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Le grand écart de Sophie Cadieux

Le grand écart de Sophie Cadieux
Julie Perreault

Sophie Cadieux a conclu l’année 2016 en gagnant le prix d’interprétation féminine de l’Association des critiques de théâtre pour son travail dans 4:48 Psychose, une pièce jouée devant une centaine de personnes chaque soir à La Chapelle. Trois mois plus tard, elle obtenait sa première nomination au Gala Artis pour son rôle dans la télésérie Lâcher prise, qui a rallié près d’un million de téléspectateurs chaque semaine cet hiver. Entrevue avec une actrice qui navigue entre les projets à petit et grand déploiement avec aisance et doigté.

Au cours de sa carrière, la comédienne de 39 ans a participé à plusieurs projets populaires à la télé (Rumeurs, Les Lavigueur, Watatatow), mais elle a rarement reçu autant de témoignages positifs qu’avec Lâcher prise.

«Dans le métro, les gens m’en parlent énormément! Certains me remercient de les faire rire, d’autres me disent que l’émission les déculpabilise de ce qu’ils vivent, que ça leur donne de la perspective ou que ça leur fait du bien. Je suis vraiment fière de ce projet!»

La cote d’amour du public la mènera d’ailleurs jusqu’au Gala Artis pour la toute première fois. «Quand j’ai appris ma nomination, j’ai capoté! Après 15 ans de métier, ça me touche énormément. Surtout qu’on souligne mon travail dans un projet aussi sensible et intelligent, qui est entré dans le cœur des gens.»

Sophie Cadieux savoure ce qui lui arrive, même si elle n’a jamais rêvé d’être très connue. «Pour moi, le métier de comédienne, c’est d’abord me faire oublier derrière un personnage. Mais de plus en plus, je prends la parole en mon nom. J’ai commencé à faire des chroniques et je suis devenue une personnalité publique. J’apprécie ça, mais ça n’a jamais été un rêve de petite fille d’être sous les projecteurs.»

N’empêche, elle profite pleinement de sa posture, elle à qui on pense à la fois pour les œuvres grand public et pour les plus pointues. «J’aime ratisser large. Quand je vois que des gens qui m’ont vu aux Dieux de la danse décident d’assister à une pièce chez Denise-Pelletier ou que le public de Psychose regarde Lâcher prise, je trouve que c’est une contamination exceptionnelle.»

Nouveaux adeptes et fidèles pourront la revoir sur la scène du Théâtre d’Aujourd’hui dans Toccate et Fugues (11 avril au 6 mai), une pièce écrite par le dramaturge Étienne Lepage, à qui l’ont doit Rouge Gueule, L’enclos de l’éléphant, ainsi que Robin et Marion.

Sa prémisse de base : une enfilade d’anecdotes, lors du party d’anniversaire d’une fille un peu déprimée, qui avait oublié sa propre fête. «Peu à peu, une suite de micro décisions va mener les invités dans un entonnoir de violence qui devient la responsabilité de tous, alors que personne n’a pris de décisions. C’est une heure de dialogues super serrés, qui sonnent comme une suite de monologues.»

Une forme qui exige des comédiens (Maxime Denommée, Mickaël Gouin, Karine Gonthier-Hyndman, Francis Ducharme, Larissa Corriveau) un grand effort de concentration. «On va répéter le texte à l’italienne avant chaque représentation pour garder notre esprit aiguisé. Il faut être prêt à suivre la puck. C’est extrêmement physique comme activité cérébrale. Si tu respires, tu manques la passe.»

Une œuvre chorale unique en son genre, durant laquelle les six personnages ne dialoguent presque jamais réellement. «Au fond, c’est une gang d’amis dont l’amitié tient à peu de choses. Probablement une gang qui s’est connue au cégep ou au secondaire et qui continue de se tenir ensemble, sans se demander ce qu’il reste entre eux. Pendant la soirée, ils ne réussissent pas à se parler. Ils veulent que le party lève, mais rien ne se passe.»

Rien et tout à la fois. «Étienne Lepage a la capacité d’être extrêmement drôle, précis et violent en déposant des espèces de bombes, ici et là, sous des anecdotes. Il aime décortiquer les petites actions vaines de l’humain : quand on pense qu’on est important, il nous ramène à notre nature la plus vile et la plus simple.»

À sa façon, la pièce met en lumière certaines caractéristiques peu reluisantes de notre époque. «Les personnages sont en TDAH constant, avec la soif de confirmer que ça va être mieux dans quelques instants. Ils se permettent de juger les autres, mais ils se tiennent à l’écart sans se mouiller complètement. En fait, la pièce est la somme de plusieurs micros actions qui mènent à un échec et une violence inhérente dont personne n’est responsable, mais tout le monde à la fois.»

Un équilibre fragile entre la comédie et le drame. «On rit jusqu’à qu’on réalise que les choses qu’on a trouvé drôles au début ne le sont plus, une fois répétées dans un nouveau contexte. Et les choses qui paraissaient vraies et tendres deviennent risibles à force d’être autant répétées. C’est comme une symphonie de mots qui n’ont pas la même signification dans la bouche de chacun.»

Au terme des représentations de Toccate et Fugue au début mai, Sophie Cadieux reprendra La fureur de ce que je pense, une traversée de l’œuvre de Nelly Arcan, au CNA d’Ottawa (24 au 27 mai), au Carrefour international de théâtre de Québec (31 mai, Grand Théâtre) et au FTA de Montréal (3 au 6 juin, Usine C).

Quelques semaines plus tard, elle entamera le tournage de la deuxième saison de Lâcher prise, qui sera diffusée à l’hiver 2018. «On va voir comment Valérie essaie de sortir de son trou, en prenant toutes sortes d’issues, en tissant de nouvelles amitiés, en vivant de nouvelles expériences et en se bousculant dans sa nouvelle vie.»

À l’automne, elle retrouvera Maxime Dénommée sur la scène de La Licorne pour une reprise de la formidable pièce sur la parentalité, Des Arbres (25 septembre au 20 octobre).

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