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La violence dans les hôpitaux en hausse (VIDÉO)

La violence dans les hôpitaux en hausse

Des médecins, des infirmières et des préposés se plaignent des agressions dont ils sont victimes à répétition de la part de certains patients. Un problème qui connaît une hausse marquée depuis quelques années.

Un texte de Jean-Philippe Robillard

Infirmier dans des salles d'urgence depuis une vingtaine d'années, Jocelyn Dupuis soutient que la violence, qu'elle soit verbale ou physique, fait maintenant partie de son quotidien.

Il affirme même avoir déjà reçu un coup de poing au visage de la part d'un patient agressif. Jamais il n'aurait pensé être confronté à une telle agressivité dans son milieu de travail.

Manger un coup de poing en pleine figure, se faire mordre, se faire grafigner, se faire cracher dessus... c'est ce qui se vit dans les urgences.

— Jocelyn Dupuis, infirmier

Le problème est grandissant, notamment dans les urgences, où les délais d'attente sont souvent longs, selon le personnel du réseau de la santé.

Près de 700 incidents par année

Selon les plus récentes données de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), le nombre de réclamations d'employés victimes de violence dans le secteur de la santé a grimpé de 16 % entre 2010 et 2014.

Valérie Saillant, infirmière au triage dans les urgences depuis plusieurs années, dit être confrontée quotidiennement à des patients agressifs.

« Ce n'est pas toujours facile d'annoncer à quelqu'un qui a de la douleur qu'il a huit heures d'attente », affirme-t-elle. « Heureusement, maintenant, on a les agents de sécurité à l'urgence parce que, si ça dépasse la limite, je vais devoir intervenir avec l'agent de sécurité. »

La violence, qu'elle soit physique ou verbale, c'est du quotidien.

— Valérie Saillant, infirmière

Même les médecins n'échappent pas à cette réalité. L'urgentologue Nicolas Elazhary affirme qu'il a été agressé à plusieurs reprises dans le cadre de son travail.

« C'est rare que j'aie plus qu'une semaine sans être témoin ou victime de violence verbale ou physique », raconte-t-il. « Moi-même, j'ai porté plainte à la police quatre fois dans ma carrière, à date, pour des faits et gestes que je trouvais dangereux. »

Une fois, j'ai eu une fracture au visage et une commotion cérébrale. J'ai dû arrêter de travailler.

— Nicolas Elazhary, urgentologue

Une omerta

Malgré que ces actes de violence soient de plus en plus courants, rares sont ceux qui osent dénoncer et porter plainte contre leur agresseur.

Le président de l'Association des infirmiers et infirmières d'urgence du Québec, Stephan Lavoie, affirme que les travailleurs gardent le silence parce qu'ils craignent les représailles de leur employeur ou de leurs collègues.

« [Ils ont ] peur de se faire juger, croit M. Lavoie, [de se faire dire] que [leur] travail n'est pas bon non plus, [que] que si tu t'es fait attaquer, c'est peut-être parce que tu as fait une mauvaise intervention. »

Stephan Lavoie soutient qu'aux États-Unis seulement la moitié du personnel soignant qui subit des agressions porte plainte.

Manon Beaudet, directrice adjointe aux ressources humaines au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est, reconnaît le problème et affirme que son organisation s'est dotée d'une politique interne contre le harcèlement et la violence au travail.

« Je vous dirais que c'est un souci de l'organisation », soutient Mme Beaudet. « Pour nous, c'est important de protéger nos employés. »

Nos employés sont formés pour prévenir les situations de violence [et pour savoir] comment interagir avec une clientèle qui est agressive.

— Manon Beaudet, directrice adjointe aux ressources humaines au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est

Même si tous les établissements de santé doivent avoir ce genre de politique interne, parce que ce sont eux qui ont cette responsabilité, l'urgentologue Nicolas Elazhary croit que Québec doit en faire davantage pour contrer le phénomène.

« Ça va prendre une politique québécoise », croit-il. « À savoir : dans les hôpitaux du Québec, voici ce qu'on accepte et voici ce qui se passe si les gens dépassent les bornes. [Il faut] savoir où on met les limites. »

[Quand] vous êtes rendu à frapper quelqu'un, ce n'est pas acceptable. On va porter plainte à la police.

— Nicolas Elazhary, urgentologue

Des données préoccupantes

La CSN a mené sa propre enquête pour tenter de déterminer l'ampleur du problème dans les hôpitaux du Québec.

La centrale syndicale a obtenu les données pour quatre hôpitaux et CLSC du nord de Montréal. Elle a compilé 224 agressions l'an dernier à l'hôpital du Sacré-Cœur, au CSSS Ahuntsic-Montréal-Nord, au CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent et à l'hôpital Rivière-des-Prairies. Dans environ 60 % des cas, il s'agissait de coups de poing et de coups de pied.

Pour la présidente du Syndicat des travailleurs et travailleuses de l'hôpital du Sacré-Coeur, Judith Huot, ces données sont préoccupantes. « Quand j'ai vu les chiffres, ça m'a estomaquée ». dit-elle.

Il faudrait commencer par reconnaître que les agressions existent. Les gestionnaires et le ministère ne reconnaissent pas ça.

— Judith Huot, présidente du Syndicat des travailleurs et travailleuses de l'hôpital du Sacré-Coeur

« À partir de là, on donne la formation adéquate », ajoute Mme Huot. « Il faudrait que tout le monde soit formé. »

Selon les données de la CNESST, les lésions professionnelles dans le secteur de la santé sont en hausse, alors qu'elles sont en baisse dans les autres domaines d'activité. Elles ont grimpé de 7 % en santé tandis qu'elles ont reculé de 4 % dans l'ensemble des autres secteurs.

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