Ce n'est pas demain la veille que le système de la consigne au Québec sera modernisé, malgré des pressions en ce sens depuis de nombreuses années. Radio-Canada a appris que le ministère de l'Environnement a soumis plusieurs mesures d'écofiscalité en vue du budget 2017-2018, dont une visant à augmenter la consigne sur les canettes de 5 ¢ à 10 ¢.
Un texte de Mathieu Dion, correspondant parlementaire à Québec
Les propositions du ministère n’ont toutefois pas été retenues. Sur le plan politique, le gouvernement avait établi qu’il n’y aurait aucune hausse de tarifs ni de taxes. Une augmentation de la consigne aurait donc pu être perçue négativement.
Fonctionnement de la consigne
Lors de l’achat d’une canette de boisson gazeuse, celle-ci vous coûte 5 ¢ de plus que le prix initial. Il s’agit d’un dépôt qui vous est remboursé lorsque vous rapportez la canette au détaillant.
Et une chose est claire d’après nos informations : à moyen terme, les bouteilles de vin demeureront exclues de la future réforme.
«Il commence à y avoir du mouvement, mais le gouvernement a fait un pas de côté.» - Stéphane Forget, Fédération des chambres de commerce du Québec
Toujours à la case départ
Pourtant, la réforme de ce système datant des années 80 est attendue depuis longtemps. Toujours selon nos informations, un groupe de travail formé de Recyc-Québec et de plusieurs partenaires touchés par la consigne a néanmoins recommencé à discuter de la réforme du système au cours des dernières semaines.
Les détails d’un document de propositions de Recyc-Québec en vue de moderniser la consigne avaient filtré dans le quotidien La Presse à la mi-octobre, jetant une douche froide sur le dossier. Parmi les propositions : la consignation de nouveaux contenants et une augmentation du prix de la consigne sur des canettes et des bouteilles. Une annonce du gouvernement devait même avoir lieu à l’automne.
Mais depuis, rien; seulement des discussions.
« Sommes-nous à la case départ? On est au même point qu’en 1984 », reconnaît Florent Gravel, président de l’Association des détaillants en alimentation du Québec. « Pour l’instant, on n’arrive pas à trouver une solution qui est à la fois environnementale et économique. »
Le défi est de trouver un équilibre entre les conséquences pour les détaillants de recevoir davantage de contenants consignés et, par ricochet, la réduction de la quantité de contenants qui se retrouvent dans le bac bleu. Aussitôt qu’une variable est modifiée, ce changement a des répercussions inattendues sur d’autres variables, a indiqué une source pour expliquer l’impasse.
Le silence règne
Compte tenu de la reprise récente des discussions, les différents partenaires se sont faits, pour la plupart, avares de détails pour ne pas nuire à la volonté d’en arriver à une entente.
Chez Recyc-Québec comme au cabinet du ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, il nous a été impossible d’en savoir plus que la phrase suivante : « Nous travaillons toujours en collaboration avec les partenaires pour moderniser un régime qui date de plus de 30 ans. »
Cette réforme est devenue un projet cher au ministre David Heurtel à son arrivée au ministère en 2014. Mais le projet piétine depuis des années. Thomas Mulcair, alors ministre québécois de l’Environnement en 2005, avait eu l’intention de consigner les bouteilles d’eau. Plus tard, Pierre Arcand avait annoncé la modernisation du système en 2012, en vain.
« La pire chose, c’est qu’on n’en arrive pas à une entente et que le ministre légifère, nous a confié Florent Gravel, de l’Association des détaillants en alimentation du Québec. Tout le monde serait perdant. »
Taux de récupération (2014)
- Boissons gazeuses : 75,7 %
- Bière : 72,6 %
Source : Recyc-Québec
Espoir chez les environnementalistes
Le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, seul groupe environnemental à militer activement pour une modernisation du système de la consigne, demeure convaincu que les partenaires pourront un jour aboutir à une solution équitable pour tous, tout en précisant que le temps presse après tant de tergiversations dans ce dossier.
« Il y a beaucoup de résistance, beaucoup de lobbys. On traite ça beaucoup sur l’aspect économique et moins sur l’aspect environnemental, déplore son directeur général, Karel Ménard. On parle de centaines de millions de dollars qui sont derrière tout ça. »
M. Ménard en appelle à « un geste politique qui serait marquant pour le ministre qui ferait le pas ».
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