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Rites funéraires musulmans: la douleur d'enterrer l'être aimé au Québec

Rites funéraires musulmans: la douleur d'enterrer l'être aimé au Québec
Association de la Sépulture musulmane au Québec

Une famille musulmane qui choisit d’inhumer un proche au Québec doit surmonter plusieurs obstacles. Voici l’histoire d’Amal, 46 ans, une femme d’origine marocaine qui porte le deuil de son mari Farid depuis septembre dernier.

Quand Amal veut se recueillir sur la sépulture de son mari, elle doit prévoir deux heures de transport en commun. À partir d’Hampstead, elle prend un autobus, deux métros et encore un autobus, pour finalement arriver au cimetière multiconfessionnel de la maison Magnus Poirier sur le chemin Bas-Saint-François à Laval.

Le trajet aurait pu être plus long. En fait, plus de la moitié des immigrants de confession musulmane qui décèdent au Québec voient leur corps rapatrié au pays d’origine. De 65% à 70%, estime Yannick Boucher, chercheur doctoral dont la thèse porte sur les rites funéraires des musulmans au Québec.

Ce choix n’est pas simple, explique-t-il. D’une part, les rites funéraires musulmans demandent que le corps aille en terre le plus rapidement possible. D’autre part, il y a un désir très fort des immigrants musulmans de première génération d’être inhumé en terre natale afin de rejoindre les ancêtres et de poursuivre la lignée filiale.

Amal et Farid ont eu ce choix déchirant à faire quelques mois avant que ce dernier rende l’âme à 65 ans contre un cancer qu’il a combattu pendant sept ans. Farid a considéré faire rapatrier son corps, puis il a décidé que non.

«C’est très cher, d’abord, explique Amal. Puis, on va rarement au Maroc. Son père et sa mère étant décédés, il a dit qu’il préférait être enterré ici. Comme ça, mon fils et moi, on pourrait le visiter. Il serait près de nous.»

Trouver le repos au Québec

Si rapatrier un corps au pays natal est coûteux et compliqué, trouver le repos éternel au Québec tout en respectant les rites funéraires musulmans n’est pas simple pour autant. Le Québec manque cruellement d’espaces pour les sépultures musulmanes, et ce, depuis dix ans.

Deux acteurs principaux tentent de trouver une solution à cette impasse, explique Yannick Boucher : «On a d’un côté les associations culturelles, les mosquées en fait, qui veulent gérer leurs propres cimetières confessionnels musulmans. De l’autre, on a l’Association de la Sépulture musulmane au Québec (ASMQ) qui tente d’ouvrir le plus d’espaces de sépultures musulmanes possible dans des cimetières multiconfessionnels déjà existants. C’est ce qu’on appelle "les carrés musulmans".

Quand Amal et Farid ont eu à trancher, ils étaient à bout de souffle dans une petite chambre des soins palliatifs de l’Hôpital général juif de Montréal. Quelques mois plus tôt, Farid avait tenté de savoir combien il pouvait en coûter de recourir aux services de la mosquée de Montréal. «C’était très difficile de trouver des réponses à nos questions», se désole Amal.

La rencontre avec Hadjira Belkacem, la présidente de l’ASMQ, a été un vrai miracle, dit-elle : «Ils m’ont dit : "occupe-toi de ton mari et de ton fils. Nous, on s’occupe du reste." Ils nous ont visités à l’hôpital. Ils nous ont aidés financièrement. Ils ont organisé le transport du corps. Sans eux, je ne sais pas ce qu’on aurait fait... »

Devant la mort, tous les musulmans sont croyants

Le choix s’est donc arrêté sur le cimetière multiconfessionnel du chemin Bas-Saint-François à Laval. Pour Amal, l’important était que son mari puisse recevoir des rites funéraires qui respectent la religion musulmane.

«Quand on est arrivé là-bas, j’ai posé beaucoup de questions. "Est-ce que tu peux me garantir qu’il va être lavé avec de l’eau tiède, que les prières seront faites, que la sépulture sera orientée vers la Mecque... Il faut qu’il aille dans une certaine situation pour rencontrer Dieu, tu comprends?" »

Amal, de son propre aveu, n’est pas pratiquante ni très religieuse. Elle ne porte pas le voile, ne fait pas la prière du vendredi et ne visite que rarement la mosquée. «Au Québec, la grande majorité des musulmans ne fréquentent pas la mosquée», précise Yannick Boucher. En revanche, Amal fait le ramadan et prononce des prières de «bonnes actions».

Pourquoi alors accorder une telle importance aux rites funéraires religieux? «Vous savez quoi, répond Amal. Quand la mort se présente, aucun musulman, qu’il soit pratiquant ou non, n’accepterait de recevoir un enterrement non religieux... Ça, c’est sûr que non.»

Depuis que Farid est décédé, Amal lui parle tous les jours. «Je ne sais pas comment ça fonctionne... mais je sais qu’il m’entend.» L’autre source de réconfort, c’est de pouvoir le visiter au cimetière : «Sentir sa proximité, arroser sa sépulture, toucher la pierre tombale, m’asseoir près de lui... Ça fait beaucoup de bien.»

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