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Samy Moussa, le jeune compositeur derrière la Symphonie montréalaise

Samy Moussa, le jeune compositeur derrière la Symphonie montréalaise
H. Hoffmann / ed. Durand, Paris

À 12 ans, le Montréalais Samy Moussa a composé sa toute première œuvre classique. Deux décennies plus tard, Kent Nagano lui a demandé d’écrire une symphonie en l’honneur de sa ville natale. Le 31 mai, soir de première, le compositeur de 32 ans prendra place à la Maison symphonique où il écoutera les musiciens de l’OSM interpréter sa création, enveloppée par les images de Moment Factory.

Bien qu’il ait l’habitude de créer de la musique pour différents orchestres, de la musique de chambre, des solos et des opéras – il a reçu en 2015 le prix Opus du «Compositeur de l’année» – Samy Moussa ne peut s’empêcher de vibrer différemment lorsque l’OSM lui fait une commande.

«J’admire énormément Kent Nagano, dit le compositeur. Il est très sensible et très profond. Pour moi, la musique n’est pas un spectacle, mais la recherche d’une certaine vérité métaphysique et philosophique. Et il trouve la plupart du temps.»

Quand on écoute le créateur parler de sa symphonie, on comprend qu’il est lui aussi engagé dans une quête de sens aussi concrète qu’intangible.

«Musicalement, Montréal ne signifie rien concrètement. J’ai plutôt composé à partir de son territoire : le fait que ce soit une ile, un espace tout au nord, pas très densément peuplé. Je crois que le territoire teinte l’identité de ses habitants. Les premiers colons n’agissaient pas comme nous aujourd’hui. Je crois que les Montréalais se sont transformés grâce au territoire et aux interactions avec les autres peuples. C’est un peu abstrait… Mais si on pouvait expliquer l’inspiration d’une œuvre en trois lignes, je n’écrirais pas de symphonie.»

La belle froideur montréalaise

Même s’il compose chacune de ses œuvres en espérant qu’elle soit un jour reprise par d’autres orchestres, Moussa a eu une pensée spéciale pour la personnalité de l’OSM en plein travail.

«Il y a une froideur dans le son de l’orchestre qui me plait beaucoup. Ce n’est pas un manque d’expression, mais une façon de mettre en valeur des choses très expressives, car elles sont réalisées de façon très raffinée. La chaleur est alors choisie et devient encore plus forte puisqu’elle émerge d’un autre état.»

Il a également été obligé de considérer un autre joueur dans l’aventure : Moment Factory, qui avait le mandat d’écrire une partition visuelle épousant la symphonie. Une contrainte que Moussa a d’abord perçue avec suspicion. «J’ai mis beaucoup de temps à accepter ça. Je tiens à mon indépendance totale. Et je souhaite humblement que tout ce que j’écris ait sa propre vie. Puis, c’est un peu compliqué de faire un projet en duo...»

L’OSM et Moment Factory l’ont vite rassuré : sa musique viendrait avant les images. «J’ai eu une liberté totale. C’était important pour moi de ne pas avoir à adapter ma musique à leur visuel.»

Aujourd’hui, le compositeur voit même du positif dans ce mariage. «On vit à une époque où les gens n’ont plus d’attention. On a de la difficulté à écouter une chanson populaire de trois minutes sans la changer, alors imaginez un mouvement de 10 minutes, une pièce de 50 minutes ou un opéra. Je pense que le visuel peut prolonger l’attention du public ou la récupérer.»

Décrivant sa pièce comme une œuvre lyrique et opulente, Moussa croit que les artisans de Moment Factory y ont perçu une forme de mélancolie qui se traduit en images et qu’ils ont eux aussi opté pour l’abstraction.

«Le visuel ne raconte pas une histoire linéaire et leur approche n’est pas muséale, avec une chronologie des événements qui ont marqué Montréal. Cependant, on remarque constamment des références, à la fois abstraites et concrètes, à la ville.»

La naissance d’un compositeur

Il suffit d’aborder ses débuts en musique pour comprendre à quel point sa vocation a toujours été claire. «Je veux composer depuis toujours! Enfant, je savais que je voulais créer des œuvres jouées par des orchestres. Un jour, j’ai été mis en contact avec du classique, probablement du baroque, et j’ai été profondément ému. À partir de ce moment, j’ai souhaité retrouver cette émotion.»

Durant sa jeunesse, il a touché au piano, qui ne lui procurait aucun plaisir. Puis, la clarinette l’a réconcilié avec la pratique musicale. Et il a ensuite développé une maitrise de tous les instruments à vent, à l’exception du basson. Toutefois, son plaisir était ailleurs. «C’est la musique qui m’intéressait, pas la jouer. J’avais envie de créer quelque chose. La première fois que j’ai composé, j’avais 12 ans. Je me souviens que ma première note était un Sol. Et à 14 ans, je me suis dit que je vivrais ailleurs un jour.»

Pourtant, quelques années plus tard, le Montréalais ne se destinait plus à une carrière musicale professionnelle. «J’étudiais au Collège Brébeuf et je pensais devenir avocat ou médecin comme tous mes amis. Mais un jour, une amie qui étudiait en musique m’a dit qu’elle n’avait jamais rencontré quelqu’un aussi passionné que moi par la musique et que je devrais réfléchir à ça… À ce moment-là, je me suis dit que je pourrais toujours devenir avocat plus tard, mais qu’il valait mieux m’investir en musique le plus tôt possible. Parce que ça prend toute une vie à apprendre.»

À 22 ans, il a quitté Montréal pour étudier et s’installer en Allemagne, croyant que sa carrière de compositeur classique et de chef d’orchestre se déploierait plus efficacement en Europe. Avec les années, il a fait sa place dans le milieu classique, développé un solide réseau social en Europe, et réussi à très bien parler l’allemand, mais il ne se considère pas comme un immigrant.

«Je ne crois pas que l’artiste en moi peut immigrer. Je ne deviendrai jamais Allemand. C’est une impossibilité totale. Je suis Québécois à la vie à la mort. Plus je crée, plus je réalise d’où je viens. La composition est presque un exercice psychanalytique. Je constate à quel point je suis influencé par le territoire…»

La Symphonie montréalaise sera présentée à la Maison Symphonique les 31 mai, 1 et 2 juin 2017. Il sera possible de visionner gratuitement le concert en direct et en différé sur OSM.CA. La Symphonie montréalaise sera également diffusée intégralement en direct sur ICI MUSIQUE (100,7 à Montréal) et ICIMUSIQUE.CA le mercredi 31 mai à 20 h. La captation télévisuelle du concert sera diffusée à la télévision sur ICI ARTV le jeudi 8 juin à 21 h, et en rappel le vendredi 9 juin à 20 h et le dimanche 11 juin à 18 h.

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