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Dépotoir nucléaire: des sols déjà contaminés près de la rivière des Outaouais

Les Laboratoires de Chalk River, qui produisent entre autres des isotopes médicaux et industriels, appartiennent au gouvernement du Canada.
Chris Wattie / Reuters

Des sols et des matériaux contaminés par la radioactivité depuis des décennies se trouvent déjà à proximité de la rivière des Outaouais sur le site des Laboratoires nucléaires de Chalk River et c'est pour en disposer de façon sécuritaire qu'un dépotoir nucléaire doit être construit, ont expliqué des employés des Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) à la chef du Bloc québécois Martine Ouellet lors d'une visite des lieux jeudi.

La Presse canadienne a accompagné la délégation de Mme Ouellet qui avait également invité trois militants pour la protection de l'environnement.

Ce déplacement clôturait sa tournée de trois jours au Québec et en Ontario pour marquer son opposition au projet de dépotoir nucléaire qui doit être aménagé sur les lieux de Chalk River à environ un kilomètre de la rivière des Outaouais.

«Tous ces endroits de contamination sur le site sont bien connus, bien caractérisés et le système de surveillance est en place, a expliqué la biologiste Annie Morin, spécialiste de l'environnement pour les LNC. Nous voulons maintenant consolider ces déchets radioactifs dans une installation de gestion des déchets près de la surface. Ainsi, nous aurions un seul endroit à faire de la surveillance environnementale. Ces déchets-là seraient contenus et isolés de l'environnement.»

Malgré le ton rassurant de la dizaine d'employés des LNC et d'Énergie atomique Canada limitée qui lui ont expliqué le projet en détail, Martine Ouellet demeurait peu convaincue à l'issue de sa visite.

Celle qui est également députée à l'Assemblée nationale estime que les promoteurs du projet doivent refaire leurs devoirs.

«Je n'ai pas été rassurée parce que leur soi-disant meilleur site, c'est sur leur territoire de Chalk River et ils n'ont pas regardé en dehors du territoire de Chalk River pour une raison de coûts», a-t-elle souligné avant de quitter les lieux.

«Tant qu'à choisir un site permanent, je crois qu'il devrait y avoir un choix plus sécuritaire que le site qu'ils nous proposent, a-t-elle poursuivi. Ils devraient proposer au public des alternatives avec les coûts et ce projet-là devrait être un projet en fonction de la sécurité des citoyens et des citoyennes.»

Le site des Laboratoires nucléaires de Chalk River est hautement sécurisé. À l'arrivée, tous les véhicules ont été fouillés par la sécurité. Les caméras n'ont pas été saisies, mais il était interdit de photographier les lieux. Une fourgonnette nous a ensuite conduits le long d'une route pavée coupant une forêt dense et où se promenait un troupeau de dindons sauvages.

Les Laboratoires de Chalk River, qui produisent entre autres des isotopes médicaux et industriels, appartiennent au gouvernement du Canada, mais ils sont gérés en sous-traitance depuis 2015 par les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC), une entreprise appartenant au consortium Canadian National Energy Alliance composé de quatre entreprises d'ingénierie et de technologie, dont SNC-Lavalin et Rolls-Royce.

Il s'agit du plus grand centre de recherches au pays. Le bâtiment principal, dont l'un des murs extérieurs est entièrement vitré, offre une vue spectaculaire sur la rivière des Outaouais.

La proximité de la rivière est l'une des raisons pour lesquelles ces laboratoires nucléaires y ont été aménagés dans les années 1940, l'eau étant utile pour le refroidissement des réacteurs nucléaires.

Les pratiques de l'époque étant moins raffinées que celle d'aujourd'hui, certains sols et eaux souterraines ont été contaminés par la radioactivité.

Les responsables des Laboratoires nucléaires de Chalk River veulent y remédier et trouver une solution durable pour l'entreposage des déchets nucléaires antérieurs et de ceux qui seront produits à l'avenir. Ils prévoient une importante revitalisation des lieux dont le budget s'élève à 800 millions $.

«Le risque de ne rien faire est significatif parce que nous avons des bâtiments de bois qui ont été contaminés sur la berge de la rivière des Outaouais, nous avons des panaches contaminés d'eaux souterraines près de la rivière. Le but est de les mettre dans un milieu fermé», a réitéré le vice-président du déclassement et de la gestion des déchets pour LNC, Kurt Kehler.

