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«Objectivement parlant» de Louis T: à écouter attentivement

«Objectivement parlant» de Louis T: à écouter attentivement
Gilbert Fortier

Louis T connaît le rapport humoristes – critiques. Dans le communiqué de son spectacle, Objectivement parlant, qu’il offre ces jours-ci à la Cinquième Salle de la Place des Arts, il suggérait aux journalistes des phrases à utiliser dans leurs articles, au lendemain de sa première médiatique, qui avait lieu mercredi.

Des expressions joliment tournées, qu’on aurait aisément pu lire réellement dans un compte-rendu de sa prestation : «Faire rire et réfléchir, voici l’audacieux pari qu’a choisi Louis T pour ce premier spectacle» ; «Louis T est reconnu pour la qualité de ses textes ; il se démarque par son humour engagé et collé à l’actualité» ; et même «Clairement le nouveau Yvon Deschamps!» Il y en avait cinq au total. Sûr de lui, le Louis T, direz-vous.

Avec raison. Ce «nouveau visage» pour les uns, ex-collaborateur à Entrée principale, Selon l’opinion comique et Bazzo.tv et chroniqueur à Gravel le matin pour les autres, vient occuper, avec son style percutant et son œil très affûté, un créneau pas entièrement occupé par Guy Nantel ou Guillaume Wagner, où se côtoient actualité et politique, indignation et observation, le tout saupoudré d’un peu d’expérience personnelle, avec intelligence et pertinence.

Qui plus est, Louis T jouit d’une authentique chimie avec sa salle, amène ses thèmes tout en finesse et en subtilité, est doté d’un palpable talent comique et s’exprime avec la clarté et la fluidité d’un pédagogue. Ce qu’il est en quelque sorte, à sa façon.

«Objectivement parlant» de Louis T

Même s’il dénonce, il ne donne jamais l’impression de se défouler. Il ne tape sur aucun clou en particulier, s’en prenant plutôt à nos défauts collectifs et à des faits prouvés. Il décortique apparemment avec avidité les manchettes d’ici et d’ailleurs, débitant chiffres et statistiques avec l’assurance d’un analyste. Mais Objectivement parlant n’a rien de trop pointu; le propos de Louis T plaira à quiconque est le moindrement cultivé en matière d’information et s’intéresse à ce qui se passe dans nos sociétés. Il n’est peut-être pas le nouveau Yvon Deschamps comme il souhaiterait qu’on l’écrive, mais il est le premier Louis T, ce qui est sans doute encore mieux.

Parler de «nous»

Ça commence avec du rarement entendu – au Québec, du moins – sur son statut de nouveau papa et son bébé d’un an. Faut le faire, le sujet ayant été épuisé d’à peu près toutes les manières par nos comiques. Louis T traite des petits bobos de son fiston, ce qui l’amènera judicieusement au premier de ses cinq grands thèmes : le système de santé.

Après quoi, pendant l’heure suivante, il discourra sur la corruption, l’autisme qu’on lui a récemment diagnostiqué, le terrorisme et la religion. Toujours d’un angle unique, sans qu’on ne puisse l’accuser d’être à gauche ou à droite, en empruntant toutes sortes de ramifications. Ce qu’on remarque surtout, c’est comment il sait voir au-delà de l’évidence et relever les absurdités. Les préjugés du «petit» citoyen y passent, tout comme les aberrations commises par nos élus.

Écoutez-le attentivement; son monologue passe vite, et beaucoup, beaucoup d’informations y sont contenues, assorties des perceptions jamais complaisantes de Louis T. Qu’il pointe le Plan Nord, le CUSUM, la fausse colère des Québécois (et leurs slogans mous dans les manifestations) ou leur trop grande émotivité, il le fait, justement, avec objectivité.

Derrière lui, sur un écran, des projections viennent complémenter son contenu. Il s’en sert notamment pour décaper quelques idées préconçues envers le terrorisme en faisant participer les spectateurs, une technique fort efficace, et étudier à sa manière la religion.

La scène humoristique a bien besoin d’un Louis T parmi ses membres. Le garçon aux allures de premier de classe n’utilise pas l’actualité pour mieux parler de lui-même, comme le font bien d’autres; elle est au contraire sa matière première, sa raison d’empoigner le micro. Et ça fait du bien, de rencontrer un artiste à l’esprit et la conscience sociale suffisamment ouverts pour causer ainsi de «nous» et non juste de «lui». Réjouissons-nous de pouvoir compter sur un Louis T pour remarquer nos travers et, encore plus, ceux des gens qui nous gouvernent. Tant que des personnalités outillées comme lui prendront la parole, on pourra se dire qu’il y a de l’espoir.

Louis T présente encore Objectivement parlant à la Cinquième Salle de la Place des Arts les 6, 7 et 8 avril, avant de se rendre à Québec, au Théâtre Petit Champlain, le 14 avril, et de poursuivre sa tournée. Toutes les dates de son calendrier sont disponibles sur son site internet. Notons que sa première partie est assurée par l’excellent Roman Frayssinet.

Quelques gags de Louis T

- «Je me suis trouvé un médecin de famille (…) Un enfant de 11 ans qui m’a promis d’étudier là-dedans»

- «Ça fait juste un an qu’on l’a, on ne le connaît pas beaucoup» (à propos de son fils)

- «Ça veut dire qu’une personne sur trois arrive à se tromper, même avec un choix de réponses» (à propos du 30 % de Québécois satisfaits du gouvernement libéral)

- «(Les Québécois), on n’est pas paresseux, on est lâches. (…) Un paresseux n’a pas envie de se faire à souper; un lâche arrive à se convaincre qu’il n’a pas faim.»

- «Je suis comme le petit Jérémy, qui fait des jokes de Mike Ward. Je suis indestructible» (à propos de son autisme)

- «On venait pas de perdre des futurs astronautes, on a perdu une couple de Steve» (à propos des gens décédés en jouant à Pokémon Go)

- «Internet était mieux avant qu’on le commente. On a scrappé Internet» (à propos de Facebook)

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