Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Crise du bois d'oeuvre: l'industrie et les gouvernements prêts à en découdre avec les Américains (VIDÉO)

Crise du bois d'oeuvre: le Canada prépare sa contre-attaque

Le premier ministre Justin Trudeau ne se dit pas surpris de l'imposition de nouvelles taxes punitives sur le bois d'oeuvre canadien par les États-Unis et dit avoir bon espoir qu'une fois de plus, les tribunaux donneront raison au Canada dans ce litige commercial historique avec les Américains.

Questionné par les journalistes sur la nouvelle taxe de près de 7 % imposée lundi par Washington sur le bois d'oeuvre canadien, Justin Trudeau a expliqué qu'il n'est pas surpris puisque chaque fois que le Canada et les États-Unis se sont affrontés sur cette question, Washington a imposé des droits compensateurs et des droits antidumping sur les produits canadiens.

« On prévoyait ces nouvelles qu'on a reçues hier. Toutes les fois précédentes, il y avait ces deux éléments à l'intérieur des actions des États-Unis », a-t-il expliqué.

«À chaque fois, les tribunaux finissent par nous donner raison et rejeter ces actions américaines et on s'attend à ce que ça se passe encore une fois cette fois-ci»

— Justin Trudeau

Soulignant que le plan d'aide de son gouvernement prévoyait le recours à ces mesures par l'administration Trump, Justin Trudeau a déclaré : « Nous continuerons de travailler avec l'administration américaine pour essayer de régler ce différend par un nouvel accord plutôt que d'être pris dans ces actions punitives »

Malgré cette guerre commerciale, les relations entre le Canada et les États-Unis demeurent bonnes et cordiales, assure Justin Trudeau.

« Nous avons une relation positive et constructive avec le gouvernement américain. Oui, notre bois d'œuvre et notre système de défense de gestion de l'offre peuvent soulever des pépins dans notre conversation, mais nous savons que les enjeux et les relations entre nos deux pays sont tellement plus grandes, tellement plus positives », a assuré le premier ministre canadien.

Près de 27 % de surtaxe

Le département américain du Commerce a imposé lundi un droit préliminaire antidumping qui tournera autour de 6,87 %. Il s'ajoute à un droit compensatoire de 19,88 % déjà annoncé en avril.

Ainsi, au total, une taxe d'environ 27 % sera imposée sur le bois d'œuvre canadien qui franchira désormais sa frontière.

Seules les provinces de Terre-Neuve-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse sont épargnées par cette surtaxe, Washington estimant que leur industrie du bois ne nuit pas à la sienne.

Les droits compensateurs et droits antidumping sont des taxes que Washington impose, en plus des droits de douane habituels sur le bois d'œuvre canadien qui entre sur son territoire.

Ce type de surtaxe est imposé par un gouvernement lorsqu'il estime qu'un autre pays subventionne illégalement des produits qu'il revend ensuite sous le prix du marché sur son territoire, ce qui nuit à l'industrie locale qui elle, ne bénéficie pas des mêmes avantages.

Ottawa prêt à faire appel aux tribunaux internationaux

C'est la cinquième fois que les États-Unis imposent des droits compensateurs et des taxes punitives sur les produits de bois d'œuvre canadien ces 30 dernières années et chaque fois, le Canada a obtenu gain de cause devant les tribunaux.

À Ottawa, le gouvernement Trudeau prépare déjà sa riposte en invoquant d'entrée de jeu le recours, une fois de plus, aux tribunaux si les parties n'arrivent pas rapidement à dénouer cette crise par la négociation.

«Nous défendrons vigoureusement notre industrie du bois d'œuvre résineux, en intentant des actions s'il le faut. Nous nous attendons d'ailleurs à obtenir gain de cause comme par le passé»

— Jim Carr, ministre fédéral des Ressources naturelles et Chrystia Freeland, ministre fédérale des Affaires étrangères

À Washington, le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, a déclaré : « Bien que je demeure optimiste quant à la conclusion d'une entente négociée, jusqu'à ce que nous y parvenions, nous devons continuer d'imposer les droits compensatoires et antidumping pour défendre les compagnies américaines ainsi que leurs travailleurs. »

« On va rester les coudes serrés et on va se tenir » - Philippe Couillard

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a bombé le torse, lundi, face aux Américains.