Une surveillance étroite est constamment effectuée, selon les responsables de LNC, pour éviter que cette contamination ne s'étende.

1,4 million de m3 de déchets radioactifs

Dix statistiques sur les déchets nucléaires

Jusqu'à 1000 mètres cubes

Le dépotoir serait aménagé en pleine forêt et pourrait accueillir jusqu'à 1000 mètres cubes de déchets nucléaires à faible radioactivité durant 50 ans. La majorité proviendrait de Chalk River et le dépotoir servirait, entre autres, à disposer de façon sécuritaire des sols et des matériaux contaminés. Une faible proportion de ces déchets serait issue d'autres endroits comme celui de Gentilly-1 et de clients comme les hôpitaux et les universités.

Selon le projet proposé à la Commission de sûreté nucléaire, seulement 1 pour cent de ces déchets auraient une radioactivité d'intensité moyenne et aucun déchet à forte radioactivité n'y serait accepté.

Le dépotoir dont la planification a été réalisée par des ingénieurs comprendrait une membrane de deux mètres d'épaisseur pour éviter les fuites et une usine de traitement des eaux usées. Il tient compte du risque de catastrophe naturelle comme une inondation ou un tremblement de terre, selon Kurt Kehler.

Malgré toutes ces informations, les opposants au projet sont peu rassurés. Ils dénoncent la proximité du dépotoir de la rivière des Outaouais, car ils craignent que d'éventuelles fuites ne contaminent les eaux.

«La radioactivité tout comme le pétrole lourd, ça ne s'enlève pas, a souligné Martine Ouellet. Tu ne peux pas dire: on a de la contamination, on va nettoyer. Ça ne se nettoie pas.»

Au cours de sa tournée, elle a rencontré divers groupes environnementaux et associations de citoyens le long de la rivière dont le Conseil de l'environnement et du développement durable de l'Outaouais (CREDDO).

«L'idée de construire un site d'enfouissement de déchets nucléaires à un kilomètre d'une rivière qui alimente une grande partie de la population québécoise, il y a quelque chose qui manque, a dit le directeur général du CREDDO, Benoît Delage. N'importe qui va dire que ça n'a pas de bon sens.»

Le maire de Gatineau, qui a également discuté de la question avec Martine Ouellet mercredi, se dit préoccupé, mais veut en savoir davantage avant de trancher.

«C'est clair qu'on a des inquiétudes, a-t-il dit en entrevue. La principale source d'eau potable de Gatineau, c'est la rivière des Outaouais et ce projet-là se trouve en amont de Gatineau. Donc, c'est certain qu'on a des questions à poser sur le degré de risque.»

«Nous croyons que c'est le meilleur endroit sur tout notre site», a soutenu Kurt Kehler.

Sa collègue, Annie Morin, ajoute qu'il se trouve à l'extérieur de la limite du bassin versant de la rivière des Outaouais.

Un autre endroit plus éloigné de la rivière sur l'immense terrain des laboratoires de Chalk River a été considéré, mais a été abandonné parce qu'il aurait été plus risqué à cause des eaux de ruissellement.

«L'aménagement de ce site n'est pas une solution 'cheap' et rapide, a souligné Kurt Kehler. Il s'agit d'installations de 250 millions $.»

Selon lui, la distance entre le site proposé et la rivière des Outaouais est suffisante, d'autant plus qu'il fera l'objet d'une surveillance constante. Il reconnaît qu'aucun autre site à l'extérieur des laboratoires de Chalk River n'a été étudié.

«Nous avons envisagé la possibilité de transporter des matières radioactives ailleurs, mais les gens ne seraient pas en faveur de ça non plus et les déchets sont déjà ici», a-t-il indiqué.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire doit procéder à l'évaluation environnementale du futur dépotoir. Le Bloc québécois entend soumettre ses premiers commentaires d'ici la fin de la période de consultation du public le 16 août.

Des audiences publiques sont à prévoir. Le ministre québécois de l'Environnement, David Heurtel, a demandé en mai que des audiences aient lieu au Québec pour permettre aux citoyens touchés de se prononcer.

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