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Le combat d'un père pour son fils handicapé (VIDÉO)

«Je trouve qu’en 2017, au Canada, on peut faire mieux que ça.»

John Kripotos dit qu’il se bat contre le système depuis la naissance de son fils Konstantinos, lourdement handicapé, afin d’éviter qu’il se retrouve en foyer d’accueil.

« Il a 13 ans. Ça fait 13 ans qu’on est dans le système et qu’on se bat pour avoir quelque chose de mieux pour notre enfant. On ne demande pas d’être riches ou n’importe quoi. On demande juste assez pour avoir une vie normale », indique-t-il lors d’une entrevue chez lui, à Deux-Montagnes.

Kosta, de son surnom, souffre d’amyotrophie spinale de type II, une maladie rare caractérisée par la faiblesse musculaire. Le jeune homme ne peut utiliser ses jambes et se déplace en fauteuil roulant. Son père doit l’aider à accomplir des tâches qui semblent anodines pour les adolescents de son âge, comme se laver les dents ou manger.

Son père doit aussi le surveiller jusqu’à l’aube. « D’habitude, je ne dors pas la nuit, admet M. Kripotos. Je reste debout parce que je trouve ça moins frustrant que de me lever huit fois parce que je déplace mon fils afin qu'il se détende. Quand il veut se déplacer, c’est moi qui le fais. Il ne peut pas le faire tout seul. »

Le train-train quotidien reprend au lever du soleil. M. Kripotos aide Kosta à se préparer pour aller à l’école secondaire anglophone du quartier, Lake of Two Mountains High School. Puis, le papa pique un somme de quelques heures avant de continuer à affronter les obstacles du quotidien.

Le dernier défi en lice? Une chaise de bain promise par le CLSC Jean-Olivier-Chénier qui n’est finalement jamais venue. M. Kripotos l’attend depuis des années, après de multiples évaluations.

« On a fait la demande, ils ont fait une évaluation avec le bain, ils ont mesuré l’enfant, puis après… c’était la game d’attente. The waiting game, comme on dit. On n’a pas reçu la chaise, on a fait une autre demande, on a changé d’ergothérapeute, ils sont revenus faire une autre évaluation… Aussitôt qu’ils font l’évaluation, ça prend un ou deux ans avant d’avoir la chaise. »

« Alors, vous comprenez qu’on doit attendre le moment qu’ils donnent pour avoir la chaise. Tu attends pendant deux ans, tu n’as pas la chaise, tu fais une autre demande, tu dois attendre un autre deux ans… tu fais une autre demande parce qu’ils ont mêlé les affaires, ils n’ont jamais reçu la chaise. »

C’est complètement ridicule de placer ton enfant parce que tu n’as pas une chaise de bain et une chaise de toilette. Je trouve qu’en 2017, au Canada, on peut faire mieux que ça.

Mais à 13 ans, son fils n’a pas fini de grandir. Il deviendra de plus en plus difficile de le déplacer au fil des années. Le CLSC lui a bien proposé qu’un professionnel vienne à la maison le laver à la serviette de temps en temps, mais M. Kripotos est catégorique. Il n’est pas question que son garçon soit lavé par un inconnu – encore moins avec une simple serviette.

« Une chance que je suis aussi costaud que je suis, parce que si c’était une femme de 120 livres, elle serait obligée de placer son enfant. C’est complètement ridicule de placer ton enfant parce que tu n’as pas une chaise de bain et une chaise de toilette. Je trouve qu’en 2017, au Canada, on peut faire mieux que ça », laisse-t-il tomber.

Du côté du CISSS des Laurentides, qui gère le CLSC en question, on répond qu’il y a eu effectivement une « cascade d’évènements » - changement d’intervenants, problèmes d’équipement, délais de la part des fournisseurs – qui ont mené à la situation actuelle.

