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Exploitation sexuelle pendant le Grand Prix: 10 personnes arrêtées en 2016

Exploitation sexuelle pendant le Grand Prix: peu d'arrestations l'an dernier
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Au moment où de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer l'exploitation sexuelle lors du Grand Prix de Montréal, à peine dix personnes ont été arrêtées l'an dernier au terme de dizaines d'interventions policières dans les bars de danseuses, les salons de massages ou les agences d'escortes, révèlent des données obtenues par La Presse canadienne.

Selon les données fournies par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), pour toute l'année 2016, 228 dossiers ont été traités en matière d'exploitation sexuelle - ce qui comprend le proxénétisme et l'achat de services sexuels

Cela signifie que les arrestations effectuées pendant les deux jours du Grand Prix représentent seulement un peu plus de 4 pour cent de tous les dossiers de l'année.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) assure pourtant accentuer ses efforts pour lutter contre l'exploitation sexuelle lors des jours du Grand Prix, a relaté le commandant Michel Bourque, de la Division des crimes majeurs et économiques du SPVM.

"Ce n'est pas nécessairement une période de pointe", a-t-il dit en entrevue téléphonique.

"C'est clair qu'il y a, oui, de l'exploitation sexuelle. Définitivement, c'est quelque chose qui existe, on ne peut pas se cacher la tête dans le sable. Ça existe, on la travaille. Mais de là

à dire que c'est plus présent lors du Grand Prix, je vous dirais que c'est quelque chose qu'on travaille à longueur d'année", a expliqué le commandant Bourque.

Car il y a le Grand Prix, mais il y a aussi plusieurs festivals pendant l'été qui accentuent ce phénomène.

"Il y a plusieurs recherches qui démontrent que plusieurs pays qui accueillent des événements d'envergure ou des événements sportifs vont avoir à mettre des mécanismes d'intervention pour contrer la traite de personne et l'exploitation sexuelle", a-t-il souligné.

Même son de cloche du côté de Stella, un organisme représentant les travailleuses du sexe et qui milite ouvertement pour la décriminalisation de la prostitution.

Celui-ci note une augmentation du tourisme sexuel tout l'été, et pas spécifiquement pendant le Grand Prix.

"La réalité est qu'à Montréal, on a une saison touristique très longue. On a toutes sortes de festivals, on a toutes sortes d'autres événements, et le Grand Prix, ce n'est pas particulier", a soutenu la porte-parole, Sandra Wesley, qui dit s'appuyer sur les quelque 5000 à 8000 travailleuses du sexe qui communiquent avec l'organisme.

Mme Wesley accuse d'ailleurs certains intervenants d'exagérer le phénomène de l'exploitation sexuelle pendant le Grand Prix. "On doit sans cesse se battre contre cette présomption-là. Et pourtant, année après année, il y a de la répression policière et il y a des personnes qui en paient le prix", a-t-elle souligné. Plusieurs femmes auraient été déportées l'année dernière à la suite de l'intervention des policiers, selon Stella.

Dans la "culture" du Grand Prix

Mais selon la criminaliste Maria Mourani, les policiers n'interviennent tout simplement pas assez dans cet événement, dont la "culture" est imprégnée par le sexe, contrairement aux autres événements estivaux.

Selon elle, plus de moyens devraient être déployés pour s'attaquer à cet "eldorado de proxénètes", dit-elle.

"Moi, j'ai des filles qui me racontent comment elles passent d'un hôtel à l'autre, que parfois, même elles sont obligées de faire des heures de fous parce qu'il y a trop de demande par rapport à la capacité prostitutionnelle", a raconté l'ex-députée bloquiste en entrevue téléphonique.

"C'est très payant. Les proxénètes font énormément d'argent là-dedans."

Mme Mourani estime que la Ville de Montréal "ferme les yeux" sur le problème alors qu'elle pourrait intervenir pour, entre autres, que les femmes qui travaillent dans l'événement ne soient pas habillées en petite tenue.

"Il faut que ce soit un événement sportif, point. La Coupe Rogers, là, elles ne sont pas habillées n'importe comment, les filles!", s'est-elle exclamée.

Elle voudrait aussi que les touristes soient informés qu'acheter des services sexuels est illégal au Canada.

Mme Mourani juge que le Grand Prix est une "honte" pour Montréal, ajoutant que les "coûts sociaux" ne sont pas pris en compte lorsqu'il vient le temps de renouveler l'événement.

"Est-ce qu'il y a eu une évaluation globale? Qu'est-ce qu'on paie, en termes de sous et en termes de coûts sociaux, de coûts en sécurité publique?", a-t-elle suggéré.

Danger pour les travailleuses?

L'organisme Stella croit que la répression policière suscitée par le Grand Prix met en danger les travailleuses du sexe, qui sont forcées d'agir de plus en plus dans la clandestinité.

Selon Sandra Wesley, les changements dans le Code criminel en 2014 ne protègent pas bien les travailleuses du sexe, qui se voient interdire certaines pratiques.

Le commandant Michel Bourque souligne que les policiers travaillent activement en prévention pour protéger les personnes vulnérables. "On aide énormément à détecter des victimes pour pouvoir les aider. Naturellement, il faut avoir leur collaboration, mais c'est ce qu'on travaille de plus en plus", a-t-il assuré.

Maria Mourani croit quant à elle qu'il faut intensifier les interventions policières, parce que plusieurs femmes sont victimes de proxénètes. "L'âge moyen d'entrée dans la prostitution, c'est 14 ans au Canada. On n'est pas en Thaïlande ou ailleurs, au Canada", a-t-elle soutenu.

"Ça fait depuis plus de 15 ans que je suis dans ce milieu-là, j'ai vu toutes sortes de filles. La très, très grande majorité sont sorties de ça avec un stress post-traumatique. Pour moi, ce n'est pas un travail. C'est une violence qui est faite envers les femmes", a-t-elle conclu.

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