« Ce n'est pas justifié cette approche-là. Il n'y a pas de subvention et il n'y a pas eu de dumping. Maintenant ils [les États-Unis] décident de procéder de cette façon-là », a déploré le premier ministre du Québec.

« L'argent qu'on a mis de côté pour aider notre industrie et nos travailleurs est encore là et il va servir à ça aussi. », a promis une nouvelle fois Philippe Couillard.

«Le message que je leur ai donné en privé et en public c'est que "si vous pensez nous avoir à l'usure, nous autres les Québécois, vous vous trompez." On n'est pas de même. On va rester les coudes serrés et on va se tenir jusqu'à temps qu'on ait résolu cette affaire-là»

— Philippe Couillard

Le gouvernement Couillard a par ailleurs convié des représentants du monde des affaires, du secteur agricole et du milieu syndical de la province pour faire le point, mardi après-midi, à Québec, sur cette nouvelle crise dans l'industrie forestière et sur l'ensemble du commerce entre la province et les États-Unis.

Sont notamment conviés à cette réunion à huis clos : les ministres québécois de l'Économie, des Forêts, des Relations internationales, du Travail, des Petites et Moyennes entreprises, l'Union des municipalités du Québec, l'Union des producteurs agricoles, le Conseil du patronnat du Québec, les centrales syndicales ainsi que les manufacturiers et exportateurs.

Le gouvernement du Canada a annoncé un plan d'aide à l'industrie du bois d'œuvre de 867 millions de dollars le 1er juin dernier. Le gouvernement du Québec a fait de même en débloquant 300 millions de dollars pour soutenir l'industrie forestière québécoise et protéger les emplois qui y sont reliés.

La Colombie-Britannique tout aussi déterminée

En Colombie-Britannique, où 60 000 travailleurs dépendent de l'industrie forestière, le gouvernement de la province a promis de se battre, tout en répétant qu'il préfère de loin une solution négociée plutôt qu'une confrontation judiciaire devant les tribunaux internationaux.

Selon le Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre de la Colombie-Britannique, les allégations de concurrence déloyale visant le Canada n'ont jamais été prouvées en cour et ne le seront jamais.

Victoria croit que le geste des Américains fait mal aux travailleurs et aux entreprises forestières canadiennes, mais aussi à l'industrie de la construction et de la rénovation américaine et à leurs clients.

En mai, la part du Canada dans le marché américain du bois d'œuvre était de 27 %, par rapport à 31 % un an plus tôt, d'après les rapports mensuels du gouvernement fédéral. Ce recul de la part de marché représente une perte en exportations de 165 millions de dollars pour le mois, notamment de 105 millions de dollars pour la Colombie-Britannique et de 18 millions de dollars pour le Québec.

Premières pertes d'emplois

Du côté de l'industrie canadienne du bois d'oeuvre, on se prépare à des baisses de rendement importantes. Des mises à pied ont par ailleurs déjà commencé, notamment à la compagnie Résolu.

Déjà, Résolu a réduit le nombre d'heures de travail dans sept de ses scieries, en plus de retarder le début d'activités en forêt, ce qui a touché 1282 travailleurs.

Au Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ) on déplore les pertes importantes que générera cette mesure punitive américaine qui privera l'économie de centaines de millions de dollars.

« Avec cette nouvelle taxe, nos entreprises exportatrices de bois d'oeuvre verseront quelque 300 millions de dollars en droits compensateurs et antidumping d'ici la prochaine année. Des sommes importantes qui ne pourront être investies dans l'économie québécoise, que ce soit en équipements ou en salaires, et auxquelles s'ajouteront maintenant les effets d'une autre surtaxe déraisonnable », a expliqué lundi le président et chef de la direction du CIFQ, André Tremblay.

« On ne se laissera pas faire, on va continuer à se battre, a déclaré pour sa part Renaud Gagné, directeur québécois du syndicat UNIFOR qui représente les employés de plus d'une centaine d'entreprises forestières canadiennes. « Si les négociations n'aboutissent pas à court terme, avant les négociations de l'ALENA, bien on n'aura peut-être pas le choix d'envisager le pire ».

Selon les estimations du syndicat, cette tactique américaine pourrait priver les producteurs forestiers canadiens de 1,5 milliard de dollars de revenus cette année, en plus de menacer plus de 25 000 emplois au pays.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.