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«Drone de guerre», Guillaume Lavallée au cœur de l'enfer pakistanais

«Drone de guerre», Guillaume Lavallée au cœur de l'enfer pakistanais
Les Éditions Boréal

Unique puissance nucléaire du monde musulman, le Pakistan nous fascine autant qu’il nous affole. Depuis les attentats du World Trade Center en septembre 2001, le pays connaît une flambée de violence sans précédent fragilisant une région au bord de l’effondrement. Le journaliste québécois Guillaume Lavallée, correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) à Islamabad de 2012 à 2015, nous propose Drone de guerre, un ouvrage éclairant sur un conflit qui ne dit pas son nom.

Avant de poser ses pieds au «pays des purs» en 2012, Guillaume Lavallée avait passé plusieurs années au Soudan pour le compte de l’AFP. De son expérience au Darfour, il avait publié Dans le ventre du Soudan, un témoignage précieux sur une partie du monde en proie à l’une des guerres civiles les plus meurtrières de ce début du siècle. Avec ce même souci immersif d’informer ses lecteurs dans les moindres détails, l’ex-correspondant signe un nouveau livre, Drone de guerre, concernant cette fois le Pakistan.

«Le Pakistan est un pays très peu connu des Occidentaux et en particulier des francophones, lance Guillaume Lavallée en entrevue. Moi-même plus habitué à couvrir le monde arabe, j’ai découvert à mon arrivée sur place un pays tout à fait étonnant où la religion islamique et l’histoire de la nation sont inextricablement liées.»

Peuple tourmenté

Mastodonte de 200 millions d’habitants, le Pakistan est un état militaire rigide dont le socle demeure extrêmement fragile. «Les tensions au Cachemire avec son ennemie de toujours l’Inde, sa proximité avec l’Iran, son encombrant voisin Afghan, le régime est assis sur une poudrière, raconte le journaliste. Depuis les attaques du 11 septembre en sol américain, le pays est bouleversé et connais des attentats suicides presque quotidiens alors qu’il n’y en avait aucun avant 2001.»

Aujourd’hui professeur à l’École des médias de l’UQAM, Guillaume Lavallée a construit son bouquin comme un long reportage dans lequel le lecteur est propulsé dans une réalité composée d'enfants, d'hommes et de femmes tourmentés. «Je me suis d’abord intéressé au quotidien des gens. J’ai traversé les régions pour aller à la rencontre des Pakistanais et voir comment ils ont vécu l’après-11 septembre. En abordant la montée de l’intolérance religieuse ou les combats des caricaturistes pakistanais pour la liberté d’expression, j’ai tenté de faire le portrait d'un peuple sans pour autant entrer dans un certain angélisme.»

Guerre à distance

Au fil des pages denses et fournies, on découvre une contrée complexe composée d’agglomérations géantes (Islamabad, Karachi, Lahore), de zones tribales reculées et dangereuses dominées par les talibans, et de provinces de plus en plus radicalisées (Pendjab) ou en proie à la rébellion (Baloutchistan). Mais l’image que retire Guillaume Lavallée de ses trois années passées au Pakistan, c’est celle d’un pays aux mille visages dont les habitants sont les victimes d’une véritable guerre secrète entre les forces aériennes américaines et les combattants djihadistes.»

«Le Pakistanais moyen est la victime collatérale d’un conflit aux multiples ramifications, explique l’ex-correspondant de 39 ans. L’invasion en 2001 de l’Afghanistan par les forces américaines et leurs alliés continue d’avoir un impact profond sur l’existence des gens du pays qui sont aujourd’hui les cobayes de guerres nouvelles dont le drone militaire en est le plus éclairant symbole.»

Outre la traque d’Oussama Ben Laden, tué en 2011 par les forces spéciales américaines dans la banlieue d’Islamabad, les États-Unis continuent de poursuivre, via leurs drones armés, les talibans afghans réfugiés au Pakistan. Ses assassinats ciblés autorisés par les précédents présidents George W. Bush et Barack Obama auraient tué 400 civils depuis 2004. Les conséquences sont terribles pour les populations, rappelle Guillaume Lavallée.

«C’est une guerre à distance. Les pilotes aux États-Unis dirigent des drones sans occupant pour aller bombarder à des milliers de kilomètres des positions talibanes. On ne sait jamais vraiment qui sont morts, si ce sont des terroristes ou des civils innocents. J’ai rencontré des familles décimées et des survivants aux prises avec des symptômes post-traumatiques importants. Ce genre de combat pose des questions éthiques fondamentales et annonce ce qui pourrait être l’avenir de la guerre dans d’autres parties du monde.»

Drone de guerre, visages du Pakistan dans la tourmente – Guillaume Lavallée – Les Éditions Boréal – 200 pages – Parution le 14 mars 2017.

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