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«Mon fol amour»: la plus belle catastrophe de Dominique Demers (ENTREVUE)

«Mon fol amour»: la plus belle catastrophe de Dominique Demers

Après une séparation avec le père de ses enfants et un nouvel amour qui lui a pulvérisé le cœur, Dominique Demers cherche une maison. Un espace où se poser, panser ses plaies, écrire et… se reconstruire. Au détour d’une virée dans le nord, elle tombe sur un petit chalet lové dans les Laurentides. Le coup de cœur est total. Le genre qui déstabilise et qui aveugle. Au point de ne pas voir que sa future demeure est une maison catastrophe. De semaine en semaine, les coups du sort s’acharnent sur l’écrivaine, qui les transforme un jour en une histoire aussi surprenante que charmante, avec sa plume souple, vive et sensible.

Outre le récit qu’on retrouve dans vos Chroniques d’un cancer ordinaire, les lecteurs vous connaissent surtout commune auteure de fiction pour petits et grands. Qu’avez-vous découvert en écrivant une autofiction?

On marche encore plus sur une corde raide, parce que les émotions sont très vives. Et le piège est de tomber dans le dramatique et l’enflure. Mais j’ai réalisé après avoir écrit Mon fol amour que j’avais pratiqué l’autofiction en début de carrière, alors que l’expression n’était pas utilisée. Dans Un hiver de tourmente, je raconte mon premier amour à 14 ans et le grand drame de ma vie, la mort de ma mère, ce qui donnait un cocktail explosif. J’ai tout raconté sans réelle réflexion sur moi-même. J’ai vraiment juste craché les mots. Ensuite, j’ai compris que ça n’avait pas d’allure d’écrire sur ma vie et que je n’étais pas une vraie écrivaine. L’autofiction n’était pas bien vue à l’époque. Alors j’ai décidé d’en faire une trilogie en poursuivant ma vie dans un cheminement fictif.

Qu’avez-vous senti en visitant le fameux chalet pour la première fois?

Que cela correspondait à mes goûts profonds. J’ai toujours aimé les petits lieux un peu déglingués, chaleureux et imparfaits. Quand mes amis l’ont vu, la plupart me disaient que ça n’avait pas d’allure de l’acheter. Ils voyaient tous les problèmes. Mais si on se laisse aller, on sent que ce lieu a une âme.

Malgré tout le désarroi qui vous habite en découvrant ses vices, on sent chez vous beaucoup d’autodérision et d’humour face à ce qui vous arrive. C’est naturel?

Oui et non. J’étais tout le contraire à 20 ans. Mais à force de vivre de gros drames, j’ai appris à faire ça. Il faut pouvoir reconnaître que la vie est dramatique et immensément drôle. Tout de suite après mon cancer, j’ai eu un accident de vélo et une chirurgie au pied. Tout cela en même temps que les grosses rénovations du chalet. Mais je n’aurais pas pu mettre ça dans le roman, car c’aurait été trop pour les lecteurs.

Diriez-vous que vous avez une capacité à renommer la réalité?

Tout à fait. L’écriture m’a enseigné que tout est possible. Les mêmes faits peuvent être racontés de millions de façons différentes, alors pourquoi on ne ferait pas ça avec notre vie? On peut choisir les mots dans notre tête et décider que ça, c’est laid et mignon, atroce et drôle en même temps, à condition que ça soit vrai. On a beaucoup de pouvoir devant la réalité. Je fais souvent réaliser aux lecteurs que je rencontre que mon métier me permet de faire ce que je veux, où je veux et quand je veux. Avec des lettres, des espaces et des virgules, je peux être quelqu’un d’autre et aller partout!

En parallèle de votre aventure immobilière, vous racontez aussi votre quête amoureuse, votre inscription à un site de rencontres et les hauts et les bas de vos rencontres. Est-ce que la recherche d’un homme avec qui on est bien est semblable à celle d’une maison où l’on se sent chez soi?

Oui, mais c’est plus que ça. Le roman m’a aidée à comprendre que ma vraie maison, c’est moi-même. Quand on cherche un amoureux, on cherche souvent un lieu où se déposer. On essaie parfois de recréer la relation qu’on a eue avec nos parents. Mais idéalement, on doit apprendre à s’habiter soi-même avant d’habiter avec quelqu’un d’autre. À 60 ans, je pense être de plus en plus prête à le faire, mais je ne sais pas si je veux.

Pourquoi pensez-vous être si difficile à «matcher»?

D’abord, j’ai un caractère fort. J’affirme les choses avec conviction. Il faut un homme solide pour vivre avec ça. Et aussi, la place du sport dans ma vie me définit presque autant que les arts. J’ai beaucoup en commun avec les gars sportifs, mais souvent, ils voient la création, qui est une partie si importante de moi, comme quand on me parle d’électricité et que je ne comprends rien. Lorsqu’on est aussi hybride, c’est plus difficile de trouver.

Est-ce que votre capacité à inventer des personnages d’hommes complique la recherche dans la vraie vie?

Tellement! Par exemple, quand j’ai rencontré le personnage de Natak en écrivant le roman Maïna, j’ai vécu le moment en même temps que mon personnage. Ce n’était pas prévu dans mes notes. Et j’ai eu un vrai coup de foudre pour Natak! J’ai toujours pensé que si je le croisais un jour, je lâcherais tout et je partirais avec lui. Quand tu vis ça, c’est difficile de rencontrer une vraie personne. Et comme j’écris depuis mes 16 ans, je ne sais pas quelle proportion de mon existence a été consacrée à la fiction et à la réalité. Ça laisse des traces.

Parfois, votre vraie vie rejoint aussi votre univers d’écrivaine, comme à la fin mai, lorsque vous serez coprésidente d’honneur du Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue aux côtés de votre fille, l’écrivaine Marie Demers. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

C’est le plus beau cadeau qu’on peut m’offrir. Quand on aime quelque chose autant, le partager avec ce qu’on a de plus proche de soi nous réunit beaucoup. Et je crois qu’on accède à quelque chose que tous les parents doivent vivre: la réciprocité et l’égalité. Même si on reste un parent et un enfant toute la vie, on devient deux adultes en cheminement. Et la coprésidence est un symbole de deux écrivaines en cheminement qui partage un moment.

Mon fol amour (Québec Amérique) est présentement en librairies.

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