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Des musulmans dénoncent les propos de Couillard sur l'islam et le terrorisme

Des musulmans dénoncent les propos de Couillard sur l'islam et le terrorisme
PC/Jacques Boissinot

En appelant jeudi les musulmans à « prendre leurs responsabilités » face aux attentats commis au nom de l'islam, Philippe Couillard a provoqué de nombreuses réactions dans la communauté musulmane du pays. Des voix qualifient ses propos « d'inacceptables » et de « malheureux ».

Cette polémique a été déclenchée jeudi, à la suite d’une entrevue avec Philippe Couillard qui réagissait à l’attaque au couteau contre un policier américain à l’aéroport de Flint, au Michigan, commis par un Montréalais, Amor Ftouhi.

D’ordinaire très prudent sur ce sujet, le premier ministre a déclaré qu'« on ne peut pas dissocier cet acte-là de la version pervertie de l’islam radical, que certains, dans cette communauté religieuse, font circuler ».

Il a aussi repris les propos du président français Emmanuel Macron affirmant que si la société d’accueil a une responsabilité d’inclusion, une responsabilité de sécurité et de prévention, la communauté musulmane a également la responsabilité de dénoncer la perversion de la religion, à savoir l’islam, que certains « utilisent pour commettre des actes inexcusables et impardonnables ».

Des déclarations qui ont étonné des organisations musulmanes d’ici, habituées à des discours plus inclusifs et modérés de la part du chef du gouvernement québécois.

« Le terrorisme n'a pas de religion »

« Les déclarations de M. Couillard sont des déclarations malheureuses. […] Ce n’est pas le M. Couillard qu’on connaît et je ne vais pas lui prêter des intentions. Par contre, ça ne reflète pas la réalité », a déclaré l’imam Hassan Guillet, porte-parole du Conseil des imams du Québec.

«M. Couillard est le premier ministre du Québec et il ne pouvait pas contrôler des actes commis par des individus comme Alexandre Bissonnette. Comment peut-il demander à des gens comme vous et moi de contrôler 1,6 milliard de musulmans à travers le monde?» - Hassan Guillet, porte-parole du Conseil des imams du Québec

« Malheureusement, c’est loin de la vérité. Non seulement on peut les dissocier [islam et terrorisme], mais on doit les dissocier. […] C’est comme le feu et l’eau, ça ne se mélange pas. L’islam est une religion de paix, le terrorisme c’est un crime haineux. Même s’il y a certaines personnes qui prétendent être musulmanes, qui commentent des crimes, on ne peut pas dire, c’est l’islam. », a poursuivi M. Guillet.

«Le terrorisme n’a pas de nation, pas de religion, le terrorisme n’a pas d’appartenance ethnique.» - Hassan Guillet

Propos «choquants»

La surprise était aussi palpable dans la réaction de Samah Jabari, porte-parole du Forum musulman canadien, qui s'exprimait à l’émission Midi Info d'ICI PREMIÈRE. Pour elle, les propos de Philippe Couillard sont « un peu surprenants et choquants« pour un premier ministre.

Selon Mme Jabari, l’islam et le terrorisme sont un amalgame presque automatique lorsque la violence survient, mais beaucoup oublient que les musulmans sont très souvent les premières victimes de ces actes terroristes.

«On entend parler de l’islam aussitôt qu’il y a de la violence, aussitôt qu’il est question de terrorisme, on oublie que les musulmans sont souvent les premières victimes. Il y a beaucoup d’incidents dont les victimes sont des musulmans.» - Samah Jabari, porte-parole du Forum musulman canadien

Les musulmans sont des «citoyens comme les autres»

Pour sa part, Haroun Bouazzi, coprésident de l'Association des musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec, réfute carrément l’existence d’une « communauté musulmane ». Soutenir le contraire serait « essentialisant et donc stigmatisant », selon lui.

Sur sa page Facebook, M. Bouazzi rappelle que les Québécois de confession musulmane sont des « citoyens comme les autres » et quand ils « voient qu’un crime va être commis, ils appellent le 911 ». Du reste, il signale que « plusieurs arrestations dans un cadre terroriste ont été faites grâce à des ami(e)s, des membres de la famille ou des gens de la mosquée ».

«Les problèmes terroristes sont des problèmes sécuritaires qui relèvent de la responsabilité de la police et des services secrets. Les communautés musulmanes ne sont ni l’un ni l’autre et n’ont pas vocation à le devenir.» - Haroun Bouazzi, coprésident de l'Association des musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec

Déplorant que la dépression ne soit « pratiquement jamais évoquée » lors d’un attentat-suicide, il invite les gouvernements à plus de cohérence dans leur attitude vis-à-vis de « la branche salafiste, takfiriste, djihadiste. Celle-là même qui est financée et pensée par l’Arabie Saoudite. Or, l’Arabie saoudite est l’un des meilleurs alliés et partenaires des États-Unis, de la France ou du Canada ».

Par ailleurs, Haroun Bouazzi constate qu’« on peut toujours faire l’autruche, mais le fait est que moins un pays bombarde [d'autres pays], moins il a d’attentats terroristes sur son territoire ». Pour lui, « en bombardant en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, au Mali, au Yémen, au Pakistan, les pays membres de l’OTAN ont participé à plonger des régions entières, à majorité musulmane, dans un drame humanitaire sans nom ».

Enfin, il soulève le « sentiment d’exclusion des minorités » et souligne le bilan « pitoyable » du gouvernement en matière de lutte contre le racisme. « Aucune campagne de sensibilisation contre le racisme, aucune formation des services de sécurité concernant les biais inconscients ou le traitement des actes haineux, aucun cours qui parle explicitement de racisme, de sexisme ou d’homophobie obligatoire dans nos écoles, etc. »

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