Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

World Press Photo: «En tant que journaliste, je devais prendre la photo»

«Je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il se passait jusqu'à ce que je réalise qu'un homme était mort...»
Ismaël Houdassine

Le 19 décembre 2016, une journée pas comme les autres à Ankara. Le journaliste turc Burhan Ozbilici, de l'agence Associated Press, prépare son appareil photo afin d'aller couvrir l'inauguration d'une expo d'art sur la Russie. La routine, quoi! Mais il ne sait pas encore qu'il va être témoin d'un terrible assassinat politique.

«J'étais sur les lieux par hasard, raconte Burhan Ozbilici en entrevue. Je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il se passait jusqu'à ce que je réalise qu'un homme était mort après plusieurs coups de feu. J'ai eu peur, mais je n'étais pas blessé. J'ai alors pensé qu'il fallait que je fasse mon métier. L'assassin était en face de moi. En tant que journaliste, je devais prendre la photo.»

Non sans créer une certaine controverse, cette image saisissante a valu à Burhan Ozbilici le prix de la photo de l'année 2017 remis par le jury de la 12e édition du prestigieux World Press Photo. Elle est d'ailleurs présentée au public en ce moment à Montréal, au Marché Bonsecours, entourée d'autres photos primées. «La corruption est à la base des injustices dont souffrent des millions de personnes, ajoute le photographe. Ancrée dans l'actualité tourmentée du Proche-Orient, la photo raconte à sa manière les fractures d'un monde de plus en plus divisé.»

Burhan Ozbilici, AP

Charge émotionnelle

Même si le cliché intitulé Un assassinat en Turquie a depuis fait le tour du monde, l'œil est invariablement attiré sur le jeune homme en colère, l'arme à la main et le doigt levé au ciel. On croit même l'entendre hurler dans le silence au côté du corps inerte de l'ambassadeur Andreï Karlov, venu livrer un discours. Le tueur s'appelle Mevlüt Mert Altintaş, un agent de police qui paraît plus vieux que ses 22 ans. «N'oubliez pas Alep. N'oubliez pas la Syrie!», déclarera-t-il quelques minutes avant d'être abattu par les forces de sécurité turques.

«Je ne comprends pas pourquoi ils ont fait cela. J'aurais préféré qu'on le prenne vivant pour qu'il soit jugé», regrette Ozbilici. L'homme se souvient être allé chercher la force nécessaire en pensant à son père, un spécialiste du droit islamique, aujourd'hui décédé, et qui s'est battu toute sa vie contre les abus de pouvoir dans son pays.

«Je ne crois pas être plus courageux que les autres. J'ai seulement pensé à mon papa qui était un homme respectable et qui m'a toujours appris à garder mon sang-froid. L'islam qu'il pratiquait était pacifique, à mille lieues de celui de ces terroristes. Ils salissent une religion qu'ils ne connaissent pas.»

Il précise également avoir eu une pensée envers son chat, un siamois auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux. «Il m'a déjà sauvé la vie une fois. J'ai de nouveau senti sa présence ce jour-là.» Le journaliste l'avoue lui-même : son cliché n'est pas le plus «beau» du lot, mais sa charge émotionnelle est si intense qu'elle ne passe pas inaperçue.

Le World Press Photo dévoile aussi les autres clichés du photographe pris durant ce jour fatidique. Quant au reste de l'exposition, elle exhibe 152 images prises aux quatre coins du monde.

À voir également :

Le vernissage du World Press Photo au Marché Bonsecours

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.