums -en français et anglais - aussi. Et l'amour heureux est réapparu dans le panorama. Pour un temps du moins. Jusqu'à ce qu'il détruise de nouveau. Un décor parfait pour Loveshit II ... Rencontre.

Loveshit, la genèse

«Ce qui m'a donné confiance à l'époque, ce sont les spectacles acoustiques en première partie de Dumas, explique en début d'entretien Jason Bajada. Dans ce temps-là, il proposait le concert Fixer le temps. Dès que j'ai commencé le show - devant un public francophone alors que je faisais de l'anglo –, j'ai réalisé que mon matériel avait du bon. Les gens ont apprécié mes mélodies... Après quatre concerts, j'ai été rappelé par l'équipe de Dumas pour faire une grande quantité de spectacles avec lui, ici et en Europe.

«Enfin, je sentais qu'il y avait un buzz autour de ma musique. Je travaillais pour la première fois avec mes forces. C'est durant cette période que les gens ont découvert les chansons de Loveshit, qui étaient nées d'une première grande peine d'amour.»

Bajada a écrit Loveshit en 2006. Il a enregistré les pièces de l'opus l'année suivante. L'album, lui, est paru officiellement via MapleMusic (le siège social est à Toronto) au début 2009.

«J'avais vécu la déception amoureuse pour la première en tant que jeune garçon de 25 ans, raconte le chanteur. Je devais écrire des tounes et c'est ce qui m'a inspiré. C'est le cliché du jack ¼ (connecteur électrique coaxiale d'un quart de pouce) plogué sur ton cœur... Certaines chansons, comme Cut, Watch, Leave et Ten Days in Miami, ont été écrites en 15 minutes.»

Le ressac

Loveshit II est un album double de 20 chansons qui puise une autre fois dans les sentiments de la déchéance amoureuse. Contrairement à la première histoire de Loveshit, toutefois, le tourment a été beaucoup plus grand chez Bajada : trahison, révolte, dérive, détresse, dépression, les effets ont été majeurs, pourrions-nous dire. Bajada évoque même les idées suicidaires durant notre discussion. Durant l'entrevue dans un zen café de la rue Amherst, à Montréal, le trentenaire indique dans la foulée qu'il ne veut pas paraître trop «drama queen». Mais puisqu'une tragédie amoureuse a inspiré une déclinaison de Loveshit, aussi bien aller au fonds des choses.

«Je pense que je carbure aux émotions associées à l'amour. Je suis conscient que je peux avoir l'air d'une caricature... Mais cette fois-ci, c'est très différent du premier Loveshit. Je n'ai pas seulement puisé dans la peine d'amour, mais aussi dans la dérive professionnelle et les amitiés décimées. Avant d'écrire les pièces de Loveshit II, j'avais perdu tous mes repères...»

Pour appuyer le concept de son implosion, Jason Bajada a choisi de séparer clairement les deux tomes. D'abord celui ayant comme sous-titre Blondie (le surnom de cette blonde qui lui a déchiré le cœur), à l'ambiance généralement lumineuse et dynamique (notons la superbe pièce A Collision et la très accrocheuse Blondie, justement) puis The Backstabberz (on peut traduire par les traîtres), la seconde partie dédiée aux amitiés toxiques et à la trahison (mentionnons les morceaux In What World Do You Savages Live Where You Thought I'd Be Cool?, You Had Me At 'I'm Gonna Ruin Your Life' ou encore What's Worse).

«Certes, la rupture a fait mal, dit Bajada. Mais le pire est arrivé quand mes amis ont choisi la business au détriment de la solidarité amicale», envoie-t-il calmement, comme s'il avait été plongé dans l'acide pour ensuite en ressortir nettoyé de tout. Visiblement, il a souffert en maudit. Mais, Bajada a depuis trouvé la force de conserver son sang-froid lorsqu'il évoque cette étape particulièrement douloureuse de sa vie. Vivement la thérapie par la musique, entre autres.

Jean-François Cyr

Brault et Joly

Créé à l'aide d'une toute petite équipe, dont le très sollicité Philippe Brault à la réalisation, à la programmation et aux divers instruments ainsi que Sam Joly à la batterie et aux percussions, Jason Bajada (guitares, claviers, basse...) a écrit 35 morceaux avant de réduire le tout à une généreuse offrande de 20 chansons. «Ce disque est vraiment à mon image», de commenter le principal intéressé.

Disons-le, c'est un défi énorme que de créer un album double, en plus conceptuel. Cela dit, dans l'ensemble, Loveshit II est une savoureuse aventure.

Même les écrits les plus abrasifs sont livrés dans des ambiances musicales très digestes (The Worst Year of My Life, à la Morrissey des Smiths, ou encore quelques morceaux comme Final Breath, à la Sufjan Stevens), voire entraînantes (comme la chanson Painkiller, dont le timbre vocal de Bajada rappelle celui de Win Butler, d'Arcade Fire).

S'arracher à son mal de vivre pour en partager une part à travers l'art, ça donne parfois de bons résultats. L'amour, ce poison qui donné sens à la vie artistique de Jason Bajada...

Loveshit II (Blondie and the Backstabberz) est disponible sous étiquette Audiogram.

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