« Vraisembablement, dans ce cas-ci, il y a eu un manque de cohésion à l’époque dans toute la coordination des services et ça a occasionné en effet des délais, a répondu le porte-parole Alain Paquette. On peut comprendre le désarroi du papa. »

M. Paquette soutient que la situation s’est améliorée depuis la réorganisation dans le réseau de la santé en 2015, qui a mené à la création du CISSS des Laurentides.

Il n’a pas été possible de parler directement aux intervenantes qui se sont occupées du cas de la famille Kripotos, malgré des demandes répétées cette semaine, mais une rencontre est prévue dans les prochains jours pour parler des besoins de Kosta.

M. Kripotos a élevé son fils seul presque toute sa vie, la maman n’étant plus dans le décor. L’homme a quitté son boulot pour s’occuper de son fils à temps plein. Aujourd’hui, il admet être à bout de souffle.

« Tu sacrifies ta vie pour prendre soin de ton enfant, mais je ne le vois pas comme un sacrifice, je le vois comme une obligation du parent, dit-il. C’est sûr que tu sacrifies beaucoup de choses dans la vie. Tu ne peux pas sortir, tu ne peux pas aller voir un ami… c’est dur de faire des choses. Tu n’as pas de vie sociale. Tu es obligé d’être là 24 sur 24. »

M. Kripotos dit qu’il reçoit environ 5000$ par année en prestations du fédéral et du provincial pour le handicap de son fils. Il a tenté d’obtenir un supplément pour enfant handicapé nécessitant des soins exceptionnels, mais Kosta ne serait pas assez handicapé en vertu des critères gouvernementaux, selon ses dires. Il a depuis contesté la décision.

« Mon enfant a 13 ans, il n’est jamais allé en vacances. Jamais. Il ne sait pas c’est quoi. On ne peut pas. Ce matin, j’avais deux agences de recouvrement qui m’appelaient… c’est assez frustrant d’avoir la situation de prendre soin de l’enfant 24 sur 24 et après, tu as toutes ces autres choses : problèmes de crédit, problèmes d’argent. Mon linge est acheté à l’église. On doit faire beaucoup de compromis pour qu’on soit corrects. C’est dur. C’est très dur. »

Il y a toutefois des lueurs d’espoir qui se pointent à l’horizon. L’école secondaire de Kosta, qu’il fréquente depuis septembre, a rendu les lieux accessibles à sa chaise roulante en moins de deux semaines. La salle de bains a été adaptée à ses besoins et il a un accompagnateur à ses côtés qui l’aide 20 heures par semaine pour manger et se rendre en classe.

Si un jour, quelque chose m’arrive, qu’est-ce qui va se passer avec lui? Il va être laissé où? C’est ça que je veux savoir.

Le groupe Facebook Gens de cœur positif et l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA) ont décidé de les prendre sous leur aile en leur installant une rampe d’accès sur le côté du logement, afin que Kosta puisse accéder à la cour chez lui.

Une page GoFundMe a également été mise sur pied afin d’amasser des fonds pour le duo père-fils, et une soirée de financement est prévue à Mirabel le 8 juillet prochain.

Quant à la chaise de bain pour la maison, M. Kripotos en a reçu une d’un donateur privé. Elle fait l’affaire pour l’instant, jusqu’à la prochaine poussée de croissance de son fils, dit-il.

Même s’il se dit heureux de ces actes de philanthropie, le père de Kosta sait que cela ne peut pas durer. Il craint pour l’avenir de son fils après ses 18 ans, puisqu’il n’aura droit qu’à l’aide sociale à ce moment-là.

« J’ai peur. Vraiment, j’ai peur. Je ne sais pas qu’est-ce qui va arriver. Je pense à ça tout le temps. Quand je regarde mon fils, c’est à ça que je pense : à quoi son futur va-t-il ressembler. Si un jour, quelque chose m’arrive, qu’est-ce qui va se passer avec lui? Il va être laissé où? C’est ça que je veux savoir. »

« Le handicap est devenu un synonyme de pauvreté. Ça n’a pas d’allure. On est un pays développé. On n’est pas supposés avoir ces problèmes-là. »

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