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Album hommage à Richard Desjardins

Album hommage à Richard Desjardins
Christian Leduc

Richard Desjardins a marqué le Québec grâce à ses chansons empreintes à la fois de réalisme et de poésie. Afin de souligner la qualité de son œuvre, une vingtaine de jeunes artisans de la musique ont réinterprété 13 de ses classiques pour concevoir un album hommage. Entrevue avec l’initiateur du projet, Steve Jolin, le réalisateur Philippe B, puis le chanteur Yann Perreau.

Tout comme l’auteur-compositeur-interprète de 69 ans, Steve Jolin et Philippe B sont originaires de Rouyn-Noranda, en Abitibi. Par différents chemins, ils sont arrivés à la même destination, à savoir l’œuvre de Richard Desjardins.

Steve Jolin, alias Anodajay, est un rappeur, mais aussi un producteur de 39 ans. Par l’entremise de deux maisons de disques, dont 117 Records, il publie des albums de musique depuis plusieurs années. Bien qu’il connaisse Desjardins (un peu l’homme, mais davantage le créateur) depuis longtemps, le déclic ne s’est fait qu’en 2015.

«J’écoutais une entrevue accordée par Desjardins à Radio-Canada dans le cadre du 25e anniversaire de l’album Tu m’aimes-tu?. C’est à ce moment-là, à l’été 2015, que j’ai eu l’idée de produire un album qui lui rendrait hommage. Cela dit, je voulais des artistes de la nouvelle garde, la jeune génération du Québec. La descendance de Desjardins, si on veut. Évidemment, j’ai demandé l’accord de Richard. […] Quand j’ai obtenu son OK, j’ai pensé à Philippe.»

Évidemment, Philippe B était bien heureux qu’on lui confie la tâche de superviser la création d’un album en l’honneur de Desjardins.

«J’ai vu le spectacle de Tu maimes-tu? à Rouyn, quand j’étais adolescent, peu de temps avant mon départ de la région, raconte-t-il à la table d’un bar montréalais. J’ai été un gros fan de Desjardins. C’est un projet qui me touche directement.»

En toute liberté ?

Tenant compte de quelques recommandations de Steve Jolin, Phillipe B a ciblé d’autres artistes pouvant prêter chacun leur voix à une chanson de Desjardins.

«Au printemps passé, Jolin et moi avons commencé à entreprendre des démarches auprès des chanteurs (qui sont pour la plupart aussi des musiciens). On a tenté de jumeler chaque participant à un morceau qui semblait lui convenir, explique le réalisateur. C’était des actes de foi. Ensuite, j’ai été assez directif dans certains cas. J’ai parfois apporté des suggestions. J’ai offert mon aide tout en laissant la liberté à l’artiste de l’interpréter à sa manière, qu’elle soit proche ou non du style de Desjardins.»

Ce fut le cas pour Klô Pelgag, qui voulait travailler «à sa manière».

« Je pensais être moins impliqué dans sa chanson parce qu’elle désirait travailler avec ses collaborateurs habituels, indique Philippe B. Finalement, je lui ai donné un bon coup de main. Elle ne savait pas comment prendre Les Yankees (de l’album Les derniers humains, paru en 1988). J’ai donc fait une maquette de la chanson au piano. J’ai aussi suggérer une maquette à Yann, pour la toune Dans ses yeux (de l’album Les derniers humains).»

Forcément, des chanteurs comme Koriass (il a interprété la chanson M'as mettre un homme là-d’ssus), Klô Pelgag (Les Yankees, avec Philippe Brach) Bernard Adamus (Les mammifères) et les sœurs Boulay (L'engeôlière) ont un ton qui diffère sensiblement de Desjardins.

«Je ne voulais pas forcer un artiste à interpréter une pièce d’une façon précise afin de créer un album cohérent, affirme Philippe B. Je ne voulais pas brimer un interprète pour que son morceau fonctionne avec le morceau qui suit sur le disque. J’avais treize voix différentes…»

Ainsi, les chansons, qui ont été en très grande majorité enregistrées et mixées au Studio Planète, à Montréal, ont été abordées comme des tableaux. Le défi était surtout de respecter la couleur de l’artiste invité.

Du côté de Yann Perreau, cette expérience l’a ravi.

«Au départ, j’avais pensé faire une autre toune. Mais le démo proposé par Philippe pour Dans ses yeux m’a fait triper. Finalement, j’ai choisi ce qu’il m’avait offert. C’était un enrobage à la Tom Waits, un peu. Je trouvais ça efficace la guitare au lieu du piano […]. On a enregistré la chanson à trois : Philippe (guitare), Pierre Fortin (à la batterie) et moi (à la voix, bien entendu). On a fait cinq prises live. On a gardé la deuxième, je crois.»

Ensuite, l’équipe de Phillipe B a ajouté quelques overdubs de trompette et de synthétiseur. De légers échantillonnages du piano de Desjardins (tiré de la chanson originale) furent également adjoints à la nouvelle pièce.

La valse des rendez-vous

Heureusement, le réalisateur fut en mesure d’obtenir plusieurs plages au Studio Planète pour satisfaire les divers besoins d’enregistrement, selon la disponibilité des artistes participant au projet. Dans le cas de Yann Perreau, il a livré son interprétation à la fin de l’hiver.

«Je connais très bien l’œuvre de Desjardins. J’écoute ses chansons depuis vraiment longtemps. Je connaissais Dans ses yeux par cœur, avant de la chanter pour cet album hommage. Je connais en fait une quinzaine de tounes par cœur. Je suis surtout familier avec les premiers albums : Richard Desjardins au Club Soda (1993), Tu m’aimes-tu? (1990), Les derniers humains (1988) et Boum Boum (1998).»

«J’ai vu Desjardins au Théâtre Saint-Denis en 1991, poursuit Perreau. J’accompagnais mon meilleur ami et je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. J’ai eu une vraie claque sur la gueule. J’ai acheté pratiquement tous ses disques depuis. […] Dès mon premier album solo, après Doc et les chirurgiens, j’ai repris sa chanson On m’a oublié (sur l’album Les derniers humain).»

Visiblement, Yann Perreau et Philippe B ont un attachement émotif particulier à la musique de Desjardins. Pour Perreau, ça passe d’abord par l’album enregistré au Club Soda. Pour Philippe B, son amour de Desjardins est né à l’écoute de Boom Town Café (sorti en 1981), premier album country rock du groupe Abbittibbi, dans lequel Richard Desjardins était auteur, chanteur et pianiste.

L’écriture de Desjardins selon Yann Perreau

«C’est comme si Desjardins avait pratiquement inventé un nouveau code alphabétique. Il a imposé un nouveau standard, pratiquement inatteignable. La barre est vraiment haute, autant pour les gens de sa génération que pour les plus jeunes. Il a fait du rap avant l’heure. Il fait de la poésie de haute voltige comme il fait de la poésie de coin de bar. Tout est vrai. Il a l’air imposteur dans rien. C’est un gars qui vient du classique, mais en même temps qui vient du bois. Il a voyagé beaucoup. Il est allé chez les Inuits. Il connaît aussi ses grands classiques. Il a certainement lu (Pablo) Neruda et les autres grands poètes sud-américains anarchistes.»

«Desjardins ne fait pas les choses à moitié. Il est méticuleux. Il y a énormément de travail dans ses chansons, même si à la fin, on ne sent pas la sueur. Ses textes sont souvent poétiques, comme Le prix de l’or (Au Club Soda) ou Le bon gars (Tu m’aimes tu?). Certains préfèrent le Desjardins avec sa guitare, d’autres aiment mieux Desjardins classique (au piano). J’adore les deux à dose égale.»

L’écriture de Desjardins selon Phillipe B

«Desjardins fait du joual, comme Fred Fortin, mais il fait aussi des interventions [soignés], comme Pierre Lapointe. Il a le droit et ce n’est pas bizarre, parce que c’est bien intégré, c’est naturel. Parfois, il utilise les deux approches dans une même chanson : Ton dos parfait comme un désert quand la tempête a passé sur nos corps; et plus loin il continue avec Coudonc tu m’aimes-tu? C’est un mélange de français littéraire et de parler du quotidien québécois. On n’a pas à choisir. Il définit une poésie québécoise d’aujourd’hui. C’est comme s’il buvait une pinte de bière dans le fond d’une taverne en lisant du Victor Hugo. Stéphane Lafleur, du groupe Avec pas d’casque, provient un peu de la même école.»

«An niveau de la musique, il a à la fois la simplicité de la musique country bien terre-à-terre avec les influences de sa formation en musique classique, qui donnent un fond raffiné. C’est comme s’il mélangeait Ravel avec Willie Lamothe !»

L'album est disponible depuis vendredi.

Voyez les photos des enregistrements dans la galerie ci-dessous.

Avec pas d'casque

Album hommage à Richard Desjardins

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