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«La Vieille Province»: la santé connectée pour faciliter le maintien à domicile (VIDÉO)

Alors que le vieillissement de la population commence à se faire sentir, la technologie pourrait offrir un peu de répit à un système de santé essoufflé. Mais le gouvernement tarde à embrasser le virage numérique.
Home carer checking patients blood pressure at home on sofa
Dean Mitchell via Getty Images
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Ce texte a été publié dans le cadre du dossier La Vieille Province, une série de reportages sur le vieillissement de la population au Québec.

Avec le vieillissement de la population, les craques du système de santé deviendront de plus en plus apparentes au fil des prochaines années. Si tout le monde – du ministre Gaétan Barrette aux intervenants du système de santé, en passant par les aînés eux-mêmes – s’entend pour dire que la solution passe par le maintien à domicile, la province utilise encore mal son plus grand allié dans cette quête: la technologie.

Roger Simard est pharmacien depuis près de 40 ans. Fervent partisan des nouvelles technologies, il a mis au point Pharmacie 3.0, un projet de santé connectée qui, croit-il, permettra à la population de prendre sa santé en main et, ainsi, de rester autonomes plus longtemps.

Avec l’aide de la firme montréalaise Tactio, le pharmacien a mis au point un tableau de bord électronique permettant de fédérer l’information recueillie par près de 200 dispositifs de santé connectée, tels que des bracelets compteurs de pas, des tensiomètres numériques ou encore des glucomètres numériques.

En synthétisant les données recueillies dans une interface conviviale, le pharmacien peut ensuite aider ses patients – notamment ceux qui souffrent de pathologies chroniques comme l’hypertension, le diabète ou l’hypercholestérolémie – à atteindre et à maintenir les cibles thérapeutiques fixées par leur médecin.

Entre décembre 2014 et juin 2015, le pharmacien a réalisé un premier projet-pilote dans une résidence pour personnes âgées de Lachine, Le Savignon. Dans le cadre de cette expérience, une quarantaine de patients âgés de 65 à 89 ans (qui, pour la plupart, n’avaient jamais utilisé une tablette électronique de leur vie) ont été appelés à mesurer certaines données biométriques grâce à des appareils de santé connectée. L’information était ensuite relayée au tableau de bord du pharmacien, qui pouvait intervenir auprès des patients et les inviter à communiquer avec leur médecin si quelque chose clochait. Fort du succès du projet-pilote, Roger Simard a ensuite déployé son outil dans plusieurs pharmacies de la bannière Uniprix à travers le Québec (voir la vidéo en tête d’article).

«Le but, c’était de voir si ça pouvait aider les gens à se responsabiliser par rapport à leur santé. L’autonomisation des personnes âgées, ça passe beaucoup par l’augmentation de la littératie en santé», explique le pharmacien.

«Au Québec, on a une littératie en santé qui est très pauvre»

— Roger Simard, Pharmacie 3.0

L’expérience japonaise

Le Japon est le pays du monde où le vieillissement de la population est le plus prononcé. Déjà plus du quart des Japonais sont âgés de plus de 65 ans. Et cette proportion pourrait atteindre 40% d’ici 2055.

Il est donc logique que les géants de l’informatique Apple et IBM aient choisi l’archipel pour tenter leur chance sur le marché de la santé connectée. En collaboration avec Japan Post, le plus important service postal du pays, les deux entreprises ont commencé à distribuer, fin 2015, des iPads dotés de nombreuses applications de santé connectée à des aînés japonais vivant seuls.

Le projet-pilote est en continuité avec un service qu’offrait déjà Japan Post: moyennant des frais mensuels, les facteurs rendent régulièrement visite aux aînés qui sont sur leur route et donnent des nouvelles de leur état de santé physique et psychologique à leur famille. Depuis 2015, ces employés sont aussi en charge de distribuer les iPads et de montrer aux personnes âgées comment les utiliser, notamment pour recueillir certaines données biométriques.

Les diverses applications permettent ainsi aux aider de prendre des rendez-vous médicaux, de programmer des rappels pour ne pas oublier leur médication, de se faire livrer des produits de base ou encore de recevoir des conseils personnalisés pour améliorer leur état de santé général. Japan Post espère étendre son projet à quelque quatre millions de foyers d’ici 2020.

Une avenue prometteuse

Selon Roger Simard, la santé connectée devrait être une composante essentielle de la stratégie du gouvernement pour encourager le maintien à domicile des aînés et ainsi éviter de surcharger encore plus le système de santé. «La technologie va devenir un perturbateur dans l’équation du système de santé», assure-t-il. Mais le Québec est à la traine lorsqu’il est question d’harnacher les nouvelles technologies, s’empresse-t-il d’ajouter.

«On est en retard et c’est une décision politique.»

— Roger Simard, Pharmacie 3.0

«Il n’y a absolument aucune réticence du gouvernement à déployer de nouvelles technologies, assure le ministre. Encore faut-il avoir l’infrastructure pour pouvoir les déployer.»

Pour lui, la solution passe par la création d’un dossier électronique, le fameux Dossier santé Québec (DSQ), pour tous les patients de la province. Ce dernier permettrait à tous les intervenants du système de santé, des médecins aux travailleurs sociaux en passant par les pharmaciens, d’avoir accès en temps réel à une pléthore d’informations médicales sur leurs patients.

Un projet avant-gardiste dont les bases ont été jetées… en 1990.

La petite histoire du Dossier santé Québec

  • 1990 : Le ministre libéral de la Santé, Marc-Yvan Côté, lance un projet de carte à puce, où seraient compilées les données médicales des patients.

  • 1993 : Plus de 7000 patients de la région de Rimouski reçoivent leur carte à puce dans le cadre d’un projet-pilote. Malgré quelques ratés, l’expérience est considérée comme un succès.
  • 1999 : Un second projet-pilote mené dans la région de Laval est miné par d’importantes difficultés informatiques.
  • 2000 : Le «rapport Clair», de la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, recommande l’adoption de la carte santé à puce à l’échelle provinciale.
  • 2002 : Le projet de carte à puce est abandonné après qu’une commission parlementaire eût soulevé des craintes quant à la confidentialité des données.
  • 2011 : Un rapport du Vérificateur général du Québec qualifie le DSQ d’«échec» en raison des retards et des dépassements de coûts.
  • 2013 : Le DSQ commence à être déployé de façon graduelle.

Si des progrès ont été réalisés depuis quelques années, on est encore loin du dossier universel dont rêvait Marc-Yvan Côté en 1990.

La plupart des informations médicales des patients sont aujourd’hui informatisées, mais il est encore difficile d’arrimer le Dossier médical électronique (DME) tenu par votre clinique, le Dossier clinique informatisé (DCI) qui contient vos informations dans les établissements hospitaliers, et le DSQ, qui compile des données provenant de laboratoires, de centres d’imagerie médicale et de pharmacies. À l’heure actuelle, tous ces dossiers sont hébergés sur une pléthore de logiciels différents à l’échelle de la province et doivent progressivement être uniformisés.

«D’ici trois ans, on aura mis en place un dossier qui va être universel au Québec.»

— Gaétan Barrette, ministre de la Santé

Il aura donc fallu au moins trois décennies pour mettre le projet en place. Pourtant, le ministre de la Santé refuse de qualifier les problèmes d’implantation du DSQ de «déboires», assurant que l’argent dépensé au fil des ans n’a pas été perdu.

«On a quand même mis en place des bases de données qui continuent à être alimentées et qui commencent à avoir beaucoup de durée. La porte de nos bases de données est assez étendue et on doit l’étendre encore plus. Ce que l’on doit avoir d’encore mieux, c’est une interface qui soit celle des temps modernes», nuance le politicien.

Il promet par ailleurs que les patients québécois auront accès à leurs données médicales à domicile «cette année». Et pour ce qui est de la transmission de données dans l’autre sens, telle que mise en place par Roger Simard avec Pharmacie 3.0? «On est en train de travailler là-dessus», promet le ministre, mentionnant un échéancier de «deux, trois ans».

Vidéo et montage: Philippe-Olivier Contant

Images additionnelles: Hugo Jolion-David

Avec la collaboration d’Agnès Chapsal